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voyage de saint brendan

Les moines irlandais et le voyage de Saint-Brendan

L'hypothèse d'expéditions transatlantiques menées par des moines irlandais du Moyen Âge semble raisonnablement valide. Nous savons qu'aux 5e et 6e siècles de notre ère, l'Irlande est le foyer d'un bouillonnement culturel. Elle est la gardienne de la chrétienté de l'Europe du Nord à la suite du déclin et de la chute de l'Empire romain. À cette époque, les moines irlandais prennent le risque de traverser l'Atlantique Nord en quête d'une mission de nature divine ou spirituelle. Ils atteignent les archipels des Hébrides et des Orcades ainsi que les îles Féroé. Les sagas scandinaves mentionnent que des moines irlandais habitent déjà l'Islande lorsque les Scandinaves s'y implantent vers 870 de notre ère (même si aucune preuve archéologique ne le confirme jusqu'à présent).

De tels exploits donnent un air d'authenticité à l'histoire de Saint-Brendan. Né en Irlande vers 489, il fonde le monastère à Clonfert dans le comté de Galway. Selon la légende, il est septuagénaire lorsqu'il se lance dans une expédition vers l'ouest. Il part avec 17 compagnons sur un curragh, un bateau fait de peaux de bœuf sur une armature en bois. D'après un récit du 10e siècle, Navigatio Sancti Brendani Abbatis (Le voyage de Saint-Brendan), les moines naviguent pendant sept ans dans l'Atlantique Nord.

Le départ de Saint-Brendan et de ses compagnons, s.d.

Ils finissent par accoster à la « Terre promise des saints ». Après l'avoir explorée, ils repartent vers leur point de départ en emportant avec eux des fruits et des pierres précieuses. Brendan s'est-il rendu jusqu'à Terre-Neuve en se servant des îles de l'Atlantique Nord comme de tremplins vers sa destination? En 1976 et 1977, Tim Severin, un écrivain et explorateur britannique, fait la démonstration qu'une telle expédition est réalisable. Il reproduit un curragh, le Brendan, et navigue jusqu'à Terre-Neuve. Si les moines irlandais ont réellement traversé l'Atlantique, ce qu'ils ont accompli représente un exploit d'une grande importance historique. Avant le 8e siècle, l'Irlande subit les attaques répétées des Vikings. C'est donc peut-être par les Irlandais que les Scandinaves apprennent l'existence de terres lointaine à l'Ouest.

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Le Voyage de Saint Brendan Navigatio sancti Brendani ⁱ

► Le Voyage de saint Brendan , moine actif au VI , prend sa source - sinon est issu - d’un amalgame entre d’une part les récits hagiographiques de sa vie et d’autre part l’ echtra déjà christiano-celtique dit Voyage de Bran (1) . La légende s’est vraisemblablement fixée vers le IX avec la Navigatio sancti Brendani abbatis dont on trouve par la suite de multiples versions et adaptations dans les bibliothèques européennes (2) . Ces récits font immanquablement penser à l’ Odyssée , l’ Énéide et Sinbad le marin .

Lien vers le site

■ Ne pouvant déchiffrer le texte du ms. Harley 4751 , nous laissons les illustrations dans leur ordre d’origine sans tenter de les attribuer aux chapitres du texte.

1. ⟴ Ou de celui de Máel Dúin, même motif .

Lien vers l’œuvre

3. ⟴ Avec texte anglo-normand du d.XII de Benedeit et illustrations.

☩ Texte : Paul Tuffrau in Le Merveilleux Voyage de saint Brandan à la recherche du Paradis , 1925. | PSI

Lien vers le catalogue

☩ Huile sur toile : Le Voyage de saint Brendan , Edward Frampton, 1908. | bs. Musée d’art Chazen (Madison, États-Unis) .

Lien vers l’œuvre sur Internet Archive

Version : BJCB

Auteur : Honorius Philoponus (Caspar Plautius)

Date : 1621

Type : Gravure sur papier

États-Unis d’Amérique

Nom : Saint Brendan et ses moines mettent les voiles pour une terre occidentale

Auteur : Sœurs franciscaines de la Perpétuelle adoration

Date : 1917

voyage de saint brendan

Version : BL

Auteur : Culture Chrétienne

Date : s.q.XIII

Type : Enluminure

Royaume-Uni

Commentaire : L’apsidochélon est une créature présente dans les bestiaires depuis le Physiologus , il est utilisée dans le Voyage de saint Brendan aux passages de la pâque sur Jasconius.

voyage de saint brendan

Nom : Le Voyage de saint Brendan

Auteur : Edward Frampton

Date : 1908

Type : Huile sur toile

États-Unis d’Amérique (Madison)

⟴ 1. De saint Barintus et des merveilles qu’il avait vues sur la mer

Brendan était un saint homme, fils de Finloch, descendant du grand Eogène ; il était né dans le pays marécageux des Mimensiens. C’était un homme de grande abstinence, célèbre par ses vertus. Il était père de trois mille moines.

Comme il priait dans son oratoire, à la vesprée, il advint qu’un abbé s’avançât vers lui, à travers la lande appelée maintenant « lande des vertus Brandaine ». Cet abbé se nommait Barintus ; c’était le neveu du roi Neil.

Il se prosterna aux pieds du père, se mit à pleurer et demeura en oraison. Mais saint Brendan le releva de terre et le baisa. Puis il lui dit :

« Doux ami, pourquoi cette tristesse ? N’est-ce pas pour ma consolation que tu es venu ? » Il sied de cacher sa douleur et de montrer seulement sa joie à ses frères. Enseigne-moi plutôt la parole de Dieu ; puis tu réjouiras nos âmes en nous racontant les diverses merveilles que tu as vues sur la mer.

— O bon père, répondit Barintus, je suis venu précisément pour cela. La volonté de Dieu me pousse à te les dire ; mais à la pensée que je ne les reverrai plus pendant ma vie terrestre, mon cœur se brise. »

Donc, saint Barintus commença à entretenir saint Brendan d’une île, disant :

« Parmi mes fils en Dieu, il s’en trouvait jadis un, Mernoc, pourvoyeur des pauvres de Jésus-Christ, qui voulait vivre en solitaire. Il me quitta pour aller s’établir dans une île au milieu de celles appelées : îles Vertes du Courant. Le nom de celle-là est : île Délicieuse. Longtemps après, je sus que plusieurs ermites vivaient autour de lui, qu’ils lui obéissaient comme à leur père, et que Dieu accomplissait par lui de grands miracles.

« C’est pourquoi je partis pour visiter mon cher fils. Or, comme j’étais en mer depuis près de trois jours, il vint lui-même à ma rencontre, car Notre Sire lui avait révélé mon approche. Et il me guida vers l’île Délicieuse, à travers des îles innombrables dont chacune porte une cellule et nourrit un homme de Dieu. Pas un qui ne sautât dans sa barque en nous voyant et ne vînt vers nous ; et il en venait tant de tous les côtés qu’il semblait qu’on eût semé du charbon sur l’eau. Chacun d’eux vit isolément, mangeant des fruits, des noix, des racines ou toute espèce d’herbes qu’il peut trouver ; après complies, il s’enferme dans sa petite demeure jusqu’à ce que la cloche de l’île Délicieuse sonne matines dans le vent. Néanmoins, si leurs habitations sont éparses, un seul propos les gouverne tous : c’est de vivre selon la Foi, l’Espérance et la Charité.

« Mon cher fils Mernoc me fit visiter son île. Et quand nous arrivâmes à la côte qui fait face à l’Occident, nous trouvâmes une petite nacelle ; alors, il me dit : “Beau père, montons dans cette nef et déployons la voile. Dieu va nous conduire à la Terre de Promission où il placera, à la fin des temps, ceux qui l’auront bien servi.”

« Donc, nous commençâmes à naviguer vers l’Occident. Des nuées couvraient la mer, qui devinrent bientôt si épaisses qu’à peine pouvions-nous apercevoir la poupe ou la proue. Mais, passée la durée d’une nuit, elles se dissipèrent. Un vent chaud nous apporta des odeurs d’une suavité non pareille, si palpables que nous tendions les mains pour les prendre ; bientôt nous naviguâmes au milieu d’une lumière resplendissante ; la mer devint claire comme du cristal ; et une terre nous apparut au loin, belle et herbeuse, portant beaucoup d’arbres fruitiers.

« Quand nous y eûmes abordé, nous commençâmes à la parcourir. Et nous la parcourûmes tout le jour sans en trouver la fin. Nous ne vîmes nulle herbe sans fleur, nul arbre sans fruit, les feuilles étaient larges comme des peaux de bœufs, les raisins hauts comme des hommes ; les pierres sur lesquelles nous marchions étaient toutes en précieuse matière. Enfin, nous trouvâmes un fleuve qui coulait d’Occident en Orient, et ce fleuve était couleur d’arc-en-ciel. Nous le considérions, hésitant sur ce que nous devions faire ; nous avions envie de le traverser, mais nous attendions de connaître la volonté de Dieu. Alors, un jouvenceau plein d’une grande clarté apparut soudainement devant nous, nous salua en nous appelant par nos propres noms, et nous dit : “Salut, mes bons frères. Il a plu à Notre Sire de vous révéler la terre qu’il destine à ses saints. La moitié de cette île finit où coule ce fleuve. Il ne vous est pas donné d’avancer plus outre. Retournez d’où vous êtes venus.”

« Quand il eut parlé, je lui demandai qui il était, quel était son nom. Il me dit : “Pourquoi prends-tu souci de ces choses ? Pourquoi ne me questionnes-tu pas plutôt sur cette île ? Telle vous la voyez maintenant, telle elle est depuis le commencement. Y avez-vous souffert d’un besoin quelconque de nourriture ou de boisson ? Avez-vous ressenti une fois l’accablement du sommeil ? Avez-vous été une fois enveloppés par l’obscurité de la nuit ? Or voilà plus d’un an que vous êtes dans cette île. Sachez-le, en toute vérité : le jour ici n’est jamais souillé par les ténèbres. Car la vivante lumière de cette île, c’est Jésus-Christ.”

« Entendant cela, nous versâmes des larmes, et dès que nous fûmes apaisés, nous nous en retournâmes. Jusqu’au rivage, le jouvenceau marcha devant nous ; quand nous fûmes montés dans notre nacelle, il disparut. Nous déployâmes la voile, nous entrâmes de nouveau dans les brumes de la mer, et nous revînmes ainsi à l’île Délicieuse.

« Quand nos frères nous revirent, ils accoururent, exultant de joie, baisant nos robes, pleurant sur notre longue absence : “O pères, disaient-ils, pourquoi avez-vous laissé si longtemps vos brebis sans pasteurs ?”

« Je les réconfortai, disant : “Beaux frères, écoutez nos nouvelles. Le pays où vous vivez est à la porte même du Paradis. Devant vous est l’île appelée Terre de Promission des Saints, où le jour ne finit jamais. Les anges de Dieu la gardent. C’est là que m’a conduit votre abbé Mernoc. Et ne reconnaissez-vous point, à l’odeur de nos vêtements, que nous fûmes dans le Paradis de Dieu ?”

« Alors, les frères répondirent : “Sire, nous pensions bien que vous aviez été dans le Paradis de Dieu. Car souvent déjà notre abbé s’en est allé, nous ne savions où, et toujours il rapportait ce même parfum dans les plis de ses vêtements, si fort et si suave que nos narines le sentaient pendant quarante jours.”

« Et je leur dis : “Je suis resté là avec mon cher fils pendant un an qui nous a duré moins qu’une heure. Nous étions rassasiés sans nous repaître et rafraîchis sans nous reposer.”

« Après quarante jours, ayant pris la bénédiction des frères et de l’abbé Mernoc, j’ai quitté les îles Vertes du Courant. Je m’en suis retourné vers ma cellule d’où je suis sorti hier pour venir vous raconter ces choses. »

Quand Barintus eut terminé, saint Brendan s’agenouilla sur la lande et rendit graces, disant : « Notre Seigneur est saint dans toutes ses œuvres et miséricordieux dans toutes ses voies, qui révèle à ses serviteurs de telles merveilles. Et béni soit celui qui nous apporte aujourd’hui cette réfection spirituelle ! »

Puis il dit : « Allons maintenant refaire nos corps. »

Cette nuit passa. Et Barintus, ayant pris la bénédiction du père, s’en retourna.

⟴ 2. Comment saint Brendan partit pour voir le paradis

Saint Brendan choisit dans toute sa congrégation quatorze frères. Il les réunit dans son oratoire, il leur raconta les merveilles que l’abbé Barintus avait vues sur la mer, et il leur dit : « Mes frères les mieux aimés, mes compagnons de lutte, je requiers de vous aide et conseil. Car toutes mes pensées se sont fondues en un seul désir : si c’est la volonté de Dieu, je souhaite voir à mon tour cette Terre de Promission des Saints et le vaste monde qui nous attend au delà du tombeau. Ne voulez-vous point venir avec moi ? »

Tous répondirent d’une voix : « Sire, ta volonté est toujours nôtre. N’avons-nous point quitté nos pères et nos mères pour venir vivre avec toi ? N’avons-nous pas rejeté nos héritages ? N’avons-nous pas remis en tes mains nos corps et nos âmes ? Nous serons toujours prêts à te suivre, soit à la mort, soit à la vie. »

Donc, ils décidèrent de jeûner pendant six semaines, à raison de trois jours par semaine, puis d’entrer en leur voie.

Quand les six semaines furent passées, saint Brendan réunit ses moines, les recommanda au prévôt du monastère et prit congé d’eux. Mais il ne voulut point revoir ses parents, de crainte que son cœur ne s’attendrît. Avec ses quatorze frères, il alla prendre la bénédiction d’un saint ermite nommé Aende. Puis il entra dans la région où plus personne n’habite, tant est formidable l’Océan qui gronde à ces bords lointains du monde.

Il s’arrêta au lieu appelé depuis : Saut de Brendan. C’est au sommet d’une montagne qui s’étend dans la mer en forme de groin. Là, ils charpentèrent en bois flexible, comme il est accoutumé dans ces régions, la carcasse d’une nacelle très légère ; ils la tendirent de peaux de bœufs toutes brunes de l’écorce du chêne ; ils oignirent de beurre les jointures des peaux ; puis, l’ayant mise à la mer, ils y portèrent d’autres peaux, d’autre beurre, quarante jours de vivres et toutes les choses nécessaires à la vie humaine.

Quand tout fut prêt, saint Brendan dit à ses frères : « Entrez dedans. Remerciez Dieu. Le vent est bon. »

Tous entrèrent. Il restait seul sur le rivage, bénissant la montagne, le port et la nef, quand trois moines de son abbaye apparurent, qui descendirent hâtivement vers lui et tombèrent à ses pieds, disant : « Beau père, par la charité du Christ, permets-nous d’aller avec toi où tu veux aller ; ou si c’est non, nous nous laisserons mourir de faim dans ce lieu-ci. »

Le saint père, voyant leur angoisse, les releva par les mains, disant : « Mes chers fils, que votre volonté soit faite. »

Il regardait leurs faces. Il dit encore : « Deux d’entre vous sont voués à Satan. Le troisième sera tenté. Mais Dieu le soutiendra. »

⟴ 3. D’une grande soif qu’eurent les frères

Quand le saint homme et les trois frères furent montés dans la nef, on déploya la voile. Le vent l’emplit et les emporta si rapidement qu’ils ne virent bientôt plus que le ciel et la mer. Pendant trente jours il souffla, et ils n’avaient nul besoin de ramer, mais ils manœuvraient seulement les cordages pour tenir la voile toujours gonflée. Au trente et unième jour, le vent tomba. Ils se remirent aux rames et nagèrent tant qu’ils pleuraient de fatigue sur leurs bancs. Saint Brendan, voyant cela, les réconforta, disant : « Beaux frères, n’ayez pas peur, car Dieu est notre nautonier et notre pilote. Confions-nous à lui. Rentrez les avirons et le gouvernail. Laissez seulement la voile étendue, et que Dieu fasse ce qu’il voudra de ses serviteurs et de sa nef. »

Alors, ils se laissèrent porter sur les vagues monstrueuses, regardant de tous côtés l’horizon où n’apparaissait point d’île, mais seulement la procession des nuages qui défilaient sans fin. Parfois, à la vesprée, le vent soufflait. Ils ne savaient d’où il venait, ni vers quelles régions il entraînait leur nef. Au bout de trois mois, une terre apparut.

Quand ils en furent proches, ils virent que la côte était droite comme un mur, mais que divers ruisseaux s’écoulaient çà et là par des fissures. Et comme ils étaient durement travaillés par la soif, quelques-uns prirent des vases pour recueillir ce qu’ils pourraient puiser d’eau douce, aux endroits où elle se mêlait aux vagues. Saint Brendan les en empêcha, disant : « C’est rapine que vous voulez faire, mes frères. Soyez sûrs que cela ne serait point agréable à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui ne nous montre présentement aucun port pour accéder en ce lieu. Mais c’est pour nous éprouver : dans trois jours, il nous donnera de quoi refaire nos corps fatigués. »

Pendant trois jours, ils naviguèrent ainsi autour de l’île, sans rien voir que la muraille abrupte et l’écume blanche qui sautait en bas. Mais le troisième jour, à l’heure de none, ils découvrirent un port étroit. Saint Brendan bénit l’entrée et ils s’y engagèrent.

Le bras de mer s’enfonçait très avant entre les rochers escarpés. Au fond, ils trouvèrent une eau claire qui descendait des hauteurs de l’île ; des herbes et des racines poussaient à l’entour et diverses sortes de poissons se jouaient dans cette eau.

« Voyez, mes frères, dit saint Brendan, comme Dieu donne le confort après le labeur. Buvez maintenant, mais prenez garde de ne pas user de cette eau outre mesure, car elle travaillerait vos corps grièvement. »

Or les frères observèrent inégalement le commandement de l’homme de Dieu. Les uns burent un plein hanap, les autres deux, les autres trois. Et ceux qui avaient bu trois hanaps dormirent pendant trois jours et trois nuits. Ceux qui en avaient bu deux, pendant deux jours et deux nuits. Ceux qui en avaient bu un, pendant un jour et une nuit. Saint Brendan, agenouillé sur le sable, priait Dieu sans arrêt pour ses frères qui avaient péché par gloutonnerie et non par malice.

Quand tous furent réveillés, il leur dit : « Mes chers fils, fuyons d’ici, afin que pis ne nous advienne. Dieu vous avait donné votre pâture, mais vous en avez fait abus. Donc, prenez ce qui vous est nécessaire, et quittons cette île. »

Ils prirent des poissons, des racines, de l’eau et se remirent hâtivement en mer. Désormais ils obéirent en tout temps, en tous lieux au saint homme. Et de ce jour, pour accroître leur soumission, Dieu permit qu’une grande lumière rayonnât autour de saint Brendan quand il dormait.

⟴ 4. D’un grand serpent

Un jour apparut un serpent monstrueux qui se dirigea droit vers eux. Il braillait plus fort que quinze taureaux, et le dedans de sa gueule était embrasé comme la bûche dans la fournaise. Il fendait rapidement l’eau, comme s’il voulait les dévorer.

Quand les frères l’eurent vu, ils crièrent vers Notre Seigneur : « Seigneur, délivre-nous de ce serpent, qu’il ne nous dévore ! »

Et ils crièrent vers le saint père : « Père, secours-nous ! Père, secours-nous ! »

Saint Brendan pria le Seigneur, disant : « Seigneur, protège tes serviteurs, que cette bête ne les dévore ! » Et, réconfortant ses frères, il leur dit : « Ne vous épouvantez pas, hommes de peu de foi. Dieu, qui est notre garant, nous défendra contre la gueule de cette bête et contre tous autres périls. »

Comme elle approchait, des vagues merveilleusement hautes allaient en avant d’elle et soulevaient la nef. L’homme de Dieu se mit devant ses frères agenouillés, tendit ses mains vers le ciel et dit : « Seigneur, délivre tes serviteurs ainsi que tu délivras David des mains de Goliath le géant, et Jonas du ventre de la grande baleine ! »

Quand il eut fini cette oraison, voilà qu’un serpent énorme surgit de la mer tout contre la nef, et se dirigea droit à la rencontre de l’autre en jetant du feu hors de sa gueule. Et tous deux, dressant leurs têtes jusqu’aux nues, s’attaquèrent avec rage. Des flammes jaillissaient de leurs narines, ils s’enroulaient l’un à l’autre, ils se déchiraient à pleines dents. Le sang et le feu volaient autour d’eux. La mer était en grand tumulte, les vagues devenaient rouges. Et le vénérable vieillard disait à ses compagnons : « Voyez, mes fils, ce grand miracle de notre Sauveur. Voyez l’obéissance de cette créature aux ordres de son Créateur : comme elle est venue, comme elle combat, comme elle mord cruellement l’autre. Attendez sans crainte la fin de la bataille. Elle sera pour la plus grande gloire de Dieu. »

Et déjà le misérable monstre qui avait poursuivi les serviteurs de Jésus-Christ était tué et dépecé en trois parties. Et l’autre, après sa victoire, plongea et retourna en son lieu.

Le jour d’après, une île apparut au loin. Ils s’en approchèrent et virent sur le rivage la partie postérieure du serpent que la mer avait rejetée. Et saint Brendan dit : « Voilà la bête qui voulait vous dévorer. Vous la dévorerez vous-mêmes, et vous vous rassasierez de sa chair. Mais il est bon de chercher d’abord un endroit favorable pour tirer notre nef à sec, car je vois qu’un orage va s’élever en mer. »

Quand ils l’eurent fait, ils dressèrent leur tente à l’abri du vent, entre de grands rochers. Et quand ils y eurent mis toutes les choses utiles, saint Brendan leur dit : « Allez vers le serpent, prenez sur lui de quoi vous suffire pendant trois mois, et mettez diligemment toute cette chair dans le sel. Car, la nuit prochaine, les bêtes de la terre et de l’eau dévoreront toute sa charogne. »

Et les frères prirent et emportèrent des chairs ce dont besoin leur était. Le lendemain, ils retournèrent en ce lieu. Il ne restait plus que les ossements de la grande bête, pareils à la carcasse d’une barque. Alors, ils revinrent à l’homme de Dieu : « Sire abbé, il en est advenu comme tu l’avais prédit. Mais si nous devons rester ici trois mois, comment pourrons-nous vivre sans eau ? »

Il leur répondit : « Est-il donc plus difficile à Dieu de vous procurer à boire qu’à manger ? Allez de ce côté de l’île. Vous trouverez au milieu de la lande une claire fontaine. »

Et ils trouvèrent tout comme il le leur avait enseigné.

Saint Brendan resta là trois mois, parce que l’orage grondait sans arrêt sur la mer, qu’un vent très fort soufflait, avec des giboulées de grêle et de pluie. Ses frères se régalaient avec la chair de la grande bête. Mais le saint homme ne se nourrissait que d’herbes et de racines, car depuis qu’il avait été ordonné prêtre, il ne goûta jamais chose où il y avait eu esprit de vie.

Or un matin il leur dit : « Mes beaux fils, remplissez d’eau douce les buires et les vaisseaux. Car Notre Seigneur va nous donner aujourd’hui un temps clair, et la tempête va s’apaiser dans le ciel et sur les flots. »

⟴ 5. D’un certain Château qu’ils trouvèrent et d’un petit démon éthiopien

Il arriva comme il avait dit : car le ciel s’éclaircit, l’eau s’aplanit, et ils purent, en déployant leur voile, gagner la haute mer.

Au bout de huit semaines, le vent cessa de soulever les vagues, la mer devint comme coagulée, un vaste silence s’établit, qui semblait éternel. Et l’eau pullulait de bêtes hideuses qui montaient des profondeurs à l’approche de la nef, se heurtaient à ses flancs de cuir, chargeaient les rames et montaient dessus pour mieux voir les frères. Ils priaient Dieu en pleurant pour qu’il leur vînt en aide ; car leur force s’épuisait sans que la nef avançât sur ces flots horribles. À la fin, ils ne ramaient plus, ils demeuraient en oraison.

Quarante jours ils voguèrent ainsi. La quarantième nuit, des lumières leur apparurent, les unes grosses, les autres petites, les unes vives, les autres incertaines, comme fait le feu dans un tison qui va s’éteindre ; et ces lumières étaient rouges, et il semblait que ce fussent signes qu’on leur faisait.

Quand saint Brendan vit cela, il bénit les lumières et dit à ses compagnons « Dieu nous envoie ce message pour notre bien. Allons vers lui. »

Et un vent propice se leva, pour qu’ils n’eussent pas à travailler au delà de leurs forces. Quand l’aube creva, ils virent un fort château bâti sur un rocher que l’eau assaillait de toutes parts. Un chien les attendait sur la grève, qui vint aux pieds de saint Brendan en lui faisant fête, comme les chiens ont coutume de faire à leur seigneur ; puis il marcha devant eux en un sentier, et les frères le suivirent jusqu’à la porte du château, qui était ouverte.

Nul être humain ne l’habitait. Les salles en étaient si richement décorées qu’ils croyaient être dans le Paradis de Dieu. Les voûtes étaient peintes à étoiles et à fleurs, les murailles étaient encourtinées de soie brillante sur laquelle étaient suspendus des vaisseaux de diverse matière, des freins d’or, des cornes cerclées d’argent. Et ils entrèrent dans une salle pleine de sièges, avec des bassins d’eau chaude pour se laver les pieds ; il y avait un siège pour chaque frère, et devant chaque siège, un bassin.

Quand ils se furent assis, saint Brendan les avertit, disant : « Gardez, beaux frères, que le diable ne vous induise en tentation de larcin. Je sais qu’il est en train de circonvenir l’un d’entre nous. Prions pour son âme. »

Puis saint Brendan dit au frère qui avait accoutumé d’apprêter leur nourriture : « Va, et vois où est servi le manger que Notre Sire nous a préparé. »

Et celui-ci, se levant aussitôt, trouva dans la salle voisine une table dressée, avec sur la nappe des pains d’une blancheur miraculeuse, des pots pleins de bière, du bœuf rôti, du porc salé et de grands poissons.

Alors, saint Brendan bénit le manger et les frères ; et ils s’assirent, et ils magnifièrent le Seigneur ; et ils burent et mangèrent tant qu’ils voulurent. Car, à mesure qu’ils mangeaient et buvaient, les mets renaissaient au fond des plats, la bière remontait du fond des coupes.

Quand ils eurent fini, le saint homme dit : « Il faut que vous délassiez vos membres, qui sont rompus par la grande fatigue de ramer. Allez vous reposer. Chacun de vous a son lit bien appareillé dans la salle voisine ; vous vous endormirez sous couvertures chaudes et sur couettes molles, en écoutant sauter la mer qui ne peut plus rien contre vous. »

Pendant que les frères dormaient, saint Brendan vit l’œuvre du diable : c’est à savoir un enfant Éthiopien qui tenait un frein d’argent en sa main et qui dansait sans bruit devant le lit de l’un d’entre eux : or celui-là était un des trois qui avaient quitté l’Irlande contre la volonté du père.

La nuit était venue, tout était noir ; et pourtant, il voyait distinctement le démon danser. Car, à qui Dieu prête ses yeux, il n’est besoin de cierge ni de chandelle pour percer les ténèbres. Saint Brendan s’agenouilla et se mit à adorer et à prier jusqu’au jour.

Au matin, comme les frères, ayant célébré le service de Dieu, se préparaient à retourner à leur nef, voici que la table se trouva préparée comme la veille ; et ainsi pendant trois jours notre Seigneur appareilla le manger à ses serviteurs. Le quatrième jour, plus rien n’apparut. Alors, saint Brendan sortit du château avec ses compagnons, et descendit sur le rivage. Mais avant de s’embarquer, il leur dit : « Gardez de rien emporter avec vous. »

Et chacun répondit : « Sire, non ferai-je : et qu’il n’advienne point qu’aucun de nous ne corrompe la voie des autres par larcin ! »

Alors, saint Brendan dit : « Il en est pourtant advenu ainsi. Voyez ici notre frère. C’est un voleur. Il cache en son sein un frein d’argent que le diable lui donna l’autre nuit. »

Quand le frère coupable eut ouï ces paroles, il tira le frein hors de son sein, le jeta, et tomba aux pieds du saint homme, disant : « Père, j’ai péché. Pardonnez-moi et priez tous pour mon âme, afin qu’elle ne périsse pas. »

Alors, tous s’étendirent à terre, priant pour l’âme de leur compagnon.

Comme ils se relevaient et que le saint homme prenait le pécheur par les deux mains, voilà qu’un petit Éthiopien saillit de son sein, hurlant à pleine voix et disant :

« Pourquoi, homme de Dieu, me boutes-tu hors de mon héritage, où je vis depuis sept ans ? »

Saint Brendan traça sur lui le signe de la croix et répondit : « Au nom de Notre Seigneur, je te défends de nuire à quiconque, d’ici jusqu’au jour du Jugement. »

Et, s’étant tourné vers le frère, il lui dit : « Reçois le corps et le sang de Jésus-Christ, car ton me va sortir de ton corps, et il aura ce lieu-ci pour sépulture. Hélas, tel autre d’entre nous est plus à plaindre, car son lit est déjà préparé en enfer. »

Donc, ayant reçu l’Eucharistie, le frère mourut. Devant tous, deux anges lumineux descendirent jusqu’à ses lèvres, recueillirent son âme et s’envolèrent. Pour le corps, il restait là ; ses compagnons l’enfouirent sur place, avant de se remettre en mer.

⟴ 6. D’un ange qui les nourrissait

Longtemps ils naviguèrent sans apercevoir d’île, mais seulement le ciel déployé au-dessus des vagues, et rien de plus. Quand ils eurent bu toute leur eau et mangé tout leur pain, une grande détresse s’empara d’eux.

Un jour, ils virent une voile blanche, comme d’une barque qui serait venue rapidement vers eux. Mais quand elle fut plus près, ils reconnurent que c’était un ange éclatant de lumière qui marchait sur les flots. Il portait une corbeille pleine de pains et une buire pleine d’eau douce. Il s’arrêta devant eux et il était plus grand que le mât de leur nef. Il leur dit : « Voici de quoi manger et boire : Dieu ne vous oublie pas. Cette nourriture vous suffira jusqu’à la Pâque pour laquelle un lieu vous est destiné. »

Donc ils continuèrent à nager, se refaisant tous les deux jours. Et leur nef allait par divers lieux de la mer.

Or, un matin, ils virent une île toute proche et sur cette île foison de brebis blanches, grandes comme des bœufs, qui couvraient la terre. Saint Brendan dit : « Lâchez les cordes, abattez la voile, poussez à la côte. Mes fils, c’est aujourd’hui la Cène de Jésus-Christ. Il nous aime et nous protège, puisqu’il nous a conduits ici. Nous y trouverons l’agneau sans tache qui nous est nécessaire pour accomplir l’œuvre divine. »

Et ils restèrent là jusqu’au saint samedi. Alors, ils allèrent dans la lande, choisirent un agneau blanc, le lièrent, et il les suivait aussi docilement que s’il eût été une bête domestique. Mais, en arrivant au rivage, ils trouvèrent le même ange qui les attendait. Il tenait une corbeille pleine de pains cuits sous la cendre. Il s’inclina devant saint Brendan et lui dit : « O pâquerette de Dieu, ce n’est point ici que Notre Seigneur t’a donné de célébrer sa sainte résurrection. Quand tu auras dit les vêpres, entre en ta nef, déplie la voile et laisse faire au vent qui souffle. Emporte des branches sèches pour cuire la chair de l’agneau. Car, où ta nef te conduira, il ne pousse ni bois ni herbe. »

Il dit encore : « Vous me reverrez dans cinquante jours, à la Pentecôte.

— Ange de Dieu, dit saint Brendan, où serons-nous dans cinquante jours ? »

Il répondit : « Vous serez dans une île qui n’est pas loin d’ici, du côté de l’Occident, et qu’on appelle Paradis des Oiseaux.

— Ange de Dieu, dit encore saint Brendan, d’où vient que ces brebis sont si grandes ? Mes frères et moi ne cessons de nous en étonner. »

Il répondit : « C’est que nul ne prend leur lait et qu’elles demeurent toute l’année dans ces pâturages. L’hiver ne leur fait point de mal. Ainsi, elles deviennent plus vigoureuses que dans vos climats. »

Et comme ils s’agenouillaient avec humilité pour recevoir sa bénédiction, il la leur donna, disant : « Vous avez encore une longue route à parcourir, pleine de surprenantes merveilles, avant de trouver le prix de vos peines. Mais assurez vos âmes ; et quelque péril qu’il vous advienne, n’ayez point peur. »

⟴ 7. De la pâque sur Jasconius

Étrange était l’île où le vent les mena. Ils n’y trouvèrent ni port ni rocher ni sable ni herbe, seulement un sol tout nu sur lequel il fallut hisser la nef avec des cordes. Et cette île était petite et ronde.

Alors, ils s’écartèrent de différents côtés, s’agenouillèrent et se mirent à prier. Seul l’homme de Dieu demeura dans la nef. Car il savait ce qu’était cette île ; mais il ne voulait pas le révéler à ses frères, de crainte qu’ils ne fussent épouvantés.

Quand le matin se leva, il les rassembla autour de la nef, et il les prêcha comme en une église : « O mes fils, le Roi Céleste, le Roi de Gloire est aujourd’hui ressuscité d’entre les morts. C’est pourquoi il convient de ne plus pleurer, mais de magnifier le Seigneur. Louons-le, et chantons alléluia aux quatre points du ciel. »

Ainsi firent-ils. Quatre se tournèrent vers le Septentrion, quatre vers le Midi, quatre vers l’Orient, quatre vers l’Occident. Le saint père demeura au milieu, dans la nef. Et chacun célébra sa messe, plein de jubilation.

Quand ils eurent fini, les frères prirent le bois qu’ils avaient apporté, allumèrent du feu et placèrent au-dessus un chaudron plein de viande. Quand la viande fut bouillie, ils s’assirent et mangèrent. Et comme ils finissaient, voilà que l’île ondule sous eux à la façon d’une eau et commence à se mouvoir.

Tous s’écrient hautement et implorent le saint homme : « Ah, seigneur abbé, aide-nous ! »

Il répond : « Ne vous effrayez pas. Invoquez le Seigneur Dieu et venez à moi. »

Et il les tire par les mains à l’intérieur du navire, l’un après l’autre, à grand effort, car leurs vêtements étaient déjà mouillés.

Et l’île continuait à fuir, si bien qu’ils purent suivre la flamme ardente et claire de leur foyer pendant plus de deux lieues, après quoi elle s’abîma.

Alors saint Brendan leur dit : « Beaux fils, n’admirez-vous point ce qu’a fait cette île ? »

Ils répondirent : « Père, nous admirons grandement, mais surtout nous avons peur. »

Et le saint homme leur déclara : « Ce n’est pas sur une île que vous avez célébré la Pâque, mais sur une bête, la première et la plus grande de celles qui vivent dans la mer. Ainsi l’a voulu Notre Seigneur pour accroître notre foi ; car, plus nous verrons de merveilles, mieux nous croirons en lui. Et vous saurez que cette grande bête a nom Jasconius. Depuis l’origine des temps, elle s’efforce de mettre sa queue dans sa bouche, mais elle n’y parvient point : par quoi elle nous figure l’éternité. »

⟴ 8. Du paradis des oiseaux

Bientôt ils aperçurent, du côté où le soleil s’enfonce dans la mer, une île débordante d’herbes qui retombaient de toutes parts jusqu’à la crête des flots.

« Voilà, dit le saint homme, l’île que nous a prédite l’ange. »

Ils longèrent la côte, cherchant un cours d’eau. Un s’offrit, qui avait tout juste la largeur de la nef. Ils s’y engagèrent, mais ils avaient peine à remonter le courant. Alors les frères descendirent et fixèrent une corde à la proue. Puis ils halèrent la nef l’espace d’une lieue, et le saint homme était assis dedans, qui méditait. Ainsi ils arrivèrent à la source. Au-dessus, un arbre miraculeux déployait sa ramure, couverte de tant de blancs oiseaux que pas une feuille n’était visible.

Quand le saint homme vit cela, il se mit à penser : « Par quelle cause une telle multitude d’oiseaux peut-elle être rassemblée en ce lieu ? »

Et, ne trouvant pas, il en éprouva un si grand ennui qu’il fondit en larmes, tomba à genoux et pria Dieu, disant : « Seigneur, toi qui connais l’inconnaissable, tire-moi d’angoisse. Père débonnaire, fais que je pénètre, tout indigne que j’en sois, ton secret que je vois présentement devant mes yeux. »

Alors, un de ces oiseaux immaculés s’envola de l’arbre et vint se poser sur le haut de la proue. Il éclatait au soleil comme une hostie. Une petite aigrette d’or s’agitait sur sa tête. Quand il eut contemplé le vénérable abbé pendant un instant avec un visage tranquille, il étendit ses ailes et les battit doucement, en signe de joie. Le son en était mélodieux comme d’une clarine de cristal.

Saint Brendan comprit que Dieu avait accueilli sa prière. Il dit : « Si tu es un messager du Seigneur, apprends-moi ce que sont ces beaux oiseaux, tes compagnons, et pourquoi vous êtes assemblés ici. »

Alors, l’oiseau parla : « Nous ne sommes pas des oiseaux, mais des anges. Jadis nous habitions dans le ciel sacré. Nous en fûmes précipités avec le Félon, avec le Superbe qui se révolta contre le Verbe de Dieu. Toutefois, nous n’avions pas péché avec lui : nous avions seulement continué à le servir, comme nous faisions de toute éternité. Donc, nous ne fûmes pas foudroyés comme ceux qui avaient partagé son orgueil. Nous reçûmes les corps que tu vois ; nous fûmes placés dans cette île qui flotte sur la vaste étendue des eaux. Notre châtiment, c’est de ne plus jamais voir rayonner la majesté du Seigneur. Notre réconfort, c’est de pouvoir toujours le célébrer avec les beaux cantiques que nous chantions jadis, quand nous étions anges sur les marches de son trône. »

Ayant ainsi parlé, l’oiseau s’éleva dans l’air et revola vers les siens.

Alors, tous entr’ouvrirent leurs ailes, et d’une voix commencèrent à chanter en se frappant mélodieusement les flancs :

Te decet hymnus, Deus, in Sion et tibi reddetur votum in Jerusalem, ce qui est comme : Seigneur, il convient de te chanter une hymne…

Sans cesse ils reprenaient ce verset, le modulant en parfait accord ; et cette modulation, soutenue par l’harmonie de leurs ailes, semblait un chant de douleur dans sa suavité.

Quand ils eurent fini, saint Brendan dit à ses frères : « Avez-vous ouï la joie de ces anges ? Comment ils nous ont accueillis, comme ils nous ont fêtés ? Louez Dieu et remerciez-le : il vous aime plus que vous ne croyez. Maintenant, refaisons nos corps de nourriture terrestre : car nos âmes sont soûlées de réfection divine. »

Donc, ils mangèrent, chantèrent complies et s’endormirent au milieu des fleurs, lassés comme sont des gens qui ont échappé à de grands périls.

Quand le ciel s’éclaircit, l’homme de Dieu ouvrit les yeux et il éveilla ses frères en disant saintement ce verset :

Domine, labia mea aperies. (Seigneur, tu ouvriras mes lèvres.)

Et aussitôt les oiseaux s’agitèrent dans les branches et répondirent avec un grand battement d’ailes : Laudate Dominum, omiines Angeli ejus… (Anges de Dieu, louez tous votre Créateur.)

Quand le clair soleil apparut, ils chantèrent : Illuminavit Dominus vultum suum. (Le Seigneur a illuminé son visage.)

À tierce, ils chantèrent : Caeli enarrant gloriam Dei. (Les cieux racontent la gloire de Dieu.)

À sexte, ils chantèrent : Quam delecta tabernacula tua, Domine. (Que tes demeures sont aimables, ô Seigneur !)

À none, ils chantèrent : Quando veniam et apparebo ante faciem Dei ? (Quand irai-je et apparaîtrai-je devant la face de Dieu ?)

Et ils chantèrent aussi pour vêpres et pour complies. Ainsi, aux sept heures de la journée, ces oiseaux rendaient grâce au Seigneur ; et saint Brendan et ses frères en étaient divinement réconfortés.

Un jour le saint homme dit : « Il nous faut aviser. Bientôt il sera temps de quitter nos amis. Or notre barque est toute rongée par le sel de mer. Tendez-la de cuir neuf, oignez-la de beurre, puisez l’eau de cette fontaine et remplissez tous nos vaisseaux, afin que nous soyons prêts à répondre à l’appel de Dieu. »

Au matin de la Pentecôte, ils virent en s’éveillant l’ange debout devant eux : « Frères, leur dit-il, il faut partir. Cette fois-ci, la voie est longue, que vous avez à parcourir sur la mer. Mais j’y ai pourvu : vous trouverez votre nef pleine de biscuits et de poisson salé. »

Donc saint Brendan et ses frères, étant entrés dans la nef, s’abandonnèrent au courant du fleuve. Tant qu’ils furent dans l’île, les oiseaux les accompagnèrent. Ils volaient autour d’eux comme des colombes, les becquetaient par grand amour, ou se posaient sur la poupe, sur le mât, sur l’étrave, chantant : Domine, qui requiescet in monte sancto tuo ? Qui ingreditur sine macula. (Seigneur, qui reposera sur ta montagne sainte ? Celui qui s’en va pur et sans tache.)

Mais quand la nef entra dans la mer, tous l’abandonnèrent, car Dieu ne leur permettait pas de sortir de l’île. Seul l’oiseau qui les avait accueillis demeura un peu de temps et leur dit : « Louez Dieu. Dans sa providence, il vous a prédestiné deux lieux où refaire vos corps fatigués. Chaque année, Jasconius vous offrira son dos pour y célébrer la nuit de Pâques. Puis vous rencontrerez cette île flottante où nous sommes et vous y demeurerez jusqu’à la Pentecôte. Présentement vous entrez pour sept mois au milieu des hasards de la mer. Votre pèlerinage doit durer encore six années ; puis vous trouverez cette Terre de Promission que vos cœurs désirent. Beaux doux frères, ne perdez pas courage : si grandes merveilles sont en elle qu’elles vous paieront de tous vos tourments. »

Et il revola en hâte vers les siens qui s’étaient rangés au bord de la falaise, battant les ailes de douleur, donnant toutes les marques d’une grande affliction ; mais le vent entraînait rapidement la nef, si bien que le Paradis des Oiseaux s’effaça, et qu’ils ne virent bientôt plus que le soleil éternel de Dieu sur les flots sans nombre.

⟴ 9. Du monastère de l’éternelle jeunesse

Pendant sept mois, ils ne rencontrèrent d’autres créatures vivantes que les grands poissons qui errent par les sentiers de la mer, et qui les épouvantaient du bruit du souffle de leurs narines. Ils ménageaient leur nourriture, se repaissant par deux et par trois jours. Parfois un brouillard obscur les ensevelissait et ils pouvaient regarder le soleil en face comme on regarde la lune, et le goût de l’eau de mer entrait en eux par leurs bouches et par leurs nez ; et pendant un temps infini, ils demeuraient immobiles sur les flots onctueux comme l’huile. Parfois la tempête labourait l’étendue, l’eau grésillait comme une chaudière, les flèches de la foudre volaient de toutes parts ; la petite nef était entraînée avec rapidité, tantôt soulevée jusqu’aux cieux, tantôt précipitée au fond des abîmes. Alors, leurs âmes étaient éperdues. Ils étaient saisis de vertige, ils s’accrochaient à tout comme des hommes ivres. Mais saint Branclan, tenant le mât fermement embrassé, disait : « Entendez-vous la voix de l’Éternel qui retentit sur les eaux ? C’est le Dieu de Gloire qui fait gronder le tonnerre. Priez et adorez : l’Éternel est sur les grandes eaux. »

Quand ils eurent mangé tous les biscuits et vidé toutes les outres, ils connurent qu’une terre était proche. Elle leur apparut vers le Septentrion, en forme d’une montagne pointue. Et ses contours étaient ténus comme ceux d’un nuage.

En approchant, ils virent que c’était une roche escarpée qui portait les murs et la haute flèche d’une abbaye. Ils en firent le tour, considérant comment ils pourraient aborder. Un moine se tenait sur une étroite grève, qui leur fit signe de venir à lui. Ils vinrent donc. Et cet homme se prosterna aux pieds du saint père. Ses cheveux étaient blancs comme ceux d’un vieillard. Saint Brendan le releva aussitôt et lui donna le baiser de paix. Alors, tous virent avec émerveillement que sa face était fraîche comme rose en fleur. Il prit l’homme de Dieu par la main, et commença à le conduire. Et saint Brendan posait différentes questions : « Quelle est cette abbaye ? Qui osa la bâtir ainsi au péril de la mer ? Jamais je n’ai vu murs aussi hauts, flèche aussi fière. Qui en est l’abbé ? » Mais il n’obtenait aucune réponse. Car, avec une mansuétude incroyable, le moine tenait son doigt posé sur ses lèvres, pour signifier qu’il devait se taire. Dès que Saint Brendan eut compris que telle était la loi de l’île, il se retourna et admonesta ses frères qui conversaient en le suivant : « Gardez-vous de parler, que vous ne souilliez les oreilles de ce bon religieux par votre bavardage insipide. »

Tous se turent. Alors, ils entendirent qu’on chantait au-dessus d’eux le verset : Surgite sancti de mansionibus vestris… (O saints, sortez de vos demeures…) Et ils virent des moines, rangés sur une double file, qui descendaient vers eux en chantant. L’abbé venait le dernier. Il était coiffé d’une mitre blanche, il tenait à la main sa grande crosse gemmée d’améthystes. Il échangea le baiser de paix avec saint Brendan, et ainsi firent ses serviteurs avec les compagnons du saint homme.

Ils les conduisirent dans le cloître de leur abbaye. Là, par grande humilité, ils se mirent à laver les pieds de leurs hôtes. Quand ce fut fini, ils les menèrent en grand silence dans le réfectoire. La cloche sonna, tous s’assirent le long des tables. Chaque compagnon de saint Brendan avait à sa droite, à sa gauche un moine de l’abbaye. Devant chacun d’eux était un pain blanc et des racines fraîches. Et l’abbé les exhorta à faire chère lie, disant : « Mes doux frères, mangez de ce pain, qui nous est une aumône de Dieu. Tous les jours, nous trouvons douze pains dans notre cellier, un pour deux frères, car nous sommes vingt-quatre dans cette abbaye. Mais aux jours des grandes fêtes et dimanches, nous trouvons vingt-quatre pains, en sorte que chacun de nous a le sien et peut en manger matin et soir. Ainsi, nous vivons sans autre soin que celui de la prière, depuis les temps où saint Patrice et saint Albey, nos pères, nous ont quittés. Et il y aura bientôt quatre-vingt-quatre ans. Cependant, nous ne sentons en nos membres ni vieillesse ni langueur. Nos visages n’ont pas de rides, nos cheveux seulement ont blanchi. Or ce matin nous avons trouvé notre provision doublée, ce qui n’arrive jamais en dehors des jours que j’ai dits et nous avons connu que des visiteurs agréables à Dieu étaient proches. »

Ils se rassasièrent de ce pain, qui était doux et parfaitement cuit, et des racines, qui étaient pleines de saveur. Nul ne parlait, hors le frère qui lisait. Puis ils allèrent à l’église en chantant en chœur Miserere.

Quand saint Brendan eut adoré le Seigneur, il commença à considérer comment cette église était édifiée. Elle était carrée, avec cinq autels, un au centre et quatre sur les côtés. Sur chaque autel, il y avait trois grands cierges. Ces autels étaient en cristal. De cristal aussi étaient les patènes, les calices, les burettes et les sièges rangés le long des murs.

Comme il contemplait ces choses, une flèche de feu pénétra par une fenêtre et vint se poser tour à tour sur les cierges, qui s’allumèrent ; puis elle disparut par la même voie.

« Ce sont, dit l’abbé, cierges que nous apportâmes avec nous quand nous vînmes dans cette terre. Jamais depuis lors nous ne les avons allumés ou éteints : Dieu y pourvoit au début et à la fin de chaque office de la façon que vous avez vue. Et jamais la cire ne décroît ni ne s’amenuise. — Comment se peut-il, dit saint Brendan, qu’un objet terrestre produise de la lumière sans se consumer ?

— N’avez-vous point lu, dit l’abbé, que Moïse vît sur le mont Horeb un buisson tout en feu ? Et cependant, le buisson ne se consumait point. C’est que la flamme qui brûlait en lui était, comme ici, toute spirituelle. »

Quand l’office fut achevé, l’abbé dit à saint Brendan : « Sire, il est temps de retourner au réfectoire, pour que toutes choses soient faites de jour, comme il est écrit : Qui in luce ambulat, non offendit. Puis nous reviendrons ici chanter complies. »

Lorsque complies furent chantées, les frères saluèrent l’abbé et se retirèrent dans leurs cellules, chacun emmenant un hôte avec lui. L’abbé emmena saint Brendan dans la sienne. Et voici qu’à la porte ils trouvèrent un moine prosterné. L’abbé, comprenant sa pensée par révélation de Dieu, prit un style, écrivit sur une tablette, puis la donna au frère qui requérait conseil.

Saint Brendan s’émerveillait. Il demanda au père à quelles heures il était loisible aux moines de parler.

« Sire, répondit-il, voilà cinquante ans que nous vivons dans cette île, et jusqu’aujourd’hui nous n’avons entendu nos voix que lorsque nous chantons les louanges de Dieu. Nous ne parlons jamais entre nous autrement que par signes d’yeux ou de doigts. Et la règle est que ce soit toujours le plus âgé des deux qui commence.

Saint Brendan fondit en larmes devant une telle perfection. Il dit : « Je vous en supplie, permettez-nous de rester auprès de vous et de participer à votre béatitude.

— C’est Dieu qui ne le permet point, répondit l’abbé. Il vous destine à voir les grandes merveilles qui manifestent sa puissance et à les raconter aux hommes, afin que son nom soit glorifié. Mais vous demeurerez avec nous, s’il vous plaît, jusqu’à l’octave de l’Épiphanie.

Le saint homme demeura donc le temps indiqué dans cette île, qui se nomme Albey. Quand l’octave de l’Épiphanie fut passée, il fit porter dans la nef les provisions nécessaires et l’eau douce ; puis ils prirent en pleurant la bénédiction de leurs hôtes, et ils se remirent, en implorant la sauvegarde de Dieu, sur les flots turbulents dont il n’existe compte ni mémoire.

⟴ 10. Des noix pleines de jus

Si longtemps ils errèrent sur la mer au gré des vents et des courants que les vivres vinrent à manquer, puis l’eau douce. Et nulle terre n’apparaissait. Mais saint Brendan les exhortait à se ceindre de force et de foi, disant que cette épreuve n’avait qu’un temps.

Un jour, ils virent flotter autour d’eux de grosses noix, faites en forme de balles. Elles devinrent si nombreuses que l’étrave de la barque les rejetait avec peine. Ils en prirent à leur bord tant qu’ils purent, en se réjouissant. Et saint Brendan, considérant leur grosseur, disait : « En vérité, mes frères, je ne me souviens pas d’avoir jamais vu de noix semblables. Ouvrons-en une pour savoir si elles renferment du jus. »

Il prit un vaisseau, brisa l’écale de la plus petite et recueillit une livre de suc blanc comme le lait. Il le partagea, il donna une once à chacun, gardant une once pour lui. Ainsi, brisant chaque jour une noix, ils pouvaient satisfaire leur faim et leur soif. Et ils avaient toujours une saveur de miel dans la bouche.

⟴ 11. D’un géant et comment saint Brendan le ressuscita

Un jour, ils aperçurent au-dessus des vagues un tertre d’une dimension prodigieuse, semblable en tout à un tombeau.

L’île qui le portait était toute petite et rase sur la mer. Ils en firent le tour en ramant. Les uns disaient qu’aucun être ne reposait là, parce qu’il n’y eut et n’y aura jamais d’homme de cette taille. Les autres répondaient que rien n’est impossible à Dieu. Finalement, tous se tournèrent vers le père et lui dirent : « Bon père, nous voulons te demander une grâce. Ceux-ci disent que cette terre ne recèle aucune créature humaine. Ceux-là disent qu’un géant y repose. Commande qu’elle s’entr’ouvre et que le mort, s’il y en a un, ressuscite, afin que nous soyons tirés d’incertitude. »

En les entendant ainsi parler, le bienheureux Brendan fut saisi d’effroi, car il se jugeait indigne d’entreprendre un si grand miracle. Tout en larmes, il se prosterna devant le Seigneur et demeura longtemps en oraison. Dieu sans doute lui inspira d’avoir confiance ; car il se releva, tendit ses mains vers le ciel et dit à très haute voix : « Seigneur Jésus-Christ, s’il est vrai que tu as ressuscité Lazare ; s’il est vrai que tu as dit : “Quiconque aura de foi gros comme un grain de moutarde peut dire à la montagne : Va-t’en là-bas, et aussitôt la montagne ira,” fais que cette terre se fende. Et si un corps humain y repose, vivifie-le par ta grâce. Afin que, lorsqu’il se dressera devant nous, vivant et ressuscité, ton nom soit glorifié avec celui du Père et du Saint-Esprit. »

Voilà que le tertre se fend par le milieu avec le bruit d’un mur qui s’écroule, et un géant prodigieux se dresse. Il est si formidable d’aspect que les frères se jettent à genoux autour du père et cachent leurs visages dans sa robe. Seul saint Brendan ne tremble pas, et dit : « O toi dont la tête touche aux nuages, qui es-tu ?

— Je suis Milduus, et je naquis chez les païens de Calédonie il y a dix siècles. Il y en a neuf que j’expie en enfer ma vie méchante et sans baptême. O toi qui m’as tiré des flammes où je brûlais, qui es-tu ?

— Ami, je suis un serviteur de Dieu. Mes frères et moi, nous errons sur ces mers inconnues, à la recherche d’une île qui surpasse toutes les îles par l’excellence et la splendeur de sa nature.

— Je me souviens, dit le géant, d’avoir jadis entrevu, au delà des Forges Ardentes, une île qui brillait comme une perle. Mais, quand je voulus m’approcher d’elle, le brouillard de la mer me la déroba. Si tu veux te fier à moi, je puis essayer de t’y conduire.

— Mon frère, dit saint Brendan avec mansuétude, nous remettons nos vies entre tes mains. »

Alors, le géant entre dans l’eau, qui lui vient à peine à la ceinture. Il saisit d’une main le câble de l’ancre et commence à remorquer le petit navire. Mais aussitôt le vent se lève, le ciel noircit, la mer devient bruyante et houleuse. Saint Brendan comprit que la volonté de Dieu n’était point que Milduus les conduisît vers son Paradis. Il dit au géant : « O mon frère, il est vain de t’efforcer contre cette mer qui se soulève. Retournons à l’île de ta sépulture. La volonté de Dieu est contre nous, et si grande que soit ta force, tu ne peux rien contre elle, non plus que le fétu contre le vent. »

Donc, Milduus les ramena vers l’île de sa sépulture. Et quand ils y furent revenus, il dit en pleurant : « O toi que tes compagnons nomment leur père, que vais-je devenir, puisque je ne puis aller avec vous ?

— Ami, dit saint Brendan, je vais te baptiser. Le baptême mettra ton âme à l’abri du feu qui la dévorait. Et tu te rendormiras ensuite dans la paix du Seigneur. »

Il récita le Credo. Milduus le répéta, s’agenouilla sur le fond de la mer et mit sa tête sous l’eau qui lave du péché. Et il se recoucha dans sa tombe, plein de joie. Alors, le tertre se referma de lui-même et reprit l’aspect qu’il avait depuis les anciens jours.

⟴ 12. D’une grande feuille, d’une grappe de raisin et d’une île qui sentait les pommes

De nouveau, ils s’abandonnèrent au vent de Dieu. Et ils restèrent longtemps sans rien voir d’autre, au bas du ciel, que l’horizon tendu comme une corde de harpe. Quand toutes les noix furent mangées, ils eurent faim.

Un matin, ils virent une grande feuille qui flottait. Pour la hisser dans la nef, ils durent s’efforcer à trois, car elle était plus large que la peau d’un bœuf. Et ils la partagèrent entre eux. Ils trouvèrent qu’elle était aussi savoureuse qu’un fruit.

Un autre matin, un très grand oiseau apparut, semblable à un nuage. Il vint vers eux et vola en cercle autour du mât. Ses yeux étaient rouges, cerclés d’or ; son plumage était éclatant. Il tenait en son bec un rameau d’où pendait une grappe de raisin merveilleusement rouge et doré. Il le laissa choir droit aux pieds du saint homme, et s’en retourna en son lieu.

Saint Brendan dit à ses frères : « Assurément nous approchons du Paradis. Car le vénérable abbé Barintus y a vu abondance de raisins semblable. »

Les grains de celui-ci étaient gros comme des pommes et pleins de suc. Il en donna un à chacun des frères. À raison d’un grain par frère et par jour, la grappe leur dura un mois. Puis de nouveau, ils furent sans nourriture.

Un matin, enfin, une île leur apparut au loin. Elle était couverte d’arbres. Une odeur en venait, douce comme celle qui sort d’un grenier plein de pommes. Elle leur sembla si délectable qu’ils ouvraient la bouche pour s’en repaître. Et quand ils furent plus près, ils virent que tous ces arbres étaient chargés de grappes semblables au raisin merveilleux, en profusion telle que les rameaux ployaient jusqu’à terre sous un même fruit, d’une même couleur.

Saint Brendan bénit le Seigneur, disant : « Nous te remercions de nous découvrir un lieu où nous pourrons manger à notre suffisance. Tirons la nef sur le sable et rassasions-nous de ces fruits. »

Ils restèrent là trois mois. Ils choisissaient les grains les plus vermeils à même les grappes. Ils puisaient l’eau pour boire à une fontaine qui coulait au centre de l’île sur des herbes.

Puis ils se rembarquèrent. Et comme le temps était venu, ils retrouvèrent le Jasconius qui les attendait, avec leur chaudron posé sur son dos. Ils célébrèrent la Pâque sur lui. Puis ils allèrent prendre leur repos dans l’île des Oiseaux. Pendant les sept années qu’ils passèrent sur ces mers inconnues, ce double réconfort ne leur manqua jamais. Quand ils étaient bien délassés, ils reprenaient leur quête aventureuse.

⟴ 13. D’un oiseau appelé griffon

Un jour, un point noir s’éleva au-dessus de l’horizon ; et ce point noir grossit et devint un nuage ; et ce nuage devient un grand oiseau qui étend l’ombre sous lui. Il n’est moine qui ne le reconnaisse, et qui s’écrie : « Un griffon ! Miserere nobis, Domine ! »

Sachez que cet oiseau est ainsi appelé à cause de la grande force de ses griffes, et qu’il est très cruel. Souvent il advient qu’il saisisse les navires dans la mer et qu’il les emporte. Et celui-là était le plus fort de sa race. Déjà le vent de ses ailes, emplissant la voile, couchait la nef sur l’eau ; tous les frères, épouvantés, s’étaient caché la tête sous leur cuculle et se pressaient à genoux aux pieds de saint Brendan ; saint Brendan priait Dieu de toutes ses forces, sachant qu’il n’abandonnerait pas ses serviteurs.

Comme le griffon étendait ses ongles pour les saisir, voici qu’un dragon surgit des flots. Il ouvre ses ailes, il tend le cou, il s’élève vers le griffon. Tous deux se heurtent avec furie dans les nues. Le feu qu’ils crachent fait de grands éclairs autour d’eux. Les plumes volent, le sang pleut sur les vagues. Le dragon n’est que morsures et flammes ; il crève les yeux du griffon, il le mord cruellement à la gorge et le tue. Et la charogne en tombe à la mer avec un grand fracas.

Sept fois le dragon vainqueur tourne dans le ciel. Puis il reploye ses ailes, plonge et ne reparaît plus.

Et saint Brendan prêcha ses frères, disant : « Ayez confiance en toute occasion. Dieu est notre garant. Aucune bête vivante ne peut nous nuire. »

⟴ 14. Des bêtes de la mer qui voulurent ouïr la messe

Un jour, ils s’aperçurent que la mer prenait peu à peu la transparence du cristal. En se penchant, ils pouvaient voir les choses qui étaient sous eux. Et ils virent en effet une diversité incroyable de bêtes qui glissaient en tous sens ou gisaient au repos dans les profondeurs comme bêtes au pâturage. Même il leur semblait, tant l’eau était diaphane, qu’ils pourraient les toucher facilement de la main ou de l’aviron. Mais ils n’avaient garde d’essayer, car beaucoup de ces bêtes étaient grosses et vigoureuses.

Or le vénérable homme de Dieu ne daignait rien voir. Debout au pied du mât, il célébrait la fête de saint Pierre l’Apôtre. Et comme il chantait l’office très haut, à voix très claire, les frères lui dirent : « Beau cher père, chante plus bas, ou tu vas nous faire mourir. II y a sous nous des poissons grands et cruels. Jamais nous n’avons vu bêtes aussi monstrueuses. Si le son de ta voix les irrite, ils nous attaqueront. »

Saint Brendan sourit et leur dit : « Je m’émerveille de votre sottise. Des bêtes plus grandes encore ont voulu nous dévorer : n’ont-elles pas été elles-mêmes dévorées sous vos yeux ? N’avez-vous pas allumé du feu et fait cuire votre viande sur le dos du Jasconius, qui est le père de tous les poissons ? Que craignez-vous donc de ceux-ci ? Dieu est votre garant et vous avez peur ! Battez votre coulpe, demandez-lui pardon. »

Et il se mit à chanter le plus fort qu’il pût. Les frères, pleins de terreur, regardaient vers les bêtes.

Quand elles eurent entendu la voix de l’homme de Dieu, elles s’élevèrent du fond et se mirent à nager autour de la nef. Bientôt il y en eut tant que l’eau disparut et que la nef s’arrêta, pressée de toutes parts entre les poissons innombrables. Alors, ceux-ci se rangèrent en bel ordre : chacun appuya sa tête sur le dos de celui qui était devant lui et la tint un peu hors de l’eau ; et les plus petits étaient devant, les plus gros derrière, en sorte que tous voyaient distinctement l’homme de Dieu.

Ils restèrent ainsi, attentifs et silencieux, jusqu’à ce qu’il eût fini sa messe et qu’il leur eût donné sa bénédiction.

Après cela, ils se dispersèrent par les différentes voies de la mer et disparurent en nageant.

Bien qu’ils eussent bon vent et qu’ils tinssent leur voile étendue, les serviteurs de Dieu mirent un mois à franchir la mer transparente.

⟴ 15. D’une église de cristal

À celle-là succéda une mer dormante et morte, sur laquelle régnait le froid. Ils s’épuisaient à ramer, tant pour faire avancer la nef que pour se réchauffer : car, dès qu’ils s’arrêtaient, le sang gelait dans leurs veines. Cette eau était lourde sur l’aviron comme celle d’un étang qui va prendre ; ils pleuraient de fatigue, et leurs larmes gelaient aussitôt sur leurs joues.

Une nuit une grande forme blanche apparut au loin, éclatante sous la lune. Elle se dressait sur la mer comme une église au-dessus des champs ; et c’en était véritablement une. Elle leur semblait toute proche. Cependant, ils mirent trois jours à l’atteindre. Quand ils furent près d’elle, ils cessèrent d’apercevoir son sommet à cause de sa trop grande hauteur, car elle était aussi haute que les nuages. Elle était faite tout entière d’un cristal très pur, si transparent qu’ils distinguaient l’autel au travers. Aucune terre ne la portait : ses fondements s’enfonçaient directement dans les profondeurs.

Ils en firent d’abord le tour en ramant. Saint Brendan mesura un des côtés. Il trouva qu’il avait dix-huit cents coudées.

Puis ils entrèrent par le porche dans la nef. La lumière, que n’arrêtait aucune muraille, y était aussi vive qu’en plein air. Ils virent sur l’autel un calice d’or et une patène d’or, qui étincelaient au soleil.

« Mes frères, dit saint Brendan, ramons diligemment vers cette sainte table. Je veux y célébrer la messe, afin de remercier Dieu de nous avoir montré cette œuvre de ses mains, la plus belle de celles qu’il nous a révélées jusqu’ici. »

Ainsi fit-il. Et jamais prêtre ne mit sur ses épaules chasuble aussi resplendissante : car, en officiant, il parut, par un effet de la grâce divine, vêtu tout entier d’arc-en-ciel.

Quand il eut fini, une voix puissante et claire résonna au-dessus d’eux ; mais les frères ne savaient quel langage c’était là, ni qui parlait. Saint Brendan écoutait. Il prit ensuite le calice et la patène, et les emporta, disant : « Notre Seigneur nous fait ces deux dons, afin que nous puissions plus tard convaincre les incrédules. »

Ils restèrent tout le jour à regarder l’église merveilleuse, sans pouvoir en rassasier leurs yeux. Puis, à la vesprée, un bon vent commença à venter derrière eux, qui les en éloigna. Ils étaient emportés sans avoir besoin de ramer, abandonnant à Dieu la voile et le gouvernail. Pendant un mois ils voguèrent ainsi droit vers le Septentrion.

⟴ 16. Des forges ardentes

Un jour enfin, une grande fumée leur apparut, montant de la mer comme d’un atelier de forgeron. Dès qu’il l’eut vue, le vénérable père dit : « Beaux amis, je suis angoissé. Je voudrais bien ne point approcher de cette fumée. Mais le vent nous pousse droit vers elle. »

Elle s’étalait si largement dans le ciel qu’ils cessèrent bientôt de voir clair. De l’endroit d’où elle sortait jaillissaient aussi, à une hauteur incroyable, des flammes, des étincelles, des roches ardentes ; et cet endroit était une île rocheuse, repoussante d’aspect.

Quand ils furent plus près, ils commencèrent à percevoir des bruits souterrains, comme le halètement de soufflets qui souffleraient aussi fort que des tonnerres, et le choc de marteaux qui heurteraient des enclumes de fer.

Entendant ces bruits, le saint père se plaça sur la proue, ouvrit les bras en croix du côté de la terre, et pria : « Sire Jésus-Christ, permets que nous nous éloignions sans dommage de cette île funeste. »

Il parlait encore qu’ils virent avec effroi apparaître en haut de la falaise un être monstrueux. Il était hérissé, à la fois ardent et obscur, et ses yeux semblaient feu qui brûle. Quand il vit les serviteurs de Dieu qui passaient le long de l’île, il poussa un cri : « Heu ! Heu ! Heu ! » qui fit jaillir des flammes de sa gorge, et il disparut d’un bond.

L’homme de Dieu se couvrit du signe de la croix et dit à ses frères : « Celui-là est un des forgerons terribles qui habitent cette île. Abattez vite la voile, que le vent ne nous pousse pas plus près d’eux. Et mettez-vous tous aux rames, et ramez tant que vous aurez de force, car ils vont essayer de nous tuer. »

Ils n’étaient guère loin quand le maudit reparut. Il portait au bout d’une tenaille une masse ardente d’où sortait la fumée et d’où tombait le feu. Elle aurait bien fait la charge de dix bœufs. Il la haussa vers le ciel et la lança contre les serviteurs de Dieu. Mais elle ne leur fit aucun mal, parce que le signe de la croix était sur eux : elle passa à cinquante coudées au-dessus d’eux et tomba dans la mer. Une fumée s’éleva, et la mer se mit à bouillir comme une chaudière quand un fort feu est sous elle.

D’autres forgerons apparurent. Chacun tenait une masse ardente. Ils se mirent à les lancer vers la petite nef. Mais les unes tombaient devant, les autres tombaient derrière ; chaque fois, l’eau sifflait comme sous un charbon allumé. Les serviteurs de Dieu n’en éprouvaient aucun mal, fors qu’ils suaient de peur, de fatigue et de chaleur sur leurs avirons, au milieu de cette mer bouillante.

Ils ramèrent si longtemps qu’enfin, ils furent hors de portée. Alors, les forgerons disparurent en poussant de grands hurlements. Tant qu’ils furent sous le vent de l’île, ils les entendirent hurler et leurs narines furent offensées par une grande puanteur.

Alors, saint Brendan réconforta ses frères, disant : « O soldats du Christ, nos armes sont invincibles : ce sont l’espérance et la foi. Nous sommes dans le voisinage des enfers, mais ils ne prévaudront pas contre elles. Pour ce, veillez et faites hardiment. »

⟴ 17. Du frère emmené par les démons

L’île qui leur apparut ensuite portait une haute montagne. Ses côtes étaient abruptes et tout en elle semblait ténébreux.

Quand ils furent près d’elle, un des frères sauta hors de nef. C’était un des deux qui restaient sur les trois qui avaient suivi saint Brendan malgré lui. Et il nageait vers cette terre, en se lamentant : « Hélas, beaux frères, voici que je suis arraché du milieu de vous. Je ne puis me défendre d’aller vers les démons qui m’attendent là-haut. »

Ils virent alors une multitude de maudits qui se pressaient en haut de la falaise. Et l’un d’eux ouvrit ses ailes et descendit avec la rapidité de la pierre. Il tenait à la main un croc qu’il enfonça sous le menton du malheureux si durement qu’il le fit braire. Et il remonta en l’emportant comme un aigle de mer fait d’un petit poisson.

Ce que voyant, les frères se jetèrent de terreur au fond de la nef, disant : « Miserere nobis, Domine ! »

Mais le saint homme demeura debout, ferme et sans peur. Il dit : « Malheur à toi, qui reçois un tel prix de ta coupable vie ! »

Le vent qui soufflait les éloigna promptement de l’île. Comme il regardait derrière eux, ils virent une fumée épaisse et enflammée sortir de la montagne, le soufre et la poix bouillonner et couler sur ses pentes. En sorte que toute l’île, de noire qu’elle leur était apparue, semblait maintenant n’être plus qu’un feu.

⟴ 18. De Judas

Un jour, ils virent sur la mer une bosse. Les uns disaient que c’était une nef, les autres un oiseau, les autres une roche. L’homme de Dieu leur dit : « Mes frères, cessez de discuter, et allons voir. »

C’était véritablement une roche. Et sur la roche, il y avait un homme au visage voilé qui tenait, fortement embrassé, un pilier de pierre. De tous côtés, les flots furieux l’assaillaient, le frappaient jusqu’à la nuque. Quand ils se retiraient, il s’écriait : « Roi Jésus, ne mourrai-je donc jamais ? Roi Jésus, c’est donc là ta miséricorde ? Jésus, fils de Marie, je demande grâce ! »

Comme l’homme de Dieu approchait, les ondes s’apaisèrent, la mer s’aplanit. L’homme entendit le bruit des rames, semblable à celui du fléau ; il se tut, et devint attentif.

Alors saint Brendan lui dit : « Dis-moi, dolent, quel forfait expies-tu ainsi ? Qui es-tu ? De la part de Jésus, que tu invoques, je t’ordonne de me le dire. »

L’homme répondit d’une voix rauque : « Je suis Judas, qui vendit son Dieu. Je suis celui qui trahit son seigneur par un baiser. Je suis celui qui dérobait l’argent dont il avait la garde et empêchait ainsi Dieu de faire l’aumône aux pauvres. Or les pauvres maintenant sont riches et moi dépouillé. Je suis le félon qui livra l’agneau confiant. Quand je le vis dans les mains des Juifs, raillé, battu, couronné d’épines, j’eus regret, mais il était trop tard. Quand je vis le sang qui coulait sur ses deux flancs, la croix que l’on préparait pour le pendre, j’offris de rendre les trente deniers. Mais personne n’en voulut. Alors, dans ma rage, je me tuai. Et comme je n’avais confessé mes péchés à aucun prêtre, je suis damné pour l’éternité. Vous ne voyez rien de mes peines. Ceci est mon repos que je prends le samedi soir jusqu’à la vesprée du dimanche. Et aussi de la Nativité de Notre Seigneur à l’Épiphanie, de Pâques à la Pentecôte, de la Purification de sainte Marie à l’Assomption. Et quand je pense aux tourments qui m’attendent, il me semble que je suis ici en un paradis de délices. »

Saint Brendan demanda : « Si ceci est ton repos, quel châtiment souffres-tu donc ? Et où le souffres-tu ? »

Judas répondit : « Dans la montagne que vous avez vue. Là est le diable Léviathan avec ses serviteurs. J’y étais quand il engloutit votre frère. Et l’enfer en eut grande liesse, et il jeta de grandes flammes comme il fait toujours quand il dévore l’âme d’un impie. J’y suis tourmenté avec Hérode et Pilate, Anne et Caïphe. Le lundi, je suis cloué sur la roue, et je tourne comme le vent. Le mardi, je suis étendu sur une herse et chargé de roches : regardez mon corps, comme il est percé. Le mercredi, je bous dans la poix, où je suis devenu noir comme vous voyez ; puis je suis embroché et rôti comme un quartier de viande. Le jeudi, je suis précipité dans un abîme où je gèle, et il n’est pire supplice que ce grand froid. Le vendredi, je suis écorché, salé, et les démons me gavent de cuivre et de plomb fondus. Le samedi, je suis jeté dans une geôle infecte où la puanteur est si grande que mon cœur passerait mes lèvres, sans le cuivre qu’ils m’ont fait boire. Et le dimanche, je suis ici, où je me rafraîchis. Tout à l’heure, les diables vont venir me prendre. Obtiens de Notre Seigneur que mon séjour ici soit prolongé d’une nuit. Je sais que tu es saint et pieux, car sans l’aide divine tu n’aurais pu parvenir vivant jusqu’ici. »

Le saint homme pleurait abondamment en écoutant Judas raconter ses supplices. Il répondit : « Si Notre Seigneur veut exaucer son serviteur, tu ne sentiras pas les dents et les griffes des maudits avant demain matin. »

Il dit encore : « Qu’est ce linge qui te voile la face ? Et cette pierre que tu tiens embrassée ? »

Judas répondit : « Dans ma vie, j’ai fait le bien deux fois. Avant d’être disciple du Christ, je fis jeter un pont sur une grande eau où beaucoup de voyageurs périssaient : c’est le pilier de ce pont qui est ici mon soutien. Et je donnai une chemise à un homme qui mendiait nu : c’est ce linge qui empêche aujourd’hui l’onde de me frapper en plein visage. »

Quand le soir assombrit la mer, voici qu’une multitude de démons arrive, menant un bruit effroyable. Et cette multitude est si grande qu’elle couvre la surface de l’abîme. Tous ont des dents pointues qui leur sortent de la bouche, des yeux étincelants comme des éclairs, des jambes et des bras secs comme du bois brûlé, des ailes noires armées de dards. L’un d’eux dit à saint Brendan : « Éloigne-toi un peu, homme de Dieu, parce que nous ne pouvons pas approcher, si tu ne t’éloignes. Et nous n’oserions pas nous présenter devant notre prince si nous ne lui ramenions pas celui-ci, qui lui est plus cher que tous les autres damnés. Rends-nous cette proie, elle est nôtre. »

Brendan répond : « Laissez-le en paix jusqu’à demain matin. » Tout l’enfer proteste d’une voix : ils ne bougeront d’ici qu’ils ne l’emportent. « Je vous l’ordonne, dit saint Brendan, au nom de Jésus. » À contre-cœur les diables le laissent. Et saint Brendan décide de ne s’éloigner qu’au jour levant. Toute la nuit les diables rôdent sur la mer, sans oser approcher.

Ils poussent des cris de rage et d’ennui, disant : « Notre prince nous battra de façon terrible pour ne lui avoir pas ramené ce misérable captif à l’heure fixée. O homme de Dieu, maudite soit ta venue »

Et saint Brendan répondait : « Cette malédiction retombera sur vous : car celui que vous maudissez est béni, et celui que vous bénissez est maudit. »

Les diables disaient en grinçant des dents : « Il ne gagnera rien à ce répit. Car, dans les six jours qui viennent, il souffrira double tourment. »

Et saint Brendan répondait : « Il ne souffrira pas double tourment, mais seulement ce qu’il est condamné à souffrir. Je vous défends, à vous et à votre prince, de rien entreprendre au delà. »

Alors les démons s’écriaient : « Es-tu notre seigneur à tous, que tu commandes ainsi ? »

Et l’homme de Dieu : « Je suis le serviteur du Seigneur, et tout ce que je commande en son nom doit arriver. Pour moi, je n’ai seigneurie d’aucune sorte, sinon celle qu’il me concède quand je parle en son nom. »

Au petit jour, saint Brendan ordonne à ses frères de hisser la voile, et la nef s’éloigne. Les diables l’escortent un peu de temps avec des insultes et des blasphèmes ; puis ils retournent à la roche, saisissent la malheureuse âme et l’emportent au milieu d’eux avec un grand hurlement.

⟴ 19. De l’ermite Paul

Ils naviguèrent longtemps, glorifiant Dieu et le remerciant de les avoir sauvés de l’enfer. Une nuit, la mer sous eux s’éclaira. Une splendeur intarissable semblait jaillir des profondeurs. Ils voguaient au milieu de vagues de lumière. Par quoi ils connurent qu’ils approchaient du royaume de Dieu.

Au matin une petite île leur apparut, dont la forme était circulaire et la côte roide comme un mur. À grand’peine purent-ils découvrir un port étroit. Ils y engagèrent la proue de leur nef. Au fond un sentier périlleux s’élevait. Ils le gravirent jusqu’au sommet de l’île.

Ce sommet était nu, fait de roches plates. De toutes parts on voyait la mer. En son centre, il portait une cellule pétrie avec de l’argile. Un vieillard en sortit, qui accueillit saint Brendan en lui disant selon le verset : « Frère Brendan, quelle heureuse et bonne chose c’est, quand les frères sont tous réunis ! »

Il le baisa, et baisa successivement la joue des quinze frères, en nommant chacun par son nom.

Et ils s’émerveillaient, non tant de l’esprit de divination qui était en lui que de son aspect. Car il était sans vêtement, mais couvert tout entier des cheveux de son chef et des poils de sa barbe qui étaient tout blancs, tant il était vieux. Son regard était angélique, sa voix céleste.

Quand saint Brendan vit cela, il poussa soupir sur soupir et se courrouça contre lui-même, disant : « Malheur à moi, pécheur, qui ai choisi de porter l’habit du cénobite et de vivre au milieu des hommes ! Voici un pieux anachorète qui vit nu comme un ange, seul dans sa cellule, assurément plus près de Dieu que moi ! »

Le solitaire répondit : « Vénérable père, tu portes l’habit de moine, mais tu es plus grand qu’un moine. Le moine se nourrit du labeur de ses mains et s’en habille. Or voilà sept ans que Dieu prend soin de toi et pourvoit à tous tes besoins ; il te guide à travers les hasards, il te découvre les plus grandes merveilles qui soient, et tu te proclames indigne !

— Beau cher père, dit saint Brendan, j’ai tort. Mais dis-nous qui tu es.

— Volontiers, dit le solitaire. Je m’appelle Paul l’ermite. J’ai vécu cinquante ans dans une abbaye d’Irlande ; j’étais le fossoyeur et le gardien du cimetière des frères. Une nuit, un vieillard m’apparut. Il me dit : “Prends ta bêche et suis-moi.” Où il s’arrêta, je creusai une tombe. Quand j’eus fini, il me dit : “Fils, je suis saint Patrice. Hier, j’ai quitté le siècle, et cette tombe que tu as creusée, c’est la mienne. En remerciement, je veux que tu sois désormais affranchi de tout souci matériel. Va sur le rivage. Une nef t’attend.” J’y allai, je trouvai tout comme il avait dit. J’entrai dans la nef, et elle m’emporta. Je voguai ainsi pendant trente jours et autant de nuits.

« Le trente et unième jour, cette pierre m’apparut. J’abordai, je sortis de ma nef et je la repoussai du pied pour qu’elle retournât en son lieu. Et elle s’éloigna en fendant très rapidement les ondes. Depuis lors, je vis ici.

« Le premier jour, vers l’heure de none, une loutre m’apporta un poisson à manger, avec un petit fagot d’herbe sèche qu’elle me présenta entre ses deux pieds de devant ; car elle marchait debout sur les pieds de derrière. Alors, frappant un caillou contre un caillou et allumant les herbes, je préparai cette nourriture. Pendant trente ans, tous les trois jours, ce même serviteur m’apporta un poisson. Tous les dimanches, un jet d’eau sortait de cette pierre, avec quoi je pouvais étancher ma soif et laver mes mains. Et ainsi, par la grâce de Dieu, rien ne me manquait.

« Au bout de trente ans, la fontaine se mit à couler sans arrêt et la loutre ne revint plus. Depuis lors, je me soutiens en buvant de l’eau de cette fontaine.

« Or voilà quatre-vingt-dix ans que je vis dans cette île ; pendant trente ans, j’ai vécu de poisson, pendant soixante d’eau claire. Et j’avais cinquante ans quand je quittai mon pays. Le chiffre de mes ans a donc passé cent quarante. Que la volonté de Dieu s’accomplisse, soit qu’il veuille me faire durer jusqu’au jour du Jugement, soit qu’il veuille me faire mourir tout à l’heure.

« Mais vous, remplissez vos vaisseaux avec cette eau. Vous en aurez grand besoin, car vous ne toucherez plus terre avant le samedi de Pâques. Vous célébrerez la résurrection du Christ où vous l’avez déjà célébrée six fois. De là, vous irez tout droit à la Terre de Promission des Saints, où vous resterez quarante jours. Ces choses accomplies, Dieu vous ramènera sains et saufs au pays de votre naissance. »

⟴ 20. Des Dernières pâques sur Jasconius

Donc, ayant rempli leurs vaisseaux, ils demandèrent sa bénédiction à l’homme de Dieu et se remirent en mer. Ils ne virent plus aucune terre pendant tout le carême. Mais ils avaient pour les soutenir l’eau de l’ermite et surtout la pensée que bientôt ils allaient voir le paradis de Dieu.

Le saint samedi de Pâques, ils trouvèrent Jasconius qui les attendait. Ils tirèrent leur nef sur lui. Ils passèrent la nuit à chanter des psaumes, et le matin chacun célébra sa messe. Comme ils allaient se rembarquer, Jasconius s’ébranla et se mit à nager avec rapidité, tous les frères étant debout sur son dos.

« N’ayez point peur, dit saint Brendan. Quelqu’un là-haut veille sur nous et guide cette grande bête à travers la mer. »

Elle les mena droit à l’île des Oiseaux, les déposa sur la grève et plongea aussitôt. Quand elle eut plongé, ils s’aperçurent qu’un d’eux manquait. Et celui-là était le dernier des trois qui avaient suivi saint Brendan malgré lui.

« N’en soyez pas en peine, dit le vénérable père. Dieu en a fait ce qu’il lui a plu. Sachez seulement qu’il est jugé et qu’il a maintenant son lot, soit de repos, soit de tourment. »

Saint Brendan et ses frères demeurèrent là jusqu’à l’octave de la Pentecôte. Et comme ils préparaient leur nef, l’ange qui les avait jadis visités apparut soudainement devant eux. Il leur dit : « Désormais, je serai votre guide. Car sans moi, vous ne pourriez trouver la Terre de Promission des Saints. »

Et il glissait devant eux sur la mer, suivant sa voie tout droit au milieu des flots qui s’aplanissaient ; en sorte que la petite barque semblait voguer sur un lac, entre les vagues monstrueuses qui s’ouvraient devant elle.

⟴ 21. De la terre de promission des saints, comment ils la trouvèrent et comment ils en revinrent

Pendant quarante jours, ils allèrent ainsi droit devant eux. Le quarante et unième, ils entrèrent dans une obscurité si grande que l’un ne pouvait voir l’autre. Et l’ange dit à saint Brendan : « Sais-tu ce qu’est cette nuit ?

— Ange de Dieu, dit saint Brendan, je ne sais pas.

— Elle interdit, répondit l’ange, l’abord de cette terre que vous cherchez à tous ceux qui ne sont point guidés par le souffle de Dieu. »

Après bien des heures, l’ombre s’éclaircit, puis se dissipa ; ils voguèrent au milieu d’une grande lumière couleur d’aurore. Devant eux était le Paradis.

Ils virent un grand mur qui montait jusqu’aux nues et qui courait, sans créneaux, tours ni embrasures, d’un bout de l’horizon à l’autre. Il ne montrait aucun joint, il semblait lisse et resplendissait comme neige au soleil. Nul n’en eût pu dire la matière, sauf Dieu qui en avait été l’ouvrier. Des chrysolithes, des topazes, des émeraudes, des béryls, des jacinthes bordaient en bel ordre sa crête qui étincelait de feux variés.

« Ange de Dieu, dit saint Brendan, le vénérable abbé Barintus ne m’avait point parlé d’une semblable merveille.

— C’est qu’il ne l’a point vue, dit l’ange. Et bien peu la voient, quand ils abordent ici. Telle est la justice de Dieu : il n’y a qu’un seul Paradis pour tous, mais chacun voit le Paradis qu’il mérite. »

Ils prirent terre devant la porte. Des dragons enflammés la gardaient. Au-dessus de l’entrée, un glaive pendait, la pointe en bas, si affilé qu’il eût percé le diamant le plus dur. L’ange apaisa les dragons, et ils se couchèrent humblement sur le sable ; il prit le glaive, il l’écarta. Plus rien ne faisait obstacle : ils s’avancèrent dans le séjour de gloire.

Grands bois, rivières, prés fleuris s’étendent de tous côtés. Les bois sont pleins d’oiseaux, les rivières de beaux poissons, les prés d’animaux exempts de péchés ; des daims jouent avec des loups, une lionne allaite un agneau. Un doux air souffle, plein de parfums. Le clair soleil luit sans que jamais un nuage le voile.

Les frères vont et viennent dans les herbages, tout émerveillés. Les pommiers sont couverts de fleurs comme en avril et de fruits comme en septembre. Ils cueillent des pommes, ils boivent aux fontaines. Ils n’ont désir qu’aussitôt ils ne puissent satisfaire. Ils errent ainsi pendant quarante jours sans avoir faim, ni soif, ni sommeil. Et ils arrivent au pied d’une petite colline couverte de cyprès, sur le bord d’un grand fleuve.

Ils y montent. De là ils découvrent une contrée plus miraculeuse encore ; tout y est pur et rayonnant ; ils entendent les chants et les mélodies des anges qui jouent de la harpe dans les bosquets, et cette musique est si suave qu’ils en éprouvent une grande souffrance. Car la nature humaine est infirme et souffre de trop de joie.

Alors, l’ange leur dit : « Brendan, tu vois devant toi le Paradis, que tu as prié Dieu de te montrer. C’est là que résident plus de cent mille saints, que Dieu admet dans sa gloire ; c’est là que tu résideras un jour. Mais retournons. Je ne te mènerai pas plus avant, car la contemplation de Dieu brûlerait tes yeux et la trop grande béatitude ferait éclater ton cœur. »

Et il dit aussi : « Prenez de ces fruits et de ces pierres, que les hommes nomment précieuses, autant qu’en pourra contenir votre nef, afin que tous vous croient, quand vous porterez témoignage. »

Ainsi firent-ils. Ils revinrent à regret vers la mer. L’ange les baisa l’un après l’autre, puis les bénit. Ils montèrent dans leur petite nacelle, ils déployèrent la voile. Et le vent les éloigna rapidement du Paradis, tous versant des larmes abondantes pour la grande douleur qu’ils avaient de partir.

Ils rentrèrent dans la nue obscure, en sortirent et trouvèrent un oiseau envoyé par notre Seigneur pour leur indiquer la route. Cet oiseau était semblable à ceux des mers d’Irlande. Sachez que leurs cœurs se réjouissaient grandement en le regardant qui allait devant eux d’un vol égal et sûr. Au bout de trois mois, ils atteignirent le pays de leur naissance.

Jamais il n’y eut joie plus vive que celle des moines du moutier quand ils revirent leur doux père. La nouvelle se répandit dans le pays, tous accoururent, tous voulurent savoir ce qu’il avait trouvé au delà du terme des navigations humaines. Alors, saint Brendan raconta les grandes merveilles, de Dieu, le Paradis, et comment pendant sept années, il eut toujours à sa suffisance les choses qu’il avait demandées par la prière. Il donna à sentir son vêtement et ceux de ses frères, qui étaient imprégnés d’une odeur forte et douce, comme d’un jardin plein de fleurs. Il n’y eut homme, femme ou moine béni qui ne pleurât de tendresse et d’admiration.

Pour que mémoire fidèle fût gardée de ses aventures, saint Brendan les écrivît dans un livre. Et quand il eut fini, il mourut.

Or la grâce divine, qui agissait par lui, agit maintenant par le récit de sa vie. Plusieurs, qui l’ont lue, ont renoncé au siècle et sont devenus de grands saints. Puissiez-vous, l’ayant lue à votre tour, vous amender à leur exemple et mériter comme eux le Paradis — In secula seculorum. Amen.

Ci finit de saint Brendan et des merveilles qu’il trouva dans les mers d’Irlande.

voyage de saint brendan

Version : UBH

Auteur : ? Jörg Bernhardt

Date : 1460

Type : Estampe

Allemagne

Encyclopædia Universalis

BRANDAN ou BRENDAN VOYAGE DE SAINT

La navigation prend une place privilégiée parmi les voyages spirituels : la mer, c'est l'aventure pleine de dangers mystérieux aux confins du réel et de l'imaginaire. Dès la fin de l'Antiquité, les philosophes stoïciens qui commentent allégoriquement Homère font de l' Odyssée une ascèse, une purification progressive de l'âme vers sa patrie. En chrétienté, la faveur vient au genre sous l'effet de la tradition celte, autour du personnage de saint Brandan. Le texte original de la légende serait une Navigatio sancti Brendani rédigée au x e  siècle en Basse-Rhénanie sous l'influence très visible des imrama (mythes païens sur l'Autre-Monde) irlandais ; de ce texte, il existe encore une centaine de manuscrits de tous les pays d'Europe et de toutes les époques jusqu'au xvi e  siècle. La navigation ne marque pas de limite nette entre le réel et l'au-delà, et mêle des thèmes fantastiques (l'île-poisson sur laquelle Brandan et ses compagnons font du feu et qui se dérobe aussitôt sous eux) venus du folklore et des thèmes chrétiens (l'Enfer et le Paradis). Les versions vernaculaires, dans toutes les langues romanes, germaniques et nordiques christianisent le sens général du récit : Brandan ne s'embarque plus par curiosité, le Paradis est situé à la fin du voyage, mais les thèmes païens ne disparaissent pas. C'est là un exemple typique du résultat de l'acculturation des Barbares par l'Église après les Grandes Invasions. Le Voyage de saint Brandan (1106 ?) du moine anglo-normand Benedeit (Benoît) ne dépend pas du texte latin, mais remonte plus haut dans la légende et transforme le conte merveilleux en vie de saint, le périple en purification progressive du héros au cours d'un véritable pèlerinage.

— Jean-Pierre BORDIER

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Autres références

AMÉRIQUE (Histoire) - Découverte

  • Écrit par Marianne MAHN-LOT

RÉCIT DE VOYAGE

  • Écrit par Jean ROUDAUT
  • MÉDIÉVALE LITTÉRATURE
  • CELTIQUES LITTÉRATURES
  • LATINE MÉDIÉVALE LITTÉRATURE

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voyage de saint brendan

Le voyage du Brendan

  • Publié le 21 juin 2021

Abbé Louis Hanappier

L’extraordinaire tra­ver­sée de l’Atlantique sur un bateau de cuir…

voyage de saint brendan

Qui connaît saint Brendan ? Dans la presqu’île du Dingle, à l’extrême ouest de l’Irlande, on garde encore la mémoire de ce saint moine et on com­mé­more chaque année, en se ren­dant à Brendon Creek, le voyage de l’abbé Brendan vers la « Terre Promise » qu’il a nar­ré dans le Navigatio .

Tim Severin a lu ce récit. C’est, disent cer­tains, « un splen­dide recueil de légendes des marins, une macé­doine de phan­tasmes déli­rants ! ». On y lit par exemple, que pen­dant leur voyage, saint Brendan et ses com­pa­gnons se sont arrê­tés sans le savoir sur le dos d’une baleine mais que celle-​ci s’est enfuie lorsqu’ils ont allu­mé un feu… 

Le Navigatio avait atti­sé la curio­si­té de Tim Severin. Il a vou­lu en avoir le cœur net. Ce voyage est-​il réa­li­sable ? Il suf­fit d’essayer, pense-​t-​il, et on aura la réponse, « encore faudrait-​il, pour que le test soit pro­bant, uti­li­ser les canots et le maté­riel de l’époque. » Alors voi­là notre explo­ra­teur sur la trace de ces hommes extra­or­di­naires du haut Moyen Âge, saint Colomba, saint Malo, dont saint Brendan a d’ailleurs été le pré­cep­teur, pour recons­ti­tuer à l’identique le navire de l’époque et voir s’il condui­rait son équi­page de l’autre côté de l’Atlantique.

Ainsi, le 14 juin 1977, le voi­là navi­guant sur l’océan à la suite de saint Brendan, non loin des côtes du Groenland. Survient alors un ravi­tailleur de l’US Navy : « Qui êtes- vous ? demande-​t-​il par radio – Le Brendan, par­ti de Reykjavik à des­ti­na­tion de l’Amérique du Nord. Notre canot est une expé­rience archéo­lo­gique. Il est fait de cuir et nous sommes en train de véri­fier si des moines irlan­dais ont pu arri­ver en Amérique avant les Vikings. » 

C’est un véri­table roman poli­cier, dans lequel on suit les pistes lais­sées par le récit de saint Brendan pour recons­ti­tuer le « canot fait de peaux de bœufs éti­rées sur une car­casse de bois ». On navigue alors, comme sur une mer incon­nue, de décou­verte en décou­verte, non seule­ment lors de la construc­tion du navire mais aus­si lors de la réa­li­sa­tion d’un voyage qui rend fina­le­ment jus­tice à saint Brendan et à son récit. « Au mieux, dit Tim Severin, les archéo­logues ter­riens devraient être main­te­nant encou­ra­gés dans leurs recherches de ves­tiges irlan­dais au Nouveau Monde et, au pis, il devient dif­fi­cile d’enterrer les pre­miers marins irlan­dais chré­tiens dans une note de bas de page sur les livres rela­tifs à l’histoire de l’exploration, sous pré­texte qu’on ne sait pas assez de choses sur eux et que leurs pré­ten­tions sont phy­si­que­ment injus­ti­fiables. » Car non seule­ment le voyage est réus­si mais en plus Tim et son équi­page ont pu consta­ter que les marins de l’époque de saint Brendan étaient mieux équi­pés maté­riel­le­ment – et men­ta­le­ment aus­si – que l’on ne veut bien l’admettre en géné­ral. Rapidement, par exemple, les marins modernes du Brendan ont aban­don­né les vête­ments en fibre arti­fi­cielle pour la laine, bien plus effi­cace contre le froid et l’humidité qui s’infiltre inexo­ra­ble­ment par­tout. Rapidement aus­si, l’équipage du Brendan adopte une « atti­tude d’esprit médié­vale, faite de patience et de calme ».

C’est donc une véri­table plon­gée dans le Moyen-​Âge que nous fait faire là notre écrivain-​explorateur, plon­gée toute à la gloire du Moyen-​Âge, de la Chrétienté et de toute l’institution monas­tique. Elle nous incite à décou­vrir cette « île des Saints » qu’était l’Irlande de cette époque lorsque, peu­plée de monas­tères, elle met­tait au monde des hommes si éton­nants qu’on ose à peine croire à la réa­li­té de leurs aventures.

Livre : Le voyage du Brendan – À tra­vers l’Atlantique dans un bateau de cuir , Tim Severin, Editions‎ Hoëbeke – 2013 (réed.), 290 pages – 21,50 €

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Source : Le Saint-​Vincent n° 30

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EXTRAIT Un jour une île leur apparût à peu de distance, et commes ils approchaient du rivage, le vent les entraîna loin du mouillage. Et ainsi, quarante jours durant ils naviguèrent autour de l'île et ils ne pouvaient y relâcher. Les frères dans le bateau commencèrent, en larmes, à implorer Dieu de leur venir en aide. Leurs forces, en effet, sous l'excès de fatigue étaient près de les abandonner. Quand ils eurent persévéré pendant trois jours, en fréquentes prières et en jeûnant, leur apparut un goulet, étroit au point de ne laisser de passage qu'à un seul bateau, et leur apparurent là aussi deux fontaines, l'une bourbeuse, l'autre d'eau claire. Aussitôt les frères se précipitèrent avec leurs récipients pour boire l'eau. Les observant, l'homme de Dieu leur dit :                 « Mes chers enfants, ne commettez aucun acte illicite, sans avoir l'autorisation des anciens qui demeurent dans cette île. De plein gré, ils vous donneront de ces eaux dont vous voulez maintenant boire à la dérobée. » ☐ ch. XII - La communauté d'Ailbe

Orphélya

  • Christian-Joseph Guyonvarc'h
  • 7 mars 2020
  • 9 min de lecture

Mythologie Celte - Le voyage de Bran

Le voyage de saint Brendan illustré par un manuscrit allemand du xve siècle.

Le voyage de saint Brendan illustré par un manuscrit allemand du xve siècle.

Ce texte mythologique irlandais expose une attache très profonde au symbolisme et à une vision poétique du monde. Il s'agit d'un voyage vers l'Autre rive d'un personnage nommé Bran dont un chant féérique animera son désir de rejoindre une terre paradisiaque, une terre aux splendeurs inégalées.

Traduction française de Georges Dottin, dans L'Epopée irlandaise (Paris, sans date).

Cinquante quatrains chanta la femme des pays inconnus, au milieu de la maison, à Bran fils de Fébal, quand le palais était plein de rois qui ne savaient d'où était venue la femme, puisque l'enceinte était fermée.

Voici le commencement de l'histoire. Un jour, dans le voisinage de la forteresse, Bran se promenait seul quand il entendit de la musique derrière lui. Quand il regardait derrière lui, c'était derrière lui encore qu'était la musique. Il tomba endormi, tant la musique était douce. Quand il s'éveilla de son sommeil, il vit près de lui une branche d'argent avec des fleurs blanches qu'il n'était pas aisé de distinguer de cette branche. Alors Bran emporta la branche dans sa main jusqu'au palais. Quand l'assemblée fut nombreuse dans le palais, on vit une femme en vêtements étrangers au milieu de la demeure. Alors elle chanta les cinquante quatrains à Bran, tandis que l'armée l'écoutait et que tous la voyaient:

Voici une branche du pommier d'Emain

que je t'apporte, pareille aux autres;

des rameaux d'argent blanc sont sur elle,

des sourcils de cristal avec des fleurs.

Il y a une île lointaine;

alentour les chevaux de la mer brillent,

belle course contre les vagues écumantes;

quatre pieds la supportent.

Charme des yeux, glorieuse étendue

est la plaine sur laquelle les armées jouent;

la barque lutte contre le char,

dans la plaine méridionale de l'Argent Blanc.

Des pieds de bronze blanc la supportent,

brillant à travers les siècles de beauté;

jolie terre à travers les siècles du monde,

où se répandent maintes fleurs.

Un vieil arbre est là avec les fleurs,

sur lequel les oiseaux appellent aux heures;

en harmonie ils ont l'habitude

d'appeler ensemble à chaque heure.

Des splendeurs de toute couleur brillent

à travers les plaines aux jolies voix;

la joie est habituelle; on se range autour de la musique,

dans la plaine méridionale de la Nuée d'argent.

Inconnue la plainte ou la traîtrise

dans la terre cultivée bien connue;

il n'y a rien de grossier ni de rude,

mais une douce musique qui frappe l'oreille.

Ni chagrin, ni deuil, ni mort,

ni maladie, ni faiblesse

voilà le signe d'Emain;

rare est une pareille merveille.

Beauté d'une terre merveilleuse,

dont les aspects sont aimables,

dont la vue est une belle contrée,

incomparable en est la brume.

Si l'on voit la Terre de Bonté,

sur laquelle les pierres de dragons et les cristaux pleuvent;

la mer jette la vague contre la terre,

poils de cristal de sa crinière.

Des richesses, des trésors de toute couleur

sont dans la Terre calme, fraîche beauté,

qui écoute la douce musique

en buvant le meilleur vin.

Des chariots d'or dans la Plaine de la Mer,

s'élevant avec le flot vers le soleil,

des chariots d'argent dans la Plaine des Jeux

et des chariots de bronze sans défaut.

Des coursiers d'or jaune sont là sur la rive:

d'autres coursiers, de couleur pourpre;

d'autres, avec de la laine sur leur dos,

de la couleur du ciel tout bleu.

Au lever du soleil viendra

un bel homme illuminant les plaines;

il chevauche l'étendue battue des flots;

il remue la mer jusqu'à ce qu'elle soit du sang.

Une armée viendra à travers la mer claire;

vers la terre ils naviguent;

puis ils rament jusqu'à la pierre en vue,

d'où s'élèvent cent refrains.

On chante un refrain à l'armée

(à travers les longs siècles), qui n'est pas misérable;

sa musique s'enfle des choeurs de centaines,

qui n'attendent ni déclin ni mort.

Emain multiforme en face de la mer,

qu'elle soit proche, qu'elle soit loin,

où sont des milliers de femmes bigarrées.

que la mer claire encercle.

Quand il a entendu le son de la musique,

le choeur des petits oiseaux de la Très calme Terre,

un groupe de femmes, vient de la colline

à la Plaine des Jeux où il est.

Là vient le bonheur avec la santé

à la terre où résonnent les rires,

dans la Très calme Terre, en toute saison

viendra la joie qui dure toujours.

C'est un jour d'éternel beau temps,

qui verse de l'argent sur les terres;

une falaise blanche bordant la mer,

qui reçoit du soleil sa chaleur.

Course de l'armée le long de la Plaine des jeux;

jeu charmant, sans faiblesse;

dans la terre variée, après tant de beautés,

ils n'attendent ni déclin ni mort.

Écouter la musique la nuit

et venir à la terre aux nombreuses couleurs

pays varié, splendeur sur un diadème de beauté,

d'où brille la nuée blanche.

Il y a trois fois cinquante îles lointaines,

dans l'Océan à l'ouest de nous;

plus grande qu'Erin deux fois

est chacune d'elles, ou trois fois.

Une grande naissance arrivera après des siècles,

qui ne sera pas dans les grandeurs:

le fils d'une femme dont le mari ne sera pas connu;

il aura la royauté sur des milliers d'hommes.

Royauté sans commencement, sans fin;

il a créé le monde parfaitement,

à lui sont la terre et la mer;

malheur à qui encourra sa disgrâce!

C'est lui qui a fait les cieux.

Heureux celui qui a le coeur pur;

il purifiera les peuples sous l'eau pure;

c'est lui qui guérira vos maux.

Ce n'est pas pour vous tous qu'est mon discours,

bien que cette grande merveille soit connue;

que Bran, parmi la foule du monde, écoute

la part de science qui lui est communiquée !

Ne tombe pas sur un lit de paresse;

que l'ivresse ne te vainque pas!

commence un voyage à travers la mer claire

pour voir si tu atteindras la Terre des femmes.

Là-dessus, la femme s'éloigna d'eux et ils ne surent pas où elle était allée. Et avec elle elle avait emporté sa branche. La branche avait sauté des mains de Bran dans les mains de la femme et la main de Bran n'avait pas eu la force de retenir la branche.

Le lendemain, Bran partit sur la mer. Sa compagnie était de trois neuvaines d'hommes. Un de ses frères nourriciers ou de ses compagnons d'âge était à la tête de chaque neuvaine. Quand il eut été deux jours et deux nuits sur mer, il vit venir un homme dans un char sur la mer. cet homme lui chanta trente autres quatrains et se fit connaître comme étant Manannân fils de Lêr; il dit qu'il avait l'intention d'aller en Irlande après de longues années et qu'un fils lui naîtrait qui s'appellerait Mongan, fils de Fiachna (Fiachna mac Baetain). Puis il chanta ses trente quatrains:

Bran trouve que c'est une belle merveille

de traverser en barque la mer claire,

tandis que pour moi, autour de mon char, de loin

c'est une plaine fleurie sur laquelle il chevauche.

Ce qui est la mer claire

pour le bateau à proue où est Bran,

c'est une agréable plaine avec beaucoup de fleurs,

pour moi, de mon char à deux roues.

nombre de vagues répandues sur la mer claire

je vois, moi, dans la Plaine des Jeux,

des fleurs parfaites à la tête rouge.

Les chevaux de mer brillent à l'été,

aussi loin que Bran étend son regard;

des rivières versent un flot de miel,

dans le territoire de Manannân fils de Lêr.

La couleur de l'océan sur lequel tu es,

la nuance blanche de la mer sur laquelle tu rames,

c'est le jaune et le bleu répandus,

c'est de la terre qui n'est pas dure.

Les saumons tachetés sautent du sein

de la mer blanche que tu regardes;

ce sont des veaux, ce sont des agneaux de couleur,

en amitié, sans meurtre mutuel.

Quoique l'on ne voie qu'un conducteur de char,

dans la Plaine agréable aux maintes fleurs,

il y a beaucoup de coursiers à la surface,

bien que tu ne les voies pas.

Étendue de la plaine, nombre des troupes,

couleurs qui brillent dans la pure gloire;

beau torrent d'argent, degrés d'or,

accueillent, parmi toute sorte d'abondance.

Jeu charmant, plein de plaisir;

ils jouent devant le vin qui mousse,

hommes et jolies femmes, sous un berceau,

sans péché, sans crime.

C'est sur le haut d'un bois que nage

ta barque à travers les cimes;

il y a un bois chargé de fruits très beaux,

sous la proue de ton petit bateau.

Un bois avec fleurs et fruits,

sur lequel est la vraie odeur du vin,

bois sans déclin, sans défaut,

où sont des feuilles de couleur d'or.

Nous sommes depuis le commencement de la Création,

sans vieillesse, sans cimetières;

aussi nous n'attendons pas d'être sans force;

le péché n'est pas venu jusqu'à nous.

Mauvais jour que celui où vint le Serpent,

vers le Père, dans sa Cité;

il a perverti ce monde,

en sorte que vint le déclin, qui n'était pas à l origine.

Par l'avidité et la gloutonnerie il nous a tués,

par elles il a ruiné sa noble race;

le corps flétri s'en est allé par le cercle des peines

et la demeure éternelle des tortures.

C'est la loi de l'orgueil en ce monde,

de croire aux créatures, d'oublier Dieu;

d'être vaincu par la maladie et la vieillesse,

l'âme détruite par la déception.

Un noble salut viendra

du Roi qui nous a créés;

une belle loi viendra par les mers;

outre qu'il est Dieu, il sera homme.

Sous cette forme, celui que tu regardes

viendra de ton côté;

je suis aller à sa maison,

vers la femme de la plaine de Liné.

Car c'est Manannân, fils de Lêr,

sur son chariot, sous forme d'homme;

de sa race sera bientôt

un bel homme en corps d'argile blanche.

Manannân, descendant de Lêr, sera

un vigoureux compagnon de lit de Caintigern;

on célébrera son fils dans le beau monde;

Fiachna le reconnaîtra comme son fils.

Il charmera la compagnie de chaque sidh;

il sera le chéri de toute Bonne Terre;

il fera connaître des secrets, flot de science,

dans le monde, sans être craint.

Il prendra la forme de tout animal,

à la fois dans la mer d'azur et sur terre,

il sera dragon devant l'ennemi à l'attaque;

il sera loup de toute grande forêt.

Il sera cerf avec des cornes d'argent,

dans la terre où l'on conduit les chariots;

il sera saumon tacheté dans une mare pleine;

il sera un phoque; il sera un beau cygne blanc.

Il sera pendant de longs siècles

de cent ans, un grand roi;

il battra les chemins, tombe lointaine;

il labourera les champs, une roue sur la mer.

Ce sera autour des rois et de leurs champions

qu'il sera connu comme un vaillant héros,

dans les forteresses d'une terre sur une hauteur

je lui enverrai d'Islay sa fin.

Bien haut je le place avec les princes;

il sera vaincu par un fils d'erreur;

Manannân, fils de Lêr

sera son père, son tuteur.

Il sera (car son temps sera court)

cinquante ans dans ce monde;

une pierre de dragon de la mer le tuera,

dans le combat de Senlabor.

Il demandera à boire de l'eau du lac Lô,

en regardant le fleuve de sang;

la Blanche troupe le conduira sur une roue de nuages

à l'assemblée où il n'y a pas de chagrin.

Que fermement Bran rame

vers la Terre des Femmes qui n'est pas loin;

Emain à l'hospitalité si variée,

tu l'atteindras avant le coucher du soleil!

Là-dessus, Bran s'éloigna jusqu'à ce qu'il fût en vue de l'île. Il fit le tour en ramant; là, une troupe s'esclaffait de rire. Tous regardaient Bran et ses gens, mais ne s'arrêtaient pas pour causer avec eux, et ils continuaient à éclater de rire à leur nez. Bran envoya un de ses gens sur l'île. Il se mit avec eux et éclata de rire comme les autres gens de l'île. Quand il passa devant Bran, ses camarades l'appelèrent. Mais il ne leur parla pas et se contenta de les regarder et de rire d'eux. Le nom de cette île est "Ile de la Joie". Là-dessus, ils la quittèrent.

Ils ne furent pas longtemps après à atteindre l'Ile des Femmes. Ils virent une rangée de femmes sur le port. La reine des femmes dit: " Viens dans mon pays, Bran fils de Fébal; ton arrivée est la bienvenue! " Bran n'osa pas aller à terre. La femme jette une pelote de fil à Bran droit dans la figure. Bran met la main sur la pelote. La pelote s'attache à sa paume. Le bout du fil de la pelote était dans la main de la femme, qui tira la barque au port. Là-dessus, ils entrèrent dans une grande demeure, qui contenait un lit pour chaque couple, c'est-à-dire trois fois neuf lits. La nourriture que l'on mettait sur chaque plat ne disparaissait pas; il leur semblait qu'ils n'étaient là que depuis un an, et il y avait plusieurs années; aucune saveur ne leur manquait.

Mais le mal du pays s'empara de l'un d'eux, Nechtân fils de Collbran. Ses parents prièrent Bran de retourner en Irlande avec lui. La femme leur dit qu'ils se repentiraient de partir. Cependant ils s'en allèrent et la femme les avertit qu'aucun d'eux ne touchât terre et qu'ils visitassent et prissent avec eux celui qu'ils avaient laissé dans l'île de la Joie.

Alors ils allèrent jusqu'à ce qu'ils arrivassent à l'assemblée du Ruisseau de Bran. Les gens leur demandèrent qui était venu sur mer. Il répondit: " C'est moi, Bran fils de Fébal. - Nous ne le connaissons pas, dit l'autre; mais nous avons la Navigation de Bran dans nos vieilles histoires. " Nechtân saute de sa barque. Aussitôt qu'il eut touché la terre d'Irlande, il tomba aussitôt en cendres, comme s'il avait été dans la terre pendant des centaines d'années.

Alors Bran chanta ce quatrain:

Le fils de Collbran eut la grande folie

de lever la main contre l'âge;

et personne ne jette un flot d'eau pure

sur Nechtân, fils de Collbran.

Ensuite Bran raconta à l'assemblée ses aventures depuis le commencement jusqu'à ce moment-là et il écrivit ces quatrains en ogham. Il leur dit adieu, et on ne sait où il est allé à partir de cette heure.

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Le Voyage de saint Brandan

1 Donna Aaliz la reïne,        Par qui valdrat lei divine,        Par qui creistat lei de terre 4 E remandrat tante guerre        Por les armes Henri lu rei        E par le cunseil qui ert en tei,        Salüet tei mil e mil feiz 8 Li apostoiles danz Benedeiz.        Que comandas ço ad enpris        Secund sun sens e entremis,        En letre mis e en romanz, 12 Eisi cum fud li teons cumanz        De saint Brendan le bon abéth.        Mais tul defent ne seit gabéth        Quant dit que set e fait que peot : 16 Itel servant blasmer n'esteot.        Mais cil qui peot e ne voile,        Dreiz est que cil mult se doile.        Icist seinz Deu fud néd de reis; 20 De naisance fud des Ireis.        Pur ço que fud de regal lin        Puroc entent a noble fin.        Ben sout que l'escripture dit : 24 « Ki de cest mund fuit le delit,        Od Deu de cel tant en avrat        Que plus demander ne savrat. »        Puroc guerpit cist reials eirs 28 Les fals honurs pur iceals veirs.        Dras de moine, pur estre vil        En cest secle cum en eisil,        Prist e l'ordre e les habiz, 32 Puis fud abes par force esliz.        Par art de lui mult i vindrent        Qui a le ordre bein se tindrent.        Tres mil suz lui par divers leus 36 Munies aveit Brandan li pius,        De lui pernanz tuz ensample        Par sa vertud que ert ample.        Li abes Brendan prist en purpens 40 Cum hom qui ert de mult grant sens,        De granz cunseilz e de rustes, Cum        cil qui ert forment justes,        De Deu prïer ne fereit fin 44 Pur sei e pur trestut sun lin,        E pur les morz e pur les vifs,        Quer a trestuz ert amis.        Mais de une rien li prist talent Dunt 48 Deu prïer prent plus suvent        Que lui mustrast cel paraïs        U Adam fud primes asis.        Icel qui est nostre heritét 52 Dun nus fumes deseritét.        Bien creit qu'ileoc ad grant glorie        Si cum nus dit veir' estorie,        Mais nepurtant voldret vetheir 56 U il devreit par dreit setheir,        Mais par peccét Adam forfist,        Pur quei e sei e nus fors mist.        Deu en prïet tenablement 60 Cel lui mustret veablement.        Ainz qu'il murget voldreit vetheir        Quel séd li bon devrunt aveir,        Quel lu li mal aveir devrunt, 64 Quel merite il recevrunt.        Enfern prïed vetheir oveoc        E quels peines avrunt ileoc        Icil felun qui par orguil 68 Ici prennent par eols escuil        De guerrëer Deu e la lei;        Ne entre eols nen unt amur ne fei.        Iço dunt lui pris est desir 72 Voldrat Brandans par Deu sentir.        Od sei primes cunseil en prent        Qu'a un Deu serf confés se rent.        Barinz out nun cil ermite; 76 Murs out bons e sainte vitte.        Li fedeilz Deu en bois estout,        Tres cenz moines od lui out;        De lui prendrat conseil e los, 80 De lui voldrat aveir ados.        Cil li mustrat par plusurs diz,        Beals ensamples e bons respiz,        Qu'il vit en mer e en terre 84 Quant son filiol alat querre :        Ço fud Mernoc qui fud frerre        Del liu u cist abes ere,        Mais de ço fud mult voluntif 88 Que fust ailurs e plus sultif.        Par sun abéth e sun parain        En mer se mist e nun en vain,        Quer puis devint en itel liu 92 U nuls n'entret fors sul li piu;        Ço fud en mer en un isle        U mals orrez nuls ne cisle,        U fud poüz de cel odur 96 Que en paraïs gettent li flur,        Quer cel isle tant pres en fud,        U sainz Mernoc esteit curud;        De paraïs out la vie 100 E des angeles out l'oïde.        E puis Barinz la le requist        U vit iço qu'a Brandan dist.        Quant ot Brandan la veüe 104 Que cist out la receüe,        De meilz en creit le soen conseil        E plus enprent sun apareil.        De ses munies quatorze eslist, 108 Tuz les meilurs qu'il i vit,        E dit lur ad le soen purpens;        Savrat par eols si ço ert sens.        Quant oïrent iço de lui, 112 Dunc en parlerent dui e dui.        Respundent lui comunalment        Que ço enprist vassalment;        Prïerent l'en ques meint od sei 116 Cum les seons filz soürs en fei.        Ço dist Brandan : 'Pur cel vos di        Que de vos voil ainz estre fi        Que jo d'ici vos en meinge, 120 Al repentir puis m'en prenge.'        Cil promettent süurance        Pur eols ne seit demurance.        Dunc prent le abes iceols esliz, 124 Puis que out oït d'els le diz;        En capitel les ad menez.        Ileoc lur dist cum hoem senez :        'Seignurs, ço que penséd avum 128 Cum el est gref nus nel savum.        Mes prïum Deu que nus enseint,        Par sun plaisir la nus en meint;        E enz el nun al Saint Espirit 132 Juine faimes que la nus guit,        E junum la quarenteine        Sur les treis jurs la semaine.'        Dunc n'i ad nul qui se target 136 De ço faire qu'il lur charget.        Ne li abes ne nuit ne jurn        Des ureisuns ne fait tresturn        De ci que Deus li enveiat 140 Le angel del cel qui l'aveiat        De tut l'eire cum il irat;        Enz en sun quer si l'aspirat        Que tres bien veit e certement 144 Cum Deus voldrat seon alement.        Dunc prent cungé a ses freres,        As quels il ert mult dulz peres,        E dist lur ad de seon eire 148 Cument a Deu le voleit creire.        A sun prïur tuz les concreit,        Dist lui cument guarder les deit.        Cumandet eals lui obeïr, 152 Cum lur abét mult bien servir.        Puis les baiset Brandan e vait.        Plurent trestuit par grant dehait        Que mener ne volt lur peres 156 Fors quatorze de lur freres.        Vait s'en Brandan vers le grant mer        U sout par Deu que dout entrer.        Unc ne turnat vers sun parent : 160 En plus cher leu aler entent.        Alat tant quant terre dure;        Del sujurner ne prist cure.        Vint al roceit que li vilain 164 Or apelent le Salt Brandan.        Icil s'estent durement luin        Sur l'occean si cume un gruign.        E suz le gruign aveit un port 168 Par unt la mer receit un gort,        Mais petiz ert e mult estreits;        Del derube veneit tut dreiz.        Altres, ço crei, avant cestui 172 Ne descendit aval cel pui.        Ci aloeces fist atraire        Mairen dunt sa nef fist faire :        Tut dedenz de fust sapin, 176 Defors l'avolst de quir bovin;        Uindre la fist qu'esculante        Od l'unde fust e curante.        Ustilz i mist tant cum estout 180 E cume la nef porter en pout.        La guarisun i mist odveoc        Que il aveient portét ileoc :        Ne plus que a quarante dis 184 De vïande n'i out enz mis.        Dist as freres : 'Entrez en enz!        Deus gracïez : bons est li venz.'        Entrerent tuit e il aprés. 188 Ast vos ja tres curanz adés,        A haltes voiz Brandan criant        E lor palmes vers lui tendant :        'De ton muster sumes meüd 192 E desque ci t'avum seüd;        Lai nus, abes, a tei entrer        E od tei, donz, par mer errer.'        Il les cunut e sis receit. 196 Qu'en avendrat bien le purveit :        Ço que par Deu le abes purvit        Ne lur celet, ainz lur ad dist :        'Les dous de vus avrat Satan 200 Od Abiron e od Dathan.        Li tierz de vus mult ert temptez,        Mais par Deu ert bien sustentez.'        Quant out ço dist l'abes Brandans, 204 Dunc drechet sus ambes les mains        E Deu prïet escordement        Les seons fetheilz guard de turment.        E puis levet sus la destre, 208 Tuz les signet li sainz prestre.        Drechent le mast, tendent le veil,        Vunt s'en plein li Deu fetheil.        Le orrez lur veint de l'orïent 212 Quis en meinet vers occident.        Tutes perdent les veüthes        Fors de la mer e des nües.        Pur le bon vent ne s'en feignent, 216 Mais de nager mult se peinent;        E desirent pener lur cors        A ço vetheir pur quei vunt fors.        Si cururent par quinze jurs 220 Desque li venz tuz lur fud gurz :        Dunc s'esmaient tuit li frere        Pur le vent qui failit ere.        Li abes dunc les amonestet, 224 Que curages unc ne cesset :        'Metez vus en Deu maneie,        E n'i ait nul qui s'esmaie!        Quant averez vent, siglez sulunc; 228 Cum venz n'i ert, nagez idunc!'        As aviruns dunc se metent.        La grace Deu mult regrettent,        Quer ne sevent quel part aler, 232 Ne quels cordes deient aler,        Quel part beitrer, quel part tendre,        Ne u devrunt lur curs prendre.        Un meis sanz vent nagerent tut plein 236 Tuit li frere par nul desdeign.        Tant cum durat lur vitaile,        Pener pourent sanz defaile.        Force perdent e vïande; 240 Puroc ourent poür grande.        Cum lur avient li granz busuinz,        A ses fetheilz Deus n'est luinz :        Puroc ne deit hoem mescreire. 244 Si cil enprent pur Deu eire,        Tant en face cum faire pout;        Deus li truverat ço que lui estout.        Terre veient grande et halte. 248 Li venz lur vient sanz defalte :        Qui de nager erent penét        Sanz tuz travalz la sunt menét.        Mais n'i truvent nul' entrethe 252 Ul lur nef fust eschipede,        Quer de rocheiz ert aclose        U nul d'eals entrer n'ose.        Halt sunt li pui en l'air tendant, 256 E sur la mer en luin pendant.        Des creos desuz la mer resort,        Pur quei peril i at mult fort.        Amunt aval port i quistrent, 260 E al querre treis jurs mistrent.        Un port truvent, la se sunt mis,        Qui fud trenchéd al liois bis,        Mais n'i unt leu fors de une nef; 264 Cil fud faitiz en le rocheit blef.        Ferment la nef, eisent s'en tuit,        Vunt la veie qui bien les duit.        Dreit les meinet a un castel 268 Qui riches ert e grant e bel        E resemblout mult regal leu,        De emperur mult riche feu.        Entrerent enz dedenz le mur 272 Qui tuz ert faiz de cristal dur.        Paleiz veient tuz a marbre,        N'i out maisun faite de arbre;        Gemmes od l'or funt grant clarté 276 Dun li pareit sunt entailét.        Mais une rien mult lur desplout,        Que en la citét hume n'i out.        Dunc esgardent l'alçur palais, 280 Entrent en enz al num de pais.        Enz en le palais Brandan se mist        E sur un banc puis s'asist.        Fors sul les soens altres n'i vit; 284 Prent a parler, si lur ad dist :        'Alez querre par cez mesters        Si rien i at dun est mesters.'        Alerent cil e truverent 288 Ço que plus dunc desirerent :        Ço fud sucurs de vïande        E de beivre plentét grande;        De or e de argent la vaisele 292 Que forment fud e bone e bele.        Quanque voldrent tut a plentét        Trovent iloec u sunt entrét.        Le abes lur dist: 'Portez nus ent ! 296 N'en prengez trop, ço vus defent.        E prïez Deu checun pur sei        Que ne mentet vers Deu sa fei.'        Pur ço les volt li abes guarnir 300 Quer bien purvit que ert a venir.        Cil aportent asez cunrei,        E n'en pristrent a nul desrei;        Tant mangerent cum lur plout, 304 E cum idunc lur en estout.        De Deu loër ne se ublïent,        Mais sa merci mult la crïent.        Del herberger pregnent oser; 308 Quant fud l'ure, vunt reposer.        Cum endormit furent trestuit,        Ast vos Sathan qui l'un seduit:        Mist l'en talent prendre an emblét 312 De l'or qu'il vit la ensemblét.        L'abes veilout e bien vetheit        Cume dïables celui teneit,        Cume lui tendeit un hanap de or; 316 Plus riche n'i at en un tresor.        Cil levet sus, prendre l'alat,        E en repost tost l'enmalat.        E puis que out fait le larecin, 320 Revint dormir en sun reclin.        Tut vit l'abes u reposout        Cum cil freres par nuit errout.        Pur tenebres ne remaneit: 324 Sanz candeile tut le vetheit,        Quar quant ço Deus li volt mustrer,        Sur ço n'estout cirge alumer.        Treis jurs enters i sujurnerent 328 E puis al quart s'en turnerent.        Brandans lur dist: 'Seignurs, vus pri,        Ne portez rien od vus d'ici,        Neïs un puint de cest cunrei, 332 N'enteins l'aigue pur nule sei.'        Forment plurant dist as freres:        'Vedez, seignurs, cist est leres.'        Cil aparceut que l'abes sout 336 Del larecin, cument il l'out        Cunuit; a tuz confés se rent,        As pez le abét mercit atent.        Dist lur abes: 'Prïez pur lui ; 340 Vus le verrez murrir encui.'        Devant trestuz tuz veables        Eisit criant li dïables:        'Cheles, Brandan, par quel raisun 344 Gettes mei fors de ma maisun?'        Dist al frere ço que il volt,        Mercit li fait e puis l'asolt.        Desque receut cumungement, 348 Veanz trestuz mort le prent.        L'espirit en vait en paraïs        En grant repos u Deus l'at mis.        Al cors firent sepulture, 352 Prïent Deu qu'en prenget cure.        Cist fud un des tres freres        Qu'en la nef receut li peres.        Vindrent al port el rivage. 356 Ast vus mult tost un message:        Pain lur portet e le beivre        E sis rovet cel receivre.        Puis lur at dist: 'Soür sëez, 360 Quelque peril que vus veiez.        Que que veiez, n'aëz poür:        Deus vus durat mult bon oür,        E ço verrez que alez querant 364 Par la vertud de Deu le grant.        E de cunrei nen esmaëz        Que vus ici asez n'en aiez:        Ne frat faile desqu'en vendrez 368 En tel leu u plus prendrez.'        Parfunt clinant, saisit les en.        Plus ne lur dist, mais alat s'en.          Or unt voüt li Deu servant 372 Que il eirent par Deu cumant,        E unt pruvét tut a soüt        Par miracles que unt voüt.        E bien veient que Deus les paist: 376 De loër Deu nuls ne se taist.        Siglent al vent, vunt s'en adés.        Li cunduz Deu mult lor est pres.        Curent par mer grant part de l'an 380 E merveilles trestrent ahan.        Terre veient a lur espeir,        Cum de plus luin lur pout pareir.        Drechent lur nef icele part, 384 E n'i at nul de nager se tart.        Lascent cordes, metent veil jus;        Ariverent e sailent sus.        Veient berbiz a grant fuisun, 388 A chescune blanche tuisun.        Tutes erent itant grandes        Cum sunt li cers par ces landes.        Dist lur l'abes: 'Seignurs, d'ici 392 Ne nus muverum devant terz di.        Jusdi est oi de la ceine,        Cum li Filz Deu suffrit peine;        Il nus est douz e prest amis 396 Qui prestement nus ad tramis        Dunt poüm la feste faire.        Pensez de la nef sus traire !        De icez berbiz une pernez, 400 Al di pascal la cunrëez.        A Deu cungét de ço ruvum,        Altre quant nus or n'i truvum.'        Que cumandat, iço fait unt, 404 E par tres dis ileoc estunt.        Al samadi lur vient uns mes,        De la part Deu salüet les.        Peil out chanut, oilz juvenilz: 408 Mult out vescut sanz tuz perilz.        Pain lur portet de sun païs:        Grant e mult blanz guasteus alis;        E si lur falt nule rien, 412 Tut lur truverat, ço promet bien.        L'estre d'iloc l'abes anquist.        Ne sai s'osat, mais poi l'en dist;        Ço respundit: 'Asez avum 416 Quanque des quers penser savum.'        E dist l'abes: 'Berbiz ad ci,        Unc en nul leu tant grant ne vi.'        Respunt lui cil: 'N'est merveille: 420 Ja ci n'ert traite öeile;        L'ivers n'en fait raëncune,        Ne d'enfertét n'i mort une.        A cel isle que tu veis la, 424 Entre en ta nef, Brandan, e va.        En cel isle anuit entras        E ta feste demain i fras.        Demain ainz nuit en turnerez; 428 Pur quei si tost, bien le verrez !        Puis revendrez e sanz peril,        Bien pres siglant de cest costil.        E puis irez en altre liu 432 U jo en vois e la vus siu.        Mult pres d'ici, la vus truverai;        Asez cunrei vus porterai.'        Siglet Brandan, nel cuntredit; 436 Vait à l'isle que il bien vit.        Vent out par Deu e tost i fud,        Mais bien grant mer eut trescurud;        Eissi vait qui Deus meine. 440 Terre prennent e sanz peine.        Eissent s'en fors tuit li frere        Fors sul l'abes qui enz ere.        Beal servise e mult entrin 444 Firent la nuit e le matin.        Puis que unt tut fait lur servise        En la nef cum en eglise,        Charn de la nef qu'il i mistrent, 448 Pur quire la dunc la pristrent.        De la busche en vunt quere        Dunt le manger funt a terre.        Cum li mangers fud cunrëez, 452 Dist li bailis: 'Or asëez !'        Dunc s'escrïent mult haltement:        'A ! donz abes, quar nus atent!'        Quar la terre tute muveit 456 E de la nef mult se luigneit.        Dist li abes: 'Ne vus tamez,        Mais Damnedeu mult reclamez !        E pernez tut nostre cunrei, 460 Enz en la nef venez a mei !'        Jetet lur fuz e bien luncs raps;        Parmi tut ço muilent lur dras.        Enz en la nef entré sunt tuit. 464 Mais lur isle mult tost s'en fuit,        E de dis liuues bien choisirent        Le fou sur lui qu'il i firent.        Brandan lur dist: 'Freres, savez 468 Pur quei poür oüt avez?        N'est pas terre, ainz est beste        U nus feïmes nostre feste,        Pessuns de mer sur les greinurs. 472 Ne merveillés de ço, seignurs!        Pur ço vus volt Deus ci mener        Que il vus voleit plus asener:        Ses merveilles cum plus verrez, 476 En lui puis mult mielz crerrez.        Primes le fist li reis divins        Devant trestuz pessuns marins.'        Quant out ço dist l'abes Brandan, 480 Bien ad curut de mer un grant pan.        Veient terre alte e clere,        Si cum lur out dist cil frere.        Venent i tost e arivent, 484 Ne de l'eisir ne s'eschivent,        Ne pur altre rien ne dutent,        Mais a terre la nef butent.        Amunt un duit s'en vunt süef 488 E od cordes traient lur nef.        Al chef del duit out une arbre        ltant blanche cume marbre,        E les fuiles mult sunt ledes, 492 De ruge e blanc taceledes.        De haltece par vedue        Muntout le arbre sur la nue;        Des le sumét desque en terre 496 La brancheie mult la serre        E ledement s'estent par l'air,        Umbraiet luin e tolt le clair;        Tute asise de blancs oiseus: 500 Unches nul hom ne vit tant beus.        Li abes prent a merveiller        E prïet Deu sun conseller        Que li mustret quel cose seit, 504 Si grant plentét des oiseus que deit,        Quel leu ço seit u est venuz;        D'iço l'asent par ses vertuz.        Sa prïere quant la laisat, 508 L'un des oiseus s'en devolat.        Tant dulcement sonat li vols        En eschele cum fait li cols;        E puis qu'asist desur la nef, 512 Brandan parlat bel e süef:        'Si tu es de Deu creature,        De mes diz dunc prenges cure !        Primes me di que tu seies, 516 En cest liu que tu deies,        Et tu e tuit li altre oisel,        Pur ço que a mei semblez mult bel.'        L'oiseil respunt : 'Angele sumes, 520 E enz en ceil jadis fumes;        E chaïmes de halt si bas        Od l'orguillus e od le las        Par superbe qui revelat, 524 Vers sun seignur mal s'eslevat.        Cil fut sur nus mis a meistre,        De vertuz Deu nus dut paistre;        Puroc que fu de grant saveir, 528 Sil nus estout a meistre aveir.        Cil fud mult fels par superbe,        En desdein prist la Deu verbe.        Puis que out ço fait, lui servimes 532 E cum anceis obedimes;        Pur ço sumes deseritét        De cel regne de veritét.        Mais quant iço par nus ne fud, 536 Tant en avum par Deu vertud:        N'avum peine si cum cil        Qui menerent orguil cum il.        Mal nen avum fors sul itant: 540 La majestéd sumes perdant,        La presence de la glorie,        E devant Deu la baldorie.        Le num del leu que tu quesis, 544 C'est as Oiseus li Paraïs.'        E il lur dist: 'Or ad un an        Que avez suffert de mer l'ahan;        Arere sunt uncore sis 548 Ainz que vengez en paraïs.        Mult suffreiz e peines e mal        Par occean, amunt aval,        E chescun an i frez la feste 552 De la Pasche sur la beste.'        Puis que out ço dist, si s'en alat        Ensum l'arbre dun devalat.        Quant vint le jurn al declinant, 556 Vers le vespre dunc funt cant;        Od dulces voiz mult halt crïent        E enz en le cant Deu mercïent.        Or unt veüd en lur eisil 560 ltel cumfort cum furent cil.        Humaine gent unches anceis        N'i enveiat li suvereins reis.        Dunc dist le abes: 'Avez oïd 564 Cum cist angele nus unt goïd?        Loëz Deu e gracïez,        Plus vus aimet que ne quïez!'        La nef laisent en l'ewage 568 E mangerent al rivage;        E puis chantent la cumplie        Od mult grant psalmodie.        Puis enz as liz tuit s'espandent 572 E a Jesu se cumandent.        Dorment cum cil qui sunt lassét        E tanz perilz qui unt passét.        Mais nepurtant a chant de gals 576 Matines dïent ainzjurnals,        E as refreiz ensemble od eals        Respunt li cors de cez oisals.        En prime main al cler soleil 580 Ast vus venant le Deu fedeil        Par qui asen unt cest avei,        E par sun dun unt le cunrei.        E il lur ad dist: 'De vïande 584 Jo vus truverai plentét grande;        Asez averez e sanz custe        As uitaves de Pentecuste.        Puis les travalz estout sujurn: 588 Dous meis estrez ci enturn.'        Dunc prent cungé e s'en alat,        E al terz di la repairat.        Dous feiz tuz dis la semaine 592 Cil revisdout la cumpaine.        Cum lur ad dist, eissil firent,        En sun seign tut se mistrent.        Quant vint li tens de lur errer, 596 Lur nef prengent dunc a serrer;        De quirs de buf la purcusent,        Quar cil qu'i sunt a plein usent;        Asez en unt a remüers 600 Que estre puisset lur baz enters.        E bien de tut se guarnissent        Pur defalte ne perisent.        Cil lur liverat pain e beivre 604 Cum il voldrent plus receivre.        Tut ad cunté a pleins uit meis;        La nef ne pout plus suffrir peis.        Quant cil e cil baisét s'en sunt, 608 Prengnent cungét e puis s'en vunt.        Cil lur mustrat od mult grant plurs        Quel part dourent tendre lur curs.        Ast vus l'oisel desur le mast: 612 Dist a Brandan que s'en alast.        Granz curs li dist qu'ad a faire,        E mult ennois ad a traire:        Uit meis enters estreit baïs 616 Ainz que puisset entrer païs,        Ainz qu'a l'isle vengent Albeu        U estreient al Naël Deu.        Puis qu'out ço dist, plus n'i targe; 620 Vait s'en al vent tut la barge.        Vunt s'en mult tost en mer siglant,        De tant bon vent Deu gracïant.        Crut lur li venz e mult suvent, 624 Crement peril e grant turment.        Puis quatre meis veient terre,        Mais fort lur est a cunquerre.        E nepurtant a la parfin 628 Al siste meis virent la fin.        Prengent terre, mais nepuroec        Nul' entree truvent iloec.        Virun en vunt .xl. dis 632 Ainz que en nul port se seient mis,        Quar li rocheit e li munz grant        A la terre lur sunt devant.        Puis mult a tart truvent un cros 636 Que fait uns duiz, qui lur ad os.        Qui cundüent lur nef amunt        Reposent sei quar lassét sunt.        Puis dist l'abes: 'Eisums fors; 640 Querums que seit mester as cors.'        Eisent s'en tuit uns e uns,        L'abes ovoec ses cumpaignums;        E funtaine trovent duble, 644 L'une clere, l'autre truble.        Vunt i curant cum sedeillus.        Dist lur l'abes: 'Retenez vus !        Prendre si tost jo vus defent 648 D'ici que avum parlé od gent.        Quel nature nus ne savum        Aient li duit que trovét avum.'        Les diz l'abét, cil les crement, 652 E lur mult grant seif, le prement.        Hastivement e nun a tart,        Ast vus currant un grant veilard.        Poür oussent ne fust l'abit, 656 Quar moines ert; mais rien ne dit.        Vient enchaër as pez Brandan.        Drechet lui sus cil par la main.        Clinet parfunt e humlement; 660 Le abét e tuz baiser enprent.        Puis prent Brandan par la destre        Pur mener l'en a sun estre.        As altres dist par sun signe 664 Vengent vedeir leu mult digne.        Cume alouent, le abes ad quis        Quels leus ço seit u se sunt mis.        Mais cil se taist, respuns ne fait; 668 Goït les fort od mult dulz hait.        Tant unt alét que ore veient        Le leu u il aler deient:        Abeïe bele e bone; 672 Plus sainte n'at suth le trone.        Le abes del leu fait porter fors        Ses reliques e ses tresors:        Cruz e fertres e les tistes, 676 Bien engemmét de amestistes,        De or adubez e de peres        Precïuses e enteres,        Od encensers de or amassét 680 E les gemmes enz encassét.        Li vestiment sunt tuit a or;        En Arabie nen at si sor;        Od jagunces e sardines 684 Forment grandes e entrines;        Od tupazes e od les jaspes        ltant clers sunt les haspes.        Tuit li moine sunt revestud, 688 Od lur abét sunt fors eisud.        Od grant goie e grant dulceur        Processïun funt li seignur.        E quant baisét se sunt trestuit, 692 Chescun le altre par la main duit.        Meinent les en lur abeïe,        Brandan e sa cumpainie.        Servise funt bel e leger; 696 Nel voleient trop agreger.        Puis vunt manger en refraitur        U tuit taisent for li litur.        Devant eals unt dulz e blanc pain 700 Bien savurét e forment sain.        Racines unt en lu de mes,        Qui sur deintez saülent les.        Puis unt beivre mult savurét: 704 Aigue dulce plus de murét.        Quant sunt refait, levét s'en sunt        E verseilant al muster vunt.        Vunt verseilant miserere 708 Desque en estals tuit li frere        Fors iceals qui servirent;        En refreitur cil resirent.        Quant l'eschele fud sonee, 712 Puis que l'ure fud chantee,        L'abes del leu fors les meinet.        D'els e del leu lur enseignet:        Qui sunt, cument, des quant i sunt, 716 De qui, par qui succurs unt:        'Nus sumes ci vint e .iiii.;        Ci conversum en cest atre.        Uitante anz ad que prist sa fin 720 A saint Albeu li pelerin.        Riches hom fud de mult grant fiu,        Mais tut guerpit pur cest leu.        Quant alat en tapinage, 724 Apparut lui Deu message        Qui l'amenat; trovat leu prest:        Icest muster que uncore i est.        Quant oïmes en plusurs leus 728 Que ci maneit Albeus li pius,        Par Deu ci nus asemblames        Pur lui que nus mult amames.        Tant cum vesquit, lui servimes, 732 Cume a abét obeïmes.        Puis que le ordre nus out apris        E fermement nus out asis,        Dunc lui prist Deus de sei pres; 736 Uitante anz ad que prist decés.        Deus nus ad puis si sustenuz        Que nuls mals n'est sur nus venuz,        De nostre cors nul' enfermetét, 740 Ne peisance ne amertét.        De Deus nus veint, el ne savum,        La vïande que nus avum.        Nus n'i avum nul loreür, 744 Ne n'i veduns aporteür,        Mais chescun jurn tut prest trovum,        Sanz ço qu'ailur nus net ruvum,        Tute veie le jurn uvrer 748 Entre les deus un pain enter;        A di festal ai tut le men        Pur le super, e chascun le soen.        E des dous duiz que veïstes, 752 Dunt pur un poi ne preïstes,        Li clers est freiz que al beivre avum,        Li trubles calz dun nus lavum.        E as hures que nus devum 756 En noz lampes fou recevum,        Ne pur l'arsun que cist fous fait        Cire ne oile le plus n'en vait;        Par lui emprent, par lui esteint, 760 N'avum frere de ço se peint.        Ici vivum e sanz cure,        Nule vie n'avum dure.        Ainz que vostre venir sousum, 764 Volt Deus qu'a vus cunrei ousum.        Il le dublat plus que ne solt;        Bien sai que vus receivre volt.        Des Thephanie al uitime di 768 Dunc a primes muverez d'ici ;        Desque dunches sujurnerez,        Puis a primes vus an irez.'        Dunc dist Brandans: 'N'est liu si chers 772 U mansisse si volunters.'        Respunt l'abes: 'Ço va quere        Pur quei moüs de ta terre,        Puis revendras en tun païs, 776 lleoc muras u tu nasquis.        Muveras d'ici la semaine        As uitaves de Thephaine.'        Quant vint le jurn que l'abes mist, 780 Brandan de lui le cungé prist;        Li uns abes l'altre cunduit,        Ensemble od lui li moine tuit.        Entrent en mer, vent unt par Deu 784 Qui les luinet de l'isle Albeu.        Curent en mer par mult lunc tens,        Mais de terre unt nul asens.        Failent al vent e a cunreid; 788 Crut l'egre faim e l'ardant seid;        E la mer fud tant paisible        Pur quei unt le curs mult peinible.        Espesse fud cume palud; 792 Tel i oui enz ne creit salud.        Deus les succurt par orage:        Terre veient e rivage,        E bien sevent li afamét 796 Que la les ad Deus destinét.        Trovent tel lur entree        Cume se lur fust destinee.        Un duit unt cler e pessuns denz, 800 E cil em prenent plus que cenz.        Mester lur unt virun l'umeit        Herbes que sunt en betumeit.        L'abes lur dist: 'N'aiez cure 804 De beivre trop sanz mesure.'        Cil em pristrent secund lur seid,        As diz l'abét ne tenent feid.        Tant em pristrent puis a celét 808 Pur quei furent fol apelét,        Quar li sumnes lur cureit sus        Dum il dormant giseient jus.        Qui trop beveit giseit enclins, 812 Tel jurn, tel dous, tel .iii. entrins.        Brandan prïout pur ses muines        Que il vedeit tuz suduines.        Desqu'en lur sens cil revindrent, 816 Pur fols forment tuit se tindrent.        Dist lur abes: 'Fuium d'ici        Que ne chaiez mais en ubli.        Mielz vient suffrir honeste faim 820 Que ublïer Deu e sun reclaim.'        Par mer d'ileoc se sunt tolud,        Desque al jusdi vint absolud;        Dunc repairat peres Brandan 824 En la terre u fud l'altre an:        Ast lur hoste, le veil chanud:        Al port lur ad un tref tendud;        Bainéd i ad les travailez, 828 E nuveals dras apareilez.        Funt la ceine e lur mandét        Cum en escrit est cumandét.        E sunt ileoc desque al .iii. di. 832 Turnerent s'en al samadi        E vunt siglant sur le peisun.        L'abes lur dist: 'Fors eisum !'        Lur caldere qu'il perdirent 836 En l'an devant, or la virent;        Li jacoines l'ad gwardee,        Or l'unt sur lui retruvee.        Plus asoür sur lui estunt, 840 E lur feste bele i funt.        Tute la nuit desque al matin        De festïer ne firent fin.        Le di paschur celebrïent; 844 De lur hure ne s'ublïent:        Plus de midi ne targerent,        Mais dunc lur nef rechargerent.        Alat s'en tost e curt li sainz 848 Vers les oiseus u furent ainz.        Bien unt choisit le arbre blanche        E les oiseals sur la branche.        De luin en mer bien oïrent 852 Cum li oiseals les goïrent:        De lur canter ne firent fin        Desque arivé sunt li pelerin.        Traient lur nef amunt le gort 856 La u devant ourent lur port.        Ast lur hoste chi tent un tref:        Cunreid portet pleine sa nef.        Dist lur: 'Ci estreiz del tens un poi. 860 A voz cungez jo m'en revoi.        Ici mandrez e sanz custe        Desque uitaves de Pentecoste.        Ne dutez rien; ne demurai: 864 Quant mesters ert, vus succurrai.'        Ferment lur nef od chaines,        E sunt iloec uit semaines.        Quant vint le tens de lur aler, 868 L'un des oiseals prent avaler:        Sun vol ad fait tut a cerne,        Puis s'est assis sur la verne.        Parler voldrat; Brandan le veit, 872 Dist a checun que em pais seit:        'Seignurs', ço dist, 'a cest sujurn        Tuz cez set anz freiz vostre turn.        Chascun an al Naël Deu 876 Sujurnerez en l'isle Albeu;        La ceine freiz e le mandét        U vostre hoste l'at cumandét.        E chescun an freiz la feste 880 De la Pasche sur la beste'.        Quant out ço dist, si s'en alat        Ensum l'arbre dum devolat.        La nef en mer parfunt flotet; 884 L'oste chescuns aböotet.        Chil de venir ne s'est targét:        Vent de cunrei sun bat chargét,        E de sa nef charget la lur 888 Od bon cunrei de grant valur.        Puis apelet Filz Marie        Qui guart cele cumpainie.        Del revenir metent termes. 892 Al departir fundent lermes.        Trestout curent al portant vent        Chis fait errer vers occident.        Dormante mer unt e morte 896 Chi a sigler lur ert forte.        Puis q'unt curut .iii. quinzeines,        Freidur lur curt par les veines:        Poür lur surt forment grande 900 Que lur nef est tut en brande.        E poi en falt pur turmente        La nef od eals que n'adente.        Puis lur veint el dun s'esmaient 904 Plus que pur nul mal qu'il traient:        Vers eals veint uns marins serpenz        Chis enchaced plus tost que venz.        Li fus de lui si enbraise 908 Cume buche de fornaise:        La flamme est grant, escalfed fort,        Pur quei icil crement la mort.        Sanz mesure grant ad le cors ; 912 Plus halt braiet que quinze tors.        Peril n'i oust fors sul de denz,        Sil fuïssent mil e cinc cenz.        Sur les undes que il muveit, 916 Pur grant turment plus n'estuveit.        Cum aprismout les pelerins,        Dunc dist Brandan li veirs divins:        'Seignurs, n'entrez en dutance: 920 Deus vus ferat la venjance.        Guardez que pur fole poür        Deu ne perdez ne bon oür,        Quar que Deus prent en sun cunduit 924 Ne deit cremer beste qui muit.'        Puis que out dist, a Deu urat;        Ço qu'out urét ne demurat:        Altre beste veient venir 928 Qui bien le deit cuntretenir.        Dreit cum ceste vers la nef traist,        L'altre qui vient a rage braist.        Ceste cunuit sa guerrere; 932 Guerpit la nef, traist s'arere.        Justedes sunt les dous bestes:        Drechent forment halt les testes;        Des narines li fous lur salt, 936 Desque as nües qui volet halt.        Colps se dunent de lur noës,        Tels cum escuz, e des podes.        A denz mordanz se nafrerent, 940 Qui cum espiez trenchant erent.        Salt ent li sanz des aigres mors        Que funt li denz en cez granz cors;        Les plaies sunt mult parfundes, 944 Dun senglantes sunt les undes.        La bataile fud estulte:        En la mer out grant tumulte.        E puis venquit la dereine; 948 Morte rent la primereine:        A denz tant fort la detirat        Que en tres meitez le descirat.        E puis que fist la venjance. 952 Realat a sa remanance.        Ne deit hom mais desesperer,        Ainz deit sa feit plus averer        Quant veit que Deus si prestement 956 Vivere trovet e vestement,        E tanz succurs en perils forz        E estorses de tantes morz.        L'abes lur dist: 'Laisum tut el: 960 Seignur servir bien deit l'um tel.'        Cil respunent mult volunters:        'Quar bien savum qu'il nus ad chers.'        Puis al demain terre veient, 964 E ariver bien se creient.        Vunt mult tost e sailent fors        Pur reposer lur lassez cors.        Sur l'erbeie tendent lur tref, 968 E sus traient al secc lur nef.        Cum a terre ariverent,        Les tempestes aviverent;        Cunuit Brandans a l'air pluius 972 Que li tens ert mult annüus.        Li venz lur ert cuntresailiz,        E li cunreiz lur ert failiz;        Mais cil puroc ne s'esmaient, 976 Quelque peril que il traient.         L'abes lur ad tant sermunét,         E Deus par tut asez dunét,         Que ne poient puint mescreire 980 De nule rien en lur eire.         Puis aprés ço, aient a tart,         Del peisun veint la terce part;         L'unde de mer tant la serre 984 Que ariver lur fait a terre;         La turmente sus la chacet         Pur ço que a cez aise facet.         Dunc dist Brandans: 'Veiez, frere, 988 Ki enemis ainz vos ere         Or nus succurt par Deu grace:         Mangerez en grant espace.         Ne dutez rien, il nus ert past, 992 Quelque semblant qu'il nus mustrast.         Tant en pernez as voz suspeis         Que ne failet devant.iii. meis.'         Al sun cumant cil le firent: 996 A tant de tens se guarnirent.         D'eigue dulce des funtaines         Funt lur tunes tutes pleines,         E de busche se guarnirent. 1000 Puis q'unt l'uré, s'en issirent.         De miracles Deus ne cesset:         Altre peril les apresset.         Si fust primers, ne fust meindres 1004 Icist perilz, ainz fust graindres.         Mais ne crement pur le purpens         Qu'il unt de Deu, e le defens.         Uns grips flammanz de l'air descent, 1008 Pur eals prendre les ungles tent,         E flammantes ad les goës         E trenchantes fort les poës.         Bord de la nef n'i ad si fort 1012 Sul od l'ungle que ne l'en port;         Pur sul l'aïr e le sun vent         Pur poi la nef achant ne prent.         Cum les caçout eisi par mer, 1016 Vint uns draguns flammanz mult cler:         Mot les eles, tent le col,         Vers le gripun drechet sun vol.         La bataile sus est en l'air: 1020 Li fus des dous fait grant esclair;         Colps e flammes e morz e buz         Se entredunent veiant eals tuz.         Li grips est granz, draguns maigres; 1024 Cil est plus fort, cil plus aigres.         Morz est li grips, en mer chaït:         Vengét en sunt ki l'unt haït.         Vait s'en draguns, portet victorie; 1028 Cil en rendent Deu la glorie.         Vunt s'en icil d'iloec avant;         Par l'espirit Deu mult sunt savant.         Vint la feste de saint Perrunt 1032 Ki fud ocis al préd Nerunt;         Feste li funt cil e glorie         A saint Perrunt l'apostorie.         Cum l'abes fist le servise, 1036 Sicum la lei est asise,         Chantout mult halt a voiz clere.         Dunc dïent tuit li frere:         'Beal pere chers, chante plus bas, 1040 U si ço nun, murir nus fras;         Quar tant cler' est chascun' unde         U la mer est parfunde         Que nus veüm desque en terre, 1044 E de peissuns tante guerre.         Peissuns veüm granz e crüels,         Unc n'oïmes parler de tels.         Si la noise les en commout, 1048 Sachez, murir nus estout.'         L'abes surrist e les blasmat,         E pur mult fols les aësmat:         'Seignurs, de rien pur quei dutez? 1052 Voz crëances cum debutez!'         Perilz avez suffert plus granz;         Vers tuz vus fud Deus bons guaranz.         Uncore ne vus vint cist. 1056 Clamez culpe!', Brandans lur dist.         Chantat plus halt e forment cler.         Sailent bestes ruistes de mer,         Vunt costeant la nef enturn, 1060 Goïsant la feste del jurn.         Puis q'unt chantét que al jurn partint,         Chescun peissun sa veie tint.         Avant curent e veient cler 1064 En mer halte un grant piler:         De naturel fud jargunce;         D'altre mairein n'i out unce;         De jargunce fud saphire; 1068 Riches estreit ki'n fust sire.         Desqu'as nües muntout en sus,         As funs de mer descendeit jus.         Uns paveiluns enturn i tent; 1072 Des le sumét en mer descent,         De or precïus uvrét sutil:         Pur tut le munde faiz ne fust il.         Siglet Brandan icele part; 1076 Ainz que venget semblet lui tart.         Sigle levét entret en tref         Od ses munies e od sa nef.         D'esmaragde veit un alter 1080 U li pilers descent en mer;         Li sacraires fud sardoine,         Li pavemenz calcedoine;         Enz el piler fermét aveit 1084 Tref de fin or: ço susteneit;         E les lampes sunt de beril.         Cil ne crement nul peril;         Ici estunt desque ai .iii. jurn; 1088 Messes chantent tuit al lur turn.         Brandans en prent purpens en sei         Ne deit querre le Deu secrei;         Dist as muines: 'Creés mun sen: 1092 Toluns d'ici, alum nus en!'         Un chaliz mult festival         Prent l'abes tut de cristal;         Bien set de Deu ne resortet, 1096 Pur servir l'en quant le portet.         Granz curs unt fait li pelerin,         Mais uncore ne sevent fin.         E nepurtant ne s'en feignent: 1100 Mais cum plus vunt, plus se peinent,         Ne de peiner ne recrerrunt         De ci que lur desir verrunt.         Apparut lur terre truble 1104 De neir calin e de nuble:         De flaistre fum ert fumante,         De caruine plus puante;         De grant nerçun ert enclose. 1108 Cist ne rovent estre en pose,         E de mult luign unt or oït         Que la ne erent guairs goït.         Mult s'esforcent de ailurs tendre, 1112 Mais ça estout lur curs prendre         Quar li venz la les em meinet.         E li abes bien les enseignet         E dist lur: 'Bien sachez 1116 Que a enfern estes cachez.         N'oustes mester unc mais si grant         Cum or avez de Deu guarant.'         Brandans ad fait sur eals la cruz. 1120 Bien set, pres est d'enfern li puz:         Cum plus pres sunt, plus veient mal,         Plus tenebrus trovent le val.         Des parfunz vals e des fosses 1124 Lammes ardanz volent grosses.         De fous sufflanz li venz enruit;         Nuls tuneires si halt ne muit.         Estenceles od les lammes, 1128 Roches ardanz e les flammes         Par cel air tant halt volent         Le cler del jurn que lur tolent.         Cum alouent endreit un munt, 1132 Virent un féd dunt poür unt.         Forment fud granz icil malfez,         D'enfern eisit tuz eschalfez;         Un mail de fer en puin portout: 1136 A un piler asez i out.         Cum s'aparçout par sun reguard         As uilz flammanz cum fus chi art,         E veit iceals, a tart li est 1140 Que sun turment tut i ait prest.         Jetant flammes de sa gorge         A granz salz curt en sa forge.         Revint mult tost od sa lamme 1144 Tute ruge cume flamme.         Es tenailes dun la teneit         Fais a dis bofs bien i aveit.         Halcet le sus vers la nue 1148 E dreit vers eals puis la rue.         Esturbeiluns plus tost ne vait         Quant sus en l'air li venz le trait,         Ne li quarel d'arbeleste, 1152 Ne de funde la galeste:         Cum plus halcet e plus enprent,         En alant forces reprent.         Primes depart, puis amasset; 1156 Ne cheit sur eals, ainz passet.         U cheit en mer, iloec art         Cum brüere en un asart,         E mult lunc tens art la lame 1160 En la mer a grant flamme.         Li venz la nef ad cunduite,         Pur quei d'iloec pregnent fuite.         Al vent portant s'en alerent, 1164 Mais la suvent reguarderent:         L'isle virent alumee         E cuverte de fumee.         Malsfez veient millers plusurs; 1168 Criz de dampnez oënt e plurs.         Püur lur vent forment grant         Del fum chi luign par l'air s'espant.         Endurerent cum melz pourent; 1172 Eschiverent cum plus sourent.         Sainz hoem cum ad plusurs travailz         De faim, de seif, de freiz, de calz,         Ainxe, tristur e granz poürs, 1176 De tant vers Deu creist sis oürs.         Eisi est d'els puis q'unt voüd         U li dampnez sunt reçoüd :         En Deu ferment lur fiance, 1180 N'i aturnent mescreance.         Vunt s'en avant, n'i dutent rien;         Par ço sevent que espleitent bien.         Ne demurat fors al matin 1184 Virent un lu pres lur veisin:         Un munt cuvert de nublece;         Las meineit vent par destrecce.         Vindrent i tost al rivage, 1188 Mais mult ert de halt estage:         Nuls d'els trestuz choisir ne pout         La haltece que li munz out.         Vers la rive plus ne descent 1192 Que la u plus amunt s'estent.         E la terre est tute neire;         Tel nen out en tut lur eire.         Pur quel chose il ne sourent, 1196 Salt en l'uns fors; puis ne l'ourent.         Tuit unt oïd qu'il lur ad dit,         Mais sul l'abes des uilz le vit:         'Seignur, or de vus sui preiez 1200 Pur mes pechez, bien le crëez.'         E li abes le veit traire         A cent malfez chi le funt braire.         Turnent d'iloec, ailurs en vunt; 1204 Reguardent sei quar poür unt.         Del fum li munz est descuverz,         Enfern veient tut aüverz.         Enfers jetet fus e flammes, 1208 Perches ardanz e les lammes,         Peiz e sufre desque as nües,         Puis les receit, quar sunt sües.         Puis les meinet Brandans par mer, 1212 Des signacles les fait armer.         Veient en mer une boche         Si cum ço fust une roche;         E roche fut verablement, 1216 Mais nel quïent crëablement.         Dunc dist l'abes: 'Ne demurum!         Sachum que seit, si i curum.'         Vindrent ila, si truverent 1220 Iço que poi espeirerent:         Sur la roche u sunt venud         Trovent seant homme nud.         Mult ert periz e detirez, 1224 Delacherez e descirez.         D'un drap liéd sun vis aveit,         A un piler si se teneit.         Fort se teneit a la pere 1228 Que nel rusast le unde arere;         Undes de mer le ferent fort,         Pur quei n'ad fin la süe mort.         Le une le fert, pur poi ne funt; 1232 Le altre detriers jetet l'amunt.         Peril devant, peril desus,         Peril detriers, peril dejus;         Turment grant ad a destre, 1236 Ne l'ad menur a senestre.         Quant l'unde ad fait ses empeintes,         Mult lassement fait ses pleintes.         'A ! reis, Jesu, de majestét, 1240 Faldrat ma morz n'ivern ne estét?         Jesu, chi moz tut le trone,         Ja est ta mercit itant bone.         Jesu, tant es misericors; 1244 Ert nul' hure que seie fors?         Jesu, li nez de Marie,         Ne sai si jo mercit crie:         Ne puis ne n'os, quar tant forfis 1248 Que jugemenz de mei est pris.'         Quant le oit Brandans issi plaindre,         Unches dolur nen out graindre;         Levet sa main, tuz les seignet, 1252 D'apresmer la mult se peinet.         Cum apresmout, la mer ne mot,         Ne venz ne orrez ne la commot.         Dist lui Brandans: 'Di mei, dolenz, 1256 Pur quei suffres icez turmenz?         De part Jesu, qui tu crïes,         Jo te cumant quel mei dïes;         E certement me di qui es, 1260 E le forfait pur quei ci es.'         Pur le plurer Brandans ne pout         Avant parler, mais dunc se tout.         Cil lui respunt a voiz basse, 1264 Mult ert roie, forment lasse:         'Jo sui Judas qui serveie         Jesu que jo traïseie.         Jo sui qui mun seignur vendi, 1268 E pur le doul si me pendi.         Semblant d'amur fis pur baiser,         Descordai quant dui apaiser.         Jo sui qui sun aveir guardai, 1272 En larecin le debardai;         E le offrande q'um li portout,         Tut' as povres il l'enhortout,         Jo celoue en mes burses: 1276 Puroc me sunt peines surses;         E quidoue que fust celét         A lui qui fist cel estelét.         As povres Deu bien defendi; 1280 Or sunt riche, e jo mendi.         Jo sui li fels qui Deu haï,         Le simple agnel as lus trahi.         Quant vi que as mains ert Pilate, 1284 Dunc oi chere forment mate.         Quant vi as mains ert as Judus,         A ceals crüels liverez li pius,         Quant vi que as gabs l'aürouent, 1288 E d'espines coronouent,         Quant vi vilement que fud traitez,         Sachez que fui mult dehaitez.         Puis vi que fud menez tüer; 1292 Le dulz costéd vi sanc süer.         Quant vi qu'en cruz esteit penduz,         E fud a mort de mei venduz,         Les deners tost offri trente; 1296 Cil ne voldrent cuilir rente.         Repentance n'en oi sage,         Ainz me tuai par ma rage.         E quant confés ne me rendi, 1300 Dampnez sui de di en di.         Tu ne veiz rien de ma peine         Que enz enfern jo demeine;         Cist est repos de mun peril, 1304 Que al samadi prenc al seril.         Diemaine trestut le jurn         Desque al vespere ai tel sujurn,         E del Noël la quinzeine 1308 Ici deport ma grant peine;         E as festes la Marie         Mes granz peines n'i ai dunc mie;         Pasches e a Pentecoste 1312 Fors tant cum veiz n'i ai plus custe;         A feste altre en trestut l'an         N'ai entrebat de mun ahan,         Diemaine al serir 1316 D'ici m'en voi pur asperir.'         Dunc dist Brandans: 'Or me di,         Itel repos quant as ici,         En quel endreit te demeines 1320 En turmentes e es peines?         E en espeines quel liu as tu?         D'ici quant moz, u en vas tu?'         Respunt Judas: 'Pres est li lius 1324 As dïables u est li fius.         N'i ad guairs fors sul un poi;         Tant en sui luign que ci nes oi.         Dous enfers ad ci dejuste; 1328 De suffrir les est grant custe.         Mult pres d'ici sunt dui enfern         Que ne cessent estét ne ivern.         Li plus legiers est horribles, 1332 A ceals qu'i sunt mult penibles.         Ço quident cil qui la peinent         Que altre mal vers eals ne meinent.         Fors mei ne set uns suls de nus 1336 Quels des dous seit plus penus;         N'est nuls plus ait que l'un des dous,         Mais jo chaitis ai amedous.         L'uns est en munt e l'altre en val, 1340 E sis depart la mer de sal:         Les dous enfers mer les depart,         Mais merveille est que tut ne art.         Cil del munt est plus penibles, 1344 E cil del val plus horribles:         Cil pres de l'air calz e sullenz,         Cil pres de mer freiz e pullenz.         Ovoec la nuit un jurn sui sus, 1348 Puis altretant demoir en jus.         A l'un jurn munte, l'altre descent;         N'est altre fin de mun turment.         Ne change enfern pur aleger 1352 Mes pur les mals plus agreger.         Par lundi e nuit e jurn         En la roe sui en tresturn,         Et jo chaitis, encröez enz, 1356 Turni tant tost cum fait li venz.         Venz la cunduit par tut cel air :         Tot dis m'en voi, tot di repair.         Puis el demain en sui galiz 1360 Cum cil qui est tot acaliz;         Ultre la mer vol en le val         A l'altre enfern u tant ad mal.         Iloces sui tost ferlïez, 1364 De dïables mult escrïez;         El lit sui mis sur les brothes;         Sur mei mettent plums e roches;         Iloces sui si espëez 1368 Que mun cors tant percét vëez.         Al mecredi sus sui rüez         U li perilz m'i est müez:         Pose del jurn buil en la peiz 1372 U sui si teinz cum ore veiz;         Puis sui ostét e mis al rost,         Entre dous fus liéd al post.         Li post de fer fichét i est; 1376 Se pur mei nun, pur el n'i est.         Tant est ruges cume si dis anz         En fus goüst as fols sufflanz.         E pur la peiz li fus s'i prent 1380 Pur enforcer le men turment;         E dunc resui en peiz rüez,         Pur plus ardeir sui enlüez.         Ne n'est marbres nuls itant durs 1384 Ne fust remis se fust mis surs,         Mais jo sui fait a icest' ire         Que mis cors ne poit defire.         ltel peine, que que m'anuit, 1388 Ai tut un jurn e une nuit.         Puis al jusdi sui mis en val,         E pur suffrir contrarie mal         Dunc sui mis en un freid leu 1392 Mult tenebrus e forment ceu.         Tant i ai freid que mei est tart         Qu'el fu seie qui tant fort art;         E dunc m'est vis n'est turmente 1396 Que del freid que plus me sente;         E de chescun si m'est vis         Ne seit si fort quant enz sui mis.         Al vendresdi revenc amunt 1400 U tantes morz cuntre mei sunt.         Dunc m'escorcent trestut le cors         Que de la pel n'at puint defors.         En la suie ovoec le sel 1404 Puis me fulent od l'ardant pel;         Puis revent hastivement         Tuz nuvels quirs a cel turment.         Dis feiz le jurn bien m'escorcent, 1408 El sel entrer puis me forcent;         E puis me funt tut cald beivre         Le plum remis od le quivre.         Al samedi jus me rüent 1412 U li altre mals me müent,         E puis sui mis en gaiole;         En tut enfern n'at si fole,         En tut enfern n'at si orde; 1416 En li descen e sanz corde.         Iloeces gis, n'i ai lüur,         En tenebres e en püur.         Püurs i vent itant grande 1420 Ne guart quant mes quers espande.         Ne puis vomir pur le quivre         Que cil la me firent beivre;         Puis enfle fort, e li quirs tent; 1424 Anguisus sui ; pur poi ne fent.         Tels calz, tels freiz e tels ulurs         Suffret Judas e tels dolurs.         Si cum fud er al samedi, 1428 Vinc ci entre nune e midi;         Hui mei repos a cest sedeir.         Eneveies avrai mal seir:         Mil deiables senés vendrunt; 1432 Ne avrai repos quant mei tendrunt.         Mais si tu es de tel saveir,         Anuit me fai repos aveir!         Si tu es de tel merite, 1436 Anuit me fai estre quite!         Bien sai que tu sainz es e pius,         Quant sanz reguarz vens a tels lius.'         Plurout Brandans a larges plurs 1440 D'iço que cist ad tanz dolurs;         Comandet lui qui lui dïet         Que li dras deit dum se lïet,         E la pere u il se tint, 1444 Demandet dunt e de qui vint.         Cil lui respunt: 'En ma vie         Fis poi bien e mult folie.         Li biens e mals or me perent 1448 Quel enz el quer plus chier m'erent.         De l'almoine que jo guardai         A un nud féd drap acatai;         Pur cel ai cest dun me lie 1452 Par la buche, que ne nie.         Quant l'unde vent en le vis devant,         Alques par cest ai de guarant,         Mais en enfern ne me valt rien, 1456 Quant de propre ne fud mun bien.         A un' aigue fis un muncel         E puis desus un fort puncel,         U mult home periseient, 1460 Mais puis bien i guariseient:         Puroec ai ci refrigerie         De si grande ma miserie.'         Cum apresmout vers le premseir, 1464 Dunc vit Brandans que cil dist veir:         Vit venir deiables mil         Od turmentes e grant peril;         E venent dreit a ce dolent; 1468 Salt l'uns avant, al croc le prent.         Brandans lur dist: 'Laisez l'ici         Desque al matin que seit lunsdi.'         Cil li dïent e calengent 1472 Ne lairunt pas que nel prengent.         Dunc dist Brandans: 'Jo vus comant,         E de Jesu faz mur guarant.'         Cil le laisent, e a force; 1476 N'i unt nïent a l'estorce.         Brandans estait iloec la nuit;         N'i ad malfez qui mult n'annuit.         Deiables sunt de l'altre part; 1480 Ainz que seit jurz mult lur est tart;         A grant greine, a voiz truble         Dïent que avrat peine duble.         Respunt l'abes: 'Ne avrat turment 1484 Plus que ad oüd par jugement.'         E puis qu'il fud cler ajurnét,         Od tut Judas s'en sunt turnét.         Brandans s'en vait d'iloec avant. 1488 Bien set de Deu ad bon guarant;         E li muine bien sevent tuit         Que segur surit al Deu cunduit;         Mercïent Deu de lur veies 1492 E de tutes lur agreies.         Cum se numbrent li cumpaignun,         En lur cunte failent a l'un,         E ne sevent qu'est devenuz 1496 Ne en quel leu est detenuz.         Des dous sevent cum unt errét,         Mais de cest terz sunt enserrét.         L'abes lur dist, qui tut le sout: 1500 'Deus en ad fait ço que li plout.         D'iço n'aiez nule dute,         Ainz tenez bien vostre rute.         Sachez qu'il ad sun jugement 1504 U de repos u de turment ?         Si cum il vunt, veient ester         Un munt mult halt tut sul en mer,         Tost i venent, mais la rive 1508 Roiste lur ert e escive.         L'abes ur dist: 'lstrai m'en fors.         Ne movet uns fors sul mun cors !'         Puiet le munt e lunges vait 1512 Ainz que trovét nule rien ait.         Par un rochét sa veie tint,         Une bodme puis li survint.         Eisit uns hom tost de cel liu, 1516 Religïus semblout e piu.         Cil apelet Brandan avant,         Quar par Deu fud sun nun savant,         Puis le baiset, ses cumpaignuns 1520 Dist qu'amenget: ne failet uns.         Vait i Brandans, fait les venir,         Funt al rochét le nef tenir.         Cil ad tuz numez par sei: 1524 'Venez avant e baisez mei!'         Cil li firent. Puis les menet         A sun estre, lur enseignet.         Cil reposent cum lur ad dit. 1528 Merveillent lui e sun habit:         N'ad vestement fors de sun peil         Dum est cuvert si cum de veil;         Reguard aveit angelïel 1532 E tut le cors celestïel;         N'est si blance neifs ne clere         Cumme li peilz d'icest frere.         Dist lui Brandans: 'Beal pere chers, 1536 Di mei qui es.' Cil: 'Volunters!'         Jo ai nun Pols li hermites.         De tuz dolurs sui ci quites.         Ci ai estét grant e lunc tens, 1540 E ça m'en vinc par Deu asens.         El secle fui hermite en bois:         Cele vie pris en mun cois;         Secund le sens que aveie poi, 1544 Deu serveie si cume soi.         Il le cuilit par sa buntét,         Qu'a plus que n'est le m'at cuntét.         La me mandat que ci venisse 1548 U ma glorie attendisse.         Cument i vinc? En nef entrai         Tute preste cum la truvai;         Deus me cunduist tost e süef; 1552 Quant arivai, ralat la nef.         Nunante anz ad qu'ai ci estét.         Beal tens i ad, tuz dis estét.         Ici atent le juïse; 1556 De Deu en ai cumandise:         Trestut i sui en carn e en os         Sanz mal que ai sui en repos;         Dunc a primes al jugement 1560 L'espirit del cors frat seivrement;         Od les justes resuscitrai         Pur la vie que segut ai.         Un sergant oi trent' anz pleiners, 1564 De mei servir suveners:         Uns lutres fud qui m'aportout         Suvent peisun dun il me pout         Tuz dis tres jurs en la semaine; 1568 Unckes nule ne fud vaine         Que treis peisuns ne me portast         Dun aveie pleiner past.         Al col pendud marin werec 1572 Plein un sacel portout tut sec         Dun mes peisuns pouse quire.         Par qui ço fud, bien ert sire!         Es primers anz que vinc ici 1576 Tuz les trent' anz fui poüd si.         Des peisuns fui poüd si bien         N'oi mester de beivre rien.         N'ennuiout puint nostre Seignur 1580 De tel cunreid ne de greignur :         Puis les trent' anz ne revint cil.         Nel fist sur peis ne ne m'out vil,         Mais Deus ne volt que plus de fors 1584 Venist cunreid pur sul mun cors.         Ici me fist la funtaine         De tuz cunreiz qui est pleine:         Ço li est vis qui rien en beit 1588 De tuz cunreiz que saüls seit.         De aigue ai vescut anz seisante,         Trent' a peisun: sunt nonante.         En le mund fui anz cinquante: 1592 Mis ethez est cent e quarante.         Frere Brandan, or te ai dit         Cument ici ai mun delit.         Mais tu iras en paraïs; 1596 Pres ad set anz que tu l'as quis.         Arere fras anceis return         Al bon hoste u ous sujurn:         Il te menrat e tu le siu 1600 En paraïs u sunt li piu.         D'icest' aigue porte en od tei,         Dum guarisses de faim e sei.         Entre en ta nef; ne demurer ! 1604 Ne deit sun vent hom sururer.'         Dunet cungét e cil le prent;         De ses bienfaiz graces l'en rent.         Or turnent vers lur hoste, 1608 Si unt niule mult enposte.         Siglent lunges ainz que veingent,         Ja seit ço que dreit curs teingent,         E al jusdi de la ceine 1612 La i venent a grant peine.         Iloec estunt, cum soleient,         Desque la que muveir deient.         Le samadi al peisun vunt: 1616 Cum altres anz la feste i funt,         E bien sevent qu'or ad set anz         Que li peisuns est lur servanz.         Deu en loient: n'i unt perte 1620 Pur la vertud de Deu certe.         E l'endemain d'iloec movent         A itel vent cum il trovent.         Vers les oiseals tut dreit en vunt 1624 La u dous meis sujurnerunt.         Iloec estunt a grant deduit,         E atendent le bon cunduit         Del bon hoste qui frat od eals 1628 L'eire qui est tant bons e beals.         Cil aprestet tuz lur busuinz         Quar bien saveit que l'eire est luinz;         E bien set tut que lur estot, 1632 Pur ço guarnist de quanque poet.         Entrent en mer, l'ostes ovoec;         Ne revendrunt jamais iloec.         Tendent lur curs vers orïent. 1636 De l'esguarer n'i funt nïent:         Tel i at enz en qui cunduit         Vunt a goie e a deduit.         A curs entrin sanz defalte 1640 Quarante dis en mer halte         Eisi curent que ne lur pert         Fors mer e cel qui sur eals ert.         E par l'otreid del rei divin 1644 Or aprisment vers le calin         Qui tut aclot le paraïs         Dunt Adam fud poëstis.         Nües grandes tenerge funt, 1648 Que li sun eir return n'i unt:         Li granz calins tant aorbet,         Qui i entret, tuz asorbet,         Si de Deu n'at la veüe 1652 Qui poust passer cele nue.         Dunc dist l'ostes: 'Ne i targez,         Mais la sigle de vent chargez !'         Cum aprisment, part la nue 1656 A l'espace d'une rue.         Cil se metent enz el calin         E parmi unt grant chemin.         Mult se fïent en lur hoste 1660 Pur la nue q'unt en coste:         Grant est forment e serree,         De ambes parz est amassee.         Treis jurz curent tut a dreit curs 1664 Par le chemin que lur est surs.         El quart issent de cel calin;         Forment sunt léd li pelerin.         De la nue eisut s'en sunt 1668 E paraïs bien choisit unt.         Tut en primers uns murs lur pert         Desque as nües qui halcez ert:         N'i out chernel ne aleür 1672 Ne bretache ne nule tur.         Nuls d'els ne set en feid veire         Quel il seit faiz de materie,         Mais blancs esteit sur tutes neifs: 1676 Faitres fud li suverains reis.         Tuz ert entrins, sanz antaile,         Unc al faire n'out travaile,         Mais les gemmes funt granz lüurs 1680 Dum purplantez esteit li murs.         As gutes d'or grisolites         Mult i aveit d'isselites;         Li murs flammet, tut abrase, 1684 De topaze, grisopase,         De jargunce, calcedoine,         D'esmaragde e sardoine;         Jaspes od les amestistes 1688 Forment luisent par les listes;         Li jacinctes clers i est il         Od le cristal e od le beril;         L'un a l'altre dunet clartét: 1692 Chis asist fud mult enartét.         Lüur grande s'entreportent         Des colurs chi si resortent.         Li munt sunt halt, de marbre dur, 1696 U la mer bat mult luign del mur;         E desur le munt marbrin         La muntaine est tute d'or fin;         E puis desus esteit li murs 1700 De paraïs qui clot les flurs.         Tels est li murs, si surplantez,         Qui doust estre de nus hantez.         Tendent tut dreit vers la porte, 1704 Mais l'entree mult ert forte:         Draguns i at qui la guardent;         Si cume fus trestut ardent.         Dreit a l'entrer pent uns glavies, 1708 Qui cel ne creint nen est savies,         La mure aval, le helte amunt;         Ne me merveille si poür unt.         En aines pent, e turnïet; 1712 Sul del vedeir esturdïet.         Fer ne roche ne adamant         Ne pot guarir a sun trenchant.         Puis unt veüd un juvencel 1716 Qui veint cuntre eals, forment bel;         E cil se fait Deu message,         Dist que vengent a rivage.         Il arivent; cil les receit, 1720 Tuz les numet par lur nun dreit;         Puis dulcement les ad baisez,         E les draguns tuz apaisez:         Fait les gesir cuntre terre 1724 Mult humlement e sanz guerre;         Et le glaive fait retenir         A un angele qu'il fait venir;         E l'entree est uverte: 1728 Tuit entrent en glorie certe.         Avant en vait cil juvenceals,         Par paraïs vait ovoec eals.         De beals bois e de rivere 1732 Veient terre mult plenere.         Gardins est la praierie         Qui tuz dis est beal flurie.         Li flur süef mult i flairent, 1736 Cum la u li piu repairent,         D'arbres, de flurs delicïus,         De fruit, d'udurs mult precïus;         De runceie ne de cardunt 1740 Ne de orthie n'i ad fusun;         D'arbre n'erbe n'i ad mie         Ki süaté ne rechrie.         Flurs e arbres tuz dis chargent, 1744 Ne pur saisun unc ne targent;         Estét süef tuz dis i est,         Li fruiz de arbres e de flurs prest,         Bois repleniz de veneisun, 1748 E tut li flum de bon peisun.         Li flum i sunt qui curent lait.         Cele plentét par tut en vait:         La ruseie süet le mel 1752 Par le ruseit qui vient del cel.         Si munt i at, cil est de or,         Si grande pere, i a tensor.         Sanz fin i luist li clers soleil, 1756 Ne venz n'orez n'i mot un peil,         N'i vient nule nue de l'air         Qui del soleil tolget le clair.         Chi ci estrat, mal n'i avrat, 1760 Ne de mals venz ja ne savrat,         Ne chalz ne freiz ne dehaite         Ne faim ne seit ne suffraite.         De tuz ses bons avrat plentét. 1764 Ço que plus est sa voluntét,         Cel ne perdrat, süurs en est;         Tuz dis l'avrat e truvrat prest.         Bien veit Brandans cele goie. 1768 L'ure li semblet forment poie         Qu'il i estait a ço vedeir;         Lunges voldrat iloec sedeir.         Mult bien avant l'ad cil menét, 1772 De multes riens l'ad asenét:         Bien diviset e si li dit         De quel avrat chascuns delit.         Vait cil avant e cist aprés 1776 Sur un halt munt cume ciprés;         D'ici veient avisïuns         Dum ne sevent divisïuns.         Angeles veient e sis oient 1780 Pur lur venir cum s'esgoient.         Oient lur grant melodie,         Mais nel poient suffrir mie:         Lur nature ne poet prendre 1784 Si grant glorie, ne entendre.         Cil lur ad dist: 'Return nus!         Avant d'ici ne menrai vus;         Ne vus leist pas aler avant, 1788 Quar poi estes a ço savant.         Brandans, tu veis cest paraïs         Que tu a Deu mult requeïs.         De la glorie cent mil tant 1792 Que n'as veüd, ad ça avant.         A ore plus n'i aprendras,         Devant iço que revendras.         O or venis ci carnalment 1796 Tost revendras spiritalment.         Or t'en reva; ci revendras,         Le juïse ci atendras.         De cez peres en fai porter 1800 A enseignes de conforter.'         Puis que out ço dist, il en alat,         Enseignes de paraïs portat.         Brandans de Deu cungét ad pris 1804 E as chers sainz de paraïs.         Li juvenceals les en cunduit:         Desqu'en la nef sunt entrét tuit,         Puis ad sur eals seignacle fait. 1808 Mult tost unt sus lur sigle trait.         lloec remist lur hostes pius,         Quar paraïs fud sis dreiz fius.         E cil s'en vunt haitément; 1812 Nen unt d'orez retenement:         En treis meis sunt en Irlande         Par la vertud de Deu grande.         La nuvele vait par païs 1816 Que venuz est de paraïs.         Ne sunt haitét sul li parent,         Ainz sunt trestuz comunement.         Sur tuz sunt liéd li cher frere 1820 De ço qu'or unt lur dulz pere.         Suvent lur dist cum unt errét,         U furent bien u enserrét;         E si lur dist cum prest truvat 1824 Quanqu'al busuign a Deu ruvat,         E l'un e l'el trestut lur dist,         Cum il truvat ço que il quist.         Li plusurs d'els ensaintirent 1828 Par la vertud qu'en lui virent.         Tant cum Brandans el secle fud,         A mulz valut par Deu vertud.         Quant vint al tens que il finat, 1832 Ralat u Deus lui destinat.         El regne Deu, u alat il,         Par lui en vunt plusur que mil.

  • ↑ Ian Short et Brian Merrilees, éd. — Benedeit : The Anglo-Norman Voyage of Saint Brendan, 1979, Manchester University Press. Seule la transcription du manuscrit de la British Library est publiée ici. Texte en ligne

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Les fonctions des quatre éléments dans le Voyage de saint Brendan par Benedeit

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Burgess Glyn S. Les fonctions des quatre éléments dans le Voyage de saint Brendan par Benedeit. In: Cahiers de civilisation médiévale , 38e année (n°149), Janvier-mars 1995. pp. 3-22.

DOI : https://doi.org/10.3406/ccmed.1995.2602

www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1995_num_38_149_2602

  • RIS (ProCite, Endnote, ...)

Résumé (eng)

In Benedict's Voyage of St Brendan the four éléments contribute on a virtually equal footing to the structure and meaning of the text. Moreover, the voyage described can be considered both as a nautical adventure and a journey through life. The four éléments are linked by the auth/>r to both levels of interprétation. Water enables the travellers to move from one island to another. The isîands visited are part of the learning process which takes them finally to paradise, also envisaged by the author as an island. They travel most success- fully when the air in the form of wind propels their boat along. The victory achieved by the monks over fire, whether emanating from hell or from the fîre-breathing animais, is also of fundamental importance. Parti- cularly worthy of note is the way in which the author exploits the ambivalence of the four éléments. The positive and négative side of each élément is represented in the text.

Résumé (fre)

Dans le Voyage de saint Brendan par Benedeit les quatre éléments contribuent, presque sur un pied d'égalité, à la structure et au sens du texte. D'ailleurs, on peut envisager le voyage comme une aventure nautique et comme le voyage de l'homme à travers la vie. Les quatre éléments sont associés par l'auteur aux deux niveaux d'interprétation. L'eau permet aux voyageurs de se déplacer d'île en île et chaque visite contribue aux connaissances acquises par les voyageurs qui finissent par rendre visite au paradis lui-même, considéré aussi comme une île. Lorsque l'air, en forme de vent, fait avancer leur bateau, les moines font d'excellents progrès. La victoire qu'ils remportent sur le feu, qu'il soit celui qui émane des monstres ou celui qui s'associe à l'enfer, est d'une importance capitale. Ce qui est particulièrement frappant, c'est la façon dont l'auteur exploite l'ambivalence des quatre éléments. Chaque élément a son côté positif et son côté négatif et chaque possibilité est représentée dans le texte.

  • La terre [link]
  • I. La mer [link]
  • II. L'eau potable [link]
  • L'air [link]
  • Le feu [link]

Texte intégral

Glyn S. BURGESS

Terre, air, feu, eau : nous sommes tous conscients de la présence de ces quatre éléments dans le monde où nous vivons. Pour nous ces éléments jouent dans notre vie un rôle important sans nous forcer pour autant à leur attribuer une influence primordiale. Mais pour les hommes du moyen âge il en était tout autrement. La terre occupait dans le système féodal une place prépondérante. Posséder de la terre était la préoccupation fondamentale de la plupart des hommes, car la terre permettait d'assigner à chaque homme sa place dans la hiérarchie sociale. La terre était, pour ainsi dire, un médiateur entre l'homme et ses semblables. Mais cette civilisation de la terre était en même temps une civilisation de l'air. Car les préoccupations spirituelles du monde médiéval faisaient de l'air un médiateur entre la terre et le ciel, entre les hommes et Dieu. Le vent était le souffle de Dieu, un instrument de la puissance divine. Étroitement lié à l'air, le feu descendait du ciel sous forme de chaleur et de lumière ; la pluie, source de fécondité et de régénérescence, utilisait l'air comme espace intermédiaire1. En abordant l'analyse d'un texte littéraire quelconque, nous constatons vite que chacun des quatre éléments, qui sont exploités par les auteurs

4 CCM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

du moyen âge, possède sa propre fonction et son vocabulaire spécifique. Mais nous remarquons aussi qu'il existe un lien étroit entre les quatre éléments qui peuvent se combiner entre eux pour donner au texte son sens particulier. Dans bien des cas, d'ailleurs, les quatre éléments, qui prêtent facilement à des interprétations symboliques, servent à accorder aux actions centrales du texte une dimension spirituelle. En outre, chaque élément tend à faire preuve d'une certaine ambivalence, ce qui ajoute à la complexité de l'interprétation, car chaque élément est capable d'apporter à l'individu ou au groupe le bonheur ou le danger, la tranquillité ou la mort. Dans les pages suivantes je me propose d'examiner les rôles que jouent les quatre éléments dans un texte spécifique, le Voyage de saint Brendan par le religieux Benedeit, un des premiers textes poétiques du xne s. et de provenance anglo-normande. L'intérêt de ce texte réside dans le fait que les quatre éléments contribuent, presque sur une pied d'égalité, à la structure et au sens du récit.

Dans le Voyage la terre prend la forme d'une série d'îles situées, pour la plupart, à une grande distance l'une de l'autre. La seule référence géographique ponctuelle est celle de l'Irlande (v. 1813), la terre natale de saint Brendan (« De naisance fud des Ireis», v. 20) 2. L'abbé Brendan et ses moines quittent l'Irlande au vers 209 pour la regagner tout à la fin du texte, au vers 1813. Le lieu précis de leur départ est un petit port situé près d'un rocher, qui a reçu, selon Benedeit, un nom qui persiste encore aujourd'hui et dont la fonction est de célébrer ce départ légendaire : le Sait Brendan :

Vint al roceit que li vilain

Or apelent le Sait Brendan.

Icil s'estent durement luin

Sur l'occean si cume un gruign.

Et suz le gruign aveit un port

Par unt la mer receit un gort,

Mais petiz ert e mult estreits. (v. 163-69)

De nos jours ce lieu s'identifie à la Dingle Peninsula sur la côte ouest de l'Irlande3. Le lieu précis du retour n'est pas spécifié : «En treis meis sunt en Irlande» (v. 1813). Du point de vue structural le voyage de Brendan lui-même occupe 1604 sur les 1834 vers du récit, soit plus de 87 % du total. Il s'avère donc clairement qu'il s'agit bien dans ce texte du voyage, et non pas de la vie, de saint Brendan.

Une fois que l'abbé Brendan et les moines ont obtenu de Dieu la permission de partir à la recherche du paradis, leur vie consiste en un mouvement plus ou moins ininterrompu. Au cours de leur voyage, qui dure, paraît-il, sept ans, l'équipage rend visite à neuf îles différentes : l'île au palais inhabité, l'île aux brebis, l'île aux oiseaux, l'île de saint Ailbe, l'île où ils mangent la «terce part» du «pessuns de mer», l'île de l'eau soporative, l'île volcanique, l'île de saint Paul l'Hermite,

LES QUATRE ÉLÉMENTS DANS LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN

et enfin l'île du paradis. À cette liste on peut ajouter un certain nombre d'étapes qui ne constituent pas des îles proprement dites et qu'on pourrait qualifier de «fausses îles» : le «pessuns de mer» (v. 471), le «grant piler» (v. 1064) et enfin le rocher infernal où souffre Judas et où seul l'abbé Brendan débarque. Il y a, en plus, deux îles volcaniques dont la première (v. 1103-72) paraît si effrayante que les moines font tout leur possible pour s'enfuir (« Mult s'esforcent de ailurs tendre», v. 1111). Ce n'est que grâce au vent qu'ils parviennent à se tirer des griffes de ses habitants diaboliques («Li venz la nef a cunduite, / Pur quei d'iloec pregnent fuite», v. 1161-62). Quant à la deuxième île volcanique, les moines en gagnent le rivage («Vindrent i tost al rivage», v. 1187), mais c'est uniquement le deuxième des trois moines intrus et retardataires qui débarque ici («Sait en l'uns fors; puis ne l'ourent», v. 1196). Quatre visites se font sept fois, semble-t-il (l'île aux brebis, le «pessuns de mer», l'île aux oiseaux et l'île de saint Ailbe), et neuf visites, y compris celles aux deux îles volcaniques, ne se font qu'une fois. Cette diversité permet à l'auteur de varier la façon dont il narre l'approche aux îles, la durée des séjours et les activités des moines et de leurs hôtes au cours des visites. Quinze visites sont décrites avec une certaine ampleur, tandis que les autres sont mentionnées brièvement ou rendues implicites par la référence à la nature cyclique du voyage 4.

Du point de vue linguistique, on note que l'auteur emploie à plusieurs reprises le terme isle :

A cel isle que tu veis la,

Entre en ta nef, Brandan, e va. (v. 423-24)

L'isle virent alumine

E ouverte de fumé. (v. 1165-66)

Le terme pais paraît aussi dans le sens de «terre» :

Uit meis enters estreit bais

Ainz que puisset entrer pais. (v. 615-16)

Mais c'est le terme terre qui se rencontre avec la plus grande fréquence, à commencer par l'expression terre veient, qui réapparaît sept fois (v. 247, 381, 481, 625, 794, 963, 1723)5. L'auteur décrit l'approche à l'île en cause qui peut se révéler soit facile soit pénible à accomplir. Voici la première description :

Terre veient grande e halte. Li venz lur vient sanz défaite : Qui de nager erent penét Sanz tuz travalz la sunt menét. Mais n'i truvent nul'entrethe U lur nef fust eschipede, Quer de rocheiz ert aclose U nul d'eals entrer n'ose. Hait sunt li pui en l'air tendant, E sur la mer en lui pendant. Des creos desuz la mer resort, Par qui péril i at mult fort. Amunt aval port i quistrent, E al querre très jurs mistrent. Un port truvent, la se sunt mis,

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Qui fud trenchéd al liois bis,

Mais n'i unt leu fors de une nef;

Ci fud faitiz en le rocheit bief.

Ferment la nef, eisent s'en tuit. (v. 247-65)

La deuxième arrivée s'accomplit bien plus facilement :

Terre veient a lur espeir,

Cum de plus luin lur pout pareir.

Drechent lur nef icele part,

E n'i at nul de nager se tart.

Lascent cordes, metent veil jus;

Ariverent e sailent sus. (v. 381-86)

Les facteurs soulignés par le poète ont une réalité concrète et psychologique à la fois : le désir de la part des moines d'accoster et de quitter leur bateau (v. 265, 386, 967-68), les efforts qu'ils font pour nager «ramer» (v. 216, 235, 249, 384), la nécessité de trouver une entrée (v. 251, 254, 630, 797) et un port (v. 259, 261, 632), la p ésence ou l'absence du vent (v. 248, 437), l'existence de rochers dangereux (v. 253, 633), les activités de navigation (v. 265, 383-85, 637, 967-68), etc. L'auteur attire souvent l'attention sur le temps nécessaire, une fois que la terre est en vue, pour y ariver (ce verbe s'emploie dans ce texte dans son sens propre «gagner la rive», v. 386, 483, 854). La première fois, il faut trois jours (v. 260), mais pour gagner l'île d'Ailbe il ne faut pas moins de deux mois :

Puis quatre meis veient terre,

Mais fort lur est a cunquerre.

E nepurtant a la parfîn

Al siste meis virent la fin. (v. 625-28)

Lorsque les moines la voient, de la perspective de leur bateau, la terre semble souvent montagneuse (les adjectifs sont grant et hait) :

Terre veient grande e halte. (v. 247)

Hait sunt li pui en l'air tendant. (v. 255)

Veient terre alte e clere. (v. 481)

Quar li rocheit e H munz grant

A la terre lur sunt devant. (v. 633-34)

Si cum il vunt, veient ester

Un munt mult hait tut sul en mer. (v. 1505-06)

Les îles peuvent être clairement visibles («Veient terre alte e clere», v. 481) ou difficiles à voir à cause des nuages ou de la fumée qui les recouvrent :

Apparut lur terre truble

De neir câlin e de nuble. (v. 1103-04)

Ne demurat fors al matin

Virent un lu près lur veisin :

Un munt ouvert de nublece. (v. 1183-85)

Or aprisment vers le câlin

Qui tut aclot le parais. (v. 1644-45)

Remarquons que le motif de la brume sert à lier l'approche de l'enfer (v. 1103-04, 1183-85) à l'approche du paradis (v. 1644-45).

Du point de vue du réalisme, il n'est nullement surprenant que les îles découvertes par les moines, situées à l'ouest ou au nord du pays d'Irlande, sont souvent montagneuses et couvertes de brume.

II est hautement probable que l'île des brebis et l'île des oiseaux font partie du groupe des îles Féroé. Écoutons un géographe qui parle des Féroé : «An approach by sea shows them stark and mountainous, while a closer view reveals precipitous cliffs6.» En ce qui concerne le climat des Féroé, G. F. West écrit : «Overcast skies are the rule, even more in summer than in winter, and there is a great deal of mist7.» Peut-on identifier la première île, celle du palais inhabité? Selon certains spécialistes nous avons affaire à l'île écossaise de Saint-Kilda aux Hébrides. Cette île, maintenant à peu près inhabitée, possède des falaises escarpées et un petit port qui correspond à celui que les moines finissent par trouver après trois jours de circumnavigation8. Une des deux îles volcaniques, qui sont assimilées à l'enfer, est selon toute probabilité l'Islande. Le volcan, qui correspond au type strombolien, est probablement celui de Hekla9. Il se peut que l'autre île soit l'île de Jan Mayen. Mais il s'agit plus vraisemblablement d'une île volcanique qui aurait paru par suite d'une explosion volcanique et qui de nos jours n'existe plus 10. Mais les éléments réalistes de ce texte s'associent constamment à des éléments purement imaginaires ainsi qu'à des éléments de portée symbolique évidente. Du point de vue de la narration, la présence d'un certain nombre d'îles permet à l'auteur de varier les expériences subies par les moines. Le mouvement d'île en île joue un rôle important en ce qui concerne la direction du récit. Comme l'explique Jill Tattersall, ce procédé de mouvement constant «has ail the éléments necessary for a good adventure-story n ». Mais ce voyage entrepris par les moines n'est pas simplement un voyage d'un endroit à un autre, car les îles individuelles revêtent une fonction bien au-delà de la narration pure. «Each island, ajoute Tattersall, présents a particular péril, marvel or trial ; a moral point is made or hinted at; and the travellers move on» (p. 3). Autrement dit, les îles sont autant d'étapes sur la route spirituelle des moines. Les diverses arrivées, qu'elles soient faciles ou difficiles, représentent la diversité de l'expérience humaine. Ces expériences permettent aux moines de se munir du savoir qu'il leur faut pour être admis au paradis.

Sur le plan des préoccupations matérielles, certaines visites offrent aux moines de la nourriture, de l'eau, de la sécurité et du repos : l'île au palais inhabité, l'île aux brebis, l'île aux oiseaux, l'île de la «terce part», les îles de saint Ailbe et de saint Paul. Lorsqu'ils quittent ces îles, les moines emportent de l'eau et des comestibles (v. 357-68, 399, 434, 603-04, 858, 997-98, 1601-02). Bref, de telles îles constituent une source de cunrei et de viande :

Cil aportent asez cunrei,

E n'en prestrent a nul desrei. (v. 301-02)

Volt Deus qu'a vus cunrei ousum. (v. 764)

Ço fud sueurs de viande

E de beivre plentét grande. (v. 289-90)

E il lur ad list : « De viande

Jo vus truverai plentét grande.». (v. 583-84) 12

Dans une perspective symbolique il paraît légitime de dire que la terre, dans ce monde apparemment dépourvu de femmes, joue un rôle féminin. «La terre symbolise la fonction maternelle :

8 CCM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

Tellus Mater. Elle donne et reprend la vie... assimilée à la mère, la terre est un symbole de fécondité et de régénération13.» Il n'est pas difficile de voir, d'ailleurs, que les îles, dotées de la capacité dite féminine de réconforter et de fortifier, contribuent aux progrès spirituels des moines. En quittant ces îles, les moines emportent avec eux non seulement leur cunrei, mais une quantité d'espoir et un sens de renouvellement de leur vie constamment menacée. Le motif de la répétition et du mouvement cyclique qui se manifeste dans les sept visites rendues à quatre îles sert à renforcer la notion de progression et à stimuler la foi et l'optimisme des moines.

Nous avons parlé plus haut du concept de l'ambivalence, qui peut s'opérer au niveau de la fonction narrative ainsi qu'au niveau symbolique. Or, il est évident que certaines visites présentent un aspect presque entièrement positif : l'île aux oiseaux, l'île aux brebis, les îles de saint Ailbe et de saint Paul, l'île de la «terce part», le «grant piler». D'autres sont, au contraire, éminemment hostiles et redoutables (les îles volcaniques, le rocher de Judas). D'autres encore manifestent une certaine ambiguïté. L'île mouvante, constituée par la baleine, commence par effrayer les moines, mais elle change de caractère et devient par la suite une île hospitalière qui va jusqu'à conserver leur chaudron oublié (v. 835-36). L'île au palais inhabité, qui s'associe de par la perte d'un moine retardataire à la deuxième île volcanique et au rocher de Judas, leur déplaît (desplout, v. 277) précisément parce que «en la citét hume n'i out» (v. 278). L'île à l'eau enivrante commence par leur fournir des poissons et des herbes, dont ils ont grand besoin (v. 799-802). Mais, sombrant dans la folie du moment («Pur quei furent fol apelét», v. 808), les moines, après avoir étanché leur soif, s'endorment d'un profond sommeil («Qui trop beveit giseit enclins, / Tel jurn, tel dous, tel .iii. entrins», v. 811-12). Il s'agit donc d'un lieu d'épreuve, un lieu d'oubli. Pour l'abbé Brendan la fuite s'impose :

Dist lur abes : «Fuium d'ici

Que ne chaiez meis en ubli

Mielz vient suffrir honeste faim

Que ublïer Deu e sun reclaim.». (v. 817-20)

Remarquons, toutefois, que, lorsqu'on envisage le voyage dans sa totalité, les visites aux îles hostiles ou redoutables ne se font qu'une fois.

Du point de vue des influences exercées sur l'auteur par sa source, la Navigatio sancti Brendani, inspirée sans doute par la culture et les croyances pré-chrétiennes, aussi bien que par la spiritualité chrétienne, les îles devraient appartenir à l'Autre Monde : «Les Celtes se sont toujours représenté l'autre monde et l'au-delà merveilleux des navigateurs irlandais sous forme d'îles localisées à l'ouest (ou au nord) du monde 14. » Pour les moines, qui sont transportés peu à peu vers leur terre paradisiaque, ces îles représentent le progrès vers leur but primordial, leur centre spirituel, ce qui s'accorde très bien avec le symbolisme traditionnellement associé à l'île : «L'île, qui émergea des eaux primordiales le premier jour de la création, peut être considérée comme le centre et l'axe du monde, un centre spirituel15.» En ce qui concerne les moines du Voyage de saint Brendan, leurs lents progrès vers le centre spirituel sont rythmés par de multiples arrivées et départs. Les îles servent soit à contrecarrer soit à renforcer leurs aspirations et leurs idéaux. Mais, si leur but central est la terre, à savoir une île paradisiaque, la lutte la plus acharnée qu'ils ont à subir est celle qui les oppose à un autre élément, cette fois encore plus présent et infiniment plus imprévisible, la mer.

Les moines passent la plus grande partie de leur année à naviguer en mer : sur l'océan Atlantique. Cet océan constitue un univers aqueux qui domine leur existence et qui leur impose la faim, la soif et toutes sortes d'autres épreuves à surmonter et d'émotions à maîtriser. Tandis que Benedeit emploie quarante-six fois le mot mer 16, le terme occean ne paraît que deux fois :

Sur l'occean si cume un gruign. (v. 165-66)

Mult suffreiz e peines e mal

Par occean, amunt aval. (v. 549-50)

Occean est dans son sens fondamental la mer qui entoure le monde connu, mais l'usage qu'en fait Benedeit n'est certes pas loin de celui de la mer17. L'idée de ce que nous appelons aujourd'hui «océan», une étendue de mer particulièrement vaste, semble être exprimée dans notre texte par «le grant mer» (v. 157, 438). Du point de vue de la terminologie nautique, Benedeit précise que, lorsque Mernoc est parti à la recherche d'un lieu tranquille, il «en mer se mist» (v. 90). Quand les moines quittent la terre, ils «vunt» (v. 965, 1100), «en vunt» (v. 770, 1203), «s'en vunt» (v. 210, 621), «se tolent par mer» (v. 821) ou «entrent en mer» (v. 783, 1633). Ayant quitté le rivage, ils «errent par mer» (v. 194), «siglent en mer» (v. 621) ou «curent par mer / en mer» (v. 379, 785). Le poète utilise une fois le verbe trescorre : «Mais bien grant mer out trescurud» (v. 438). Lorsqu'ils sont en pleine mer, les moines ne voient rien « fors mer e cel » (v. 1642) ou rien « fors de la mer e des nues» (v. 214). Une fois éloignés de la terre, ils sont «en mer halte» (1064, 1640).

La vie que mènent les moines en mer, est soumise aux rigueurs d'innombrables problèmes et dangers. Plus leur voyage est long, plus ils s'exposent à l'épuisement de leur nourriture et de leur eau. De là ils sont en proie à la peur, à la lassitude, à la faiblesse physique et à la souffrance. Citons à titre d'exemple les passages suivants :

Tant cum durât lur vitaile,

Pener pourent sanz defaile.

Force perdent e viande ;

Puroc ourent pour grande. (v. 237-40)

Et il lur dist : «Or ad un an (v. 545-46,

Que avez suffert de mer le han». voir v. 379-80)

Qui cundùent lur nef amunt

Reposent sei quar lassét sunt. (v. 637-38)

Ce qui apparaît devant les moines correspond parfois à leurs attentes («Terre veient a lur espeir», v. 381). Mais également ils peuvent rencontrer l'inattendu :

Vindrent ila, si truverent

10 CCM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

Iço que poi espeirerent. (v. 1219-20)

La mer est susceptible d'offrir aux moines des visions à la fois spectaculaires et effrayantes :

Vers eals veint uns marins serpenz

Qui enchaced plus tost que venz. (v. 905-06)

Altre beste veient venir

Qui bien le deit cuntretenir. (v. 927-28)

Uns grips flammanz de l'air descent,

Pur eals prendre les ungles tent. (v. 1007-08)

Peissuns veûm granz e cruels,

Une n'oïmes parler de tels. (v. 1045-46)

La mer contient une grande diversité d'objets : des îles, des piliers / icebergs, des rochers, des boches (v. 1213), des montagnes, des animaux, des poissons. Si elle est, d'une part, la remanance («demeure», v. 952) d'animaux apparemment dangereux («Cum les caçout eisi par mer», v. 1015; «Sailent bestes ruistes de mer», v. 1058), elle peut, d'autre part, s'emparer d'objets et de bêtes qui menacent les moines. Le griffon «en mer chaït» (v. 1025), de même que la lame lancée par le démon (« U cheit en mer, iloec art», v. 1157).

Mais, avant tout, l'eau dans la mer s'associe au vent pour créer des vagues. À mesure que l'abbé Brendan mène ses moines à travers la mer («Puis les meinet Brandans par mer», v. 1211), le progrès du bateau dépend dans une large mesure des vagues et de la surface de l'eau. Au moment où Brendan s'approche de Judas, la mer reste sans mouvement («la mer ne mot», v. 1253), ce qui leur permet sans doute l'approche d'un rocher dangereux. Mais il arrive de temps en temps que la mer est trop «paisible» (v. 789), ce qui rend leur «curs mult peinible» (v. 790). La première rencontre animalière s'effectue lors d'une période où la mer est calme au point de sembler endormie :

Dormante mer unt e morte

Chi a sigler lur ert forte. (v. 895-96)

Leur bateau a beau être construit de façon à profiter des vagues :

Uindre la fîst qu'esculante

Od l'unde fust e curante. (v. 177-78)

Des vagues immenses peuvent à tout moment en menacer la stabilité. L'approche du «marins serpenz» trouble l'eau si violemment que les moines croient que le bateau est sur le point de chavirer :

E poi en fait pur turmente

La nef od eals que n'adente. (v. 901-02)

Sur les undes que il muveit,

Pur grant turment plus n'estuveit. (v. 915-16) 18

L'hostilité des vagues se manifeste clairement dans l'épisode de Judas. Même pendant son jour de répit, les vagues prolongent son châtiment, en maintenant leur assaut constant :

A un piler si se teneit. Fort se teneit a la père

LES QUATRE ÉLÉMENTS DANS LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN 11

Que nel rosast le unde arere ;

Undes de mer le ferent fort,

Pur quei n'ad fin la sue mort.

Le une le fert, pur poi ne funt ;

Le altre detriers jetet l'amunt. (v. 1226-32)

On voit donc que, comme bien d'autres aspects de ce texte, les vagues sont ambivalentes : «La mer est à la fois l'image de la vie et de la mort19.» Une fois que l'« altre beste» a exercé sa vengeance sur le «marins serpenz», la «terce part» du serpent est livrée aux moines grâce au pouvoir propulsif des vagues :

Del peisun veint la terce part ;

L'unde de mer tant la serre

Que ariver lur fait a terre. (v. 982-84) 20

C'est par la voie marine que les moines accèdent au paradis, mais c'est aussi la mer, à la fois redoutable et vivifiante, qui se révèle capable de terrifier les moines et de punir Judas. Mais quand les distances à parcourir sont exceptionnellement vastes ou que la mer semble dormir, les moines ont à faire face à une autre difficulté, la soif.

II. L'eau potable

En plus de la «mer de sal» (v. 1340) ou l'«unde de mer» (v. 983) qui transporte les moines, ceux-ci ont besoin d'eau potable pour survivre et le thème on ne peut plus réaliste de la nécessité de trouver à boire revient fréquemment dans le poème (onze occurrences) :

Pain lur portet e le beivre

E sis rovet cel receivre. (v. 357-58) 21

La soif des moines est soulignée à plusieurs reprises :

Les diz l'abét, cil les crement,

E lur mult grant seif, le prement. (v. 651-52)

Failent al vent e a cunreid ;

Crut l'egre faim e Tardant seid. (v. 787-88) œ

À noter également, l'adjectif rare sedeillus « mourant de soif» se trouve au vers 645 (« Vunt i curant cum sedeillus»)23.

L'eau fraîche (Y aiguë ou Yeigue, v. 332, 704, 997, 1457, 1589, 1601) est fournie par des funtaines (v. 643-44, 997, 1585), des duiz (v. 487, 489, 636, 650, 751, 799), des gort (v. 168, 855) ou des flum (v. 1748-49). À bord, les moines conservent leur eau potable dans des tunes, «tonneaux» qu'ils remplissent chaque fois que l'occasion se présente :

D'eigue dulce des funtaines

Funt lur tunes tûtes pleines. (v. 997-98)

Le désir de la part des moines de s'approvisionner en eau fraîche quand ils abordent sur de nouvelles îles est parfaitement compréhensible. En arrivant, assoiffés, à l'île d'Ailbe, ils trouvent une fontaine de nature insolite :

12 CCM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

E funtaine trovent duble,

L'une clere, l'autre truble. (v. 643-44)

Les moines, quoique «sedeillus», réussissent, grâce aux conseils de leur abbé, à restreindre leur soif, et ils finissent par découvrir que l'eau claire est potable, tandis que l'eau trouble n'est utilisable que pour se laver :

E des dous duiz que veïstes,

Dunt pur un poi ne preïstes,

Li clers est freiz que al beivre avum,

Li trubles calz dun nus lavum. (v. 751-54)

Remarquons que pour l'auteur les termes duit (v. 751) et funtaine (v. 643) semblent être identiques.

Cette fontaine «double» est une véritable concrétisation de la notion d'ambivalence. Elle possède deux fonctions plus ou moins opposées l'une à l'autre. D'ailleurs, cette fontaine qui satisfait aux besoins des moines de l'île d'Ailbe préfigure l'eau merveilleuse qui satisfait à elle seule aux besoins de Paul l'Hermite :

Ici me fist la funtaine

De tuz cunreiz qui est pleine :

Ço li est vis qui rien en beit

De tuz cunreiz que saùls seit.

De aiguë ai vescut anz seisante. (v. 1585-89)

On entrevoit ici la puissance inhérente de l'eau. «L'eau devient le symbole de la vie spirituelle et de l'Esprit... les significations de l'eau peuvent se réduire à trois thèmes dominants : source de vie, moyen de purification, centre de régénérescence24.» On pourrait dire que l'eau possède un potentiel remarquable : elle peut étancher la soif matérielle et la soif spirituelle. Sur l'île d'Ailbe l'abbé Brendan et ses compagnons boivent de l'eau douce qui possède une saveur exquise :

Puis unt beivre mult savurét :

Aiguë dulce plus de muret. (v. 703-04)

Cette eau, qui fortifie et réjouit les moines d'Ailbe, vient de la fontaine claire et froide. Tout se passe comme s'ils absorbent un peu de sagesse divine et reçoivent la bénédiction de Dieu 25. Lorsque les moines quittent l'île de Paul l'Hermite, celui-ci conseille à Brendan d'emporter un peu de la même eau qui lui a soutenu la vie pendant soixante ans :

D'icest' aiguë porte en od tei,

Dum guarisses de faim e sei. (v. 1601-02)

Ici l'eau potable marque une étape dans l'élection des moines et contribue au succès du voyage. Armés de cette eau à pouvoir exceptionnel, voire miraculeux, les moines ont enfin la possibilité d'accéder au paradis.

Lorsque, en abordant sur une île, les moines trouvent un duit («une petite rivière») qui les amène à la sécurité, on peut dire que l'eau fraîche des îles, fournie par Dieu, rejoint l'eau salée pour permettre aux fidèles de laisser derrière eux leurs épreuves maritimes et déguster du vin spirituel. La jointure entre les deux espèces d'eau se fait à l'embouchure du duil, à Yewage comme dit le texte : «La nef leisent en l'ewage / E mangèrent al rivage» (v. 567-68). Il est intéressant de se

LES QUATRE ÉLÉMENTS DANS LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN 13

rappeler que le bateau des moines avait été construit en premier lieu précisément là où un cours d'eau, un gori, se jetait dans la mer («Par unt la mer receit un gort», v. 168).

Quelle place faut-il accorder aux expériences aqueuses subies par les moines? Jean Larmat suggère très vraisemblablement que «la mer représenterait les épreuves de la vie26». Autrement dit, l'eau serait en quelque sorte un défi qu'il faut affronter avant d'arriver au paradis, et on pourrait dire que la mer et le bateau véhiculent les aspirations religieuses des moines. La mer constitue pour ainsi dire l'intermédiaire entre ce monde ici-bas et l'au-delà, entre l'Irlande et le paradis. Tout en menaçant leur vie, elle ouvre pour eux une nouvelle perspective et leur offre des possibilités de salut. Comme la terre, la mer contribue à l'acquisition du savoir qu'il leur faut avant d'accéder à la «grant glorie» (v. 53) de «cel parais / U Adam fud primes asis» (v. 49-50), ce qui correspond bien au symbolisme de la mer et de l'eau : «Donnée aux hommes par Dieu, [l'eau] devient le symbole de la sagesse et de la vie spirituelle27». La mer est «symbolique de la dynamique de la vie. Tout sort de la mer et tout y retourne : lieu des naissances, des transformations et des renaissances28». L'eau de la mer s'allie donc à l'eau puisée sur terre pour permettre aux moines de se ressourcer29 et se purifier. Mais, même munis d'eau potable et jouissant d'une mer relativement tranquille, les moines auront à affronter des imprévus venus d'un autre élément, celui de l'air.

Le premier exemple du terme air, attesté une dizaine de fois en tout, se rencontre lors du deuxième combat animalier, entre le griffon et le dragon. L'air est ici le véhicule essentiel du combat : «La bataille sus est en l'air» (v. 1019). Il est intéressant de noter qu'une première bataille animalière en mer est suivie d'une deuxième bataille aérienne. Dans le cas de la première île volcanique, l'air se combine avec la terre pour effrayer les moines. Les lames étincelantes, les roches et les flammes volent très haut dans l'air et plus tard la fumée se répand loin dans le ciel :

Par cel air tant hait volent. (v. 1129)

Del fumé chi luign par l'air s'espant. (v. 1170)

Les déplacements verticaux dans l'espace créent un lien entre terre et ciel. La terre s'élève vers le ciel grâce aux montagnes (« Hait sunt li pui en l'air tendant», v. 255), mais un arbre très haut peut remplir la même fonction («E ledement s'estent par l'air», v. 497) 30. Notons, cependant, que de temps en temps c'est de l'air que s'abattent des phénomènes hostiles :

Un grips flammanz de l'air descent. (v. 1007)

Halcet le sus vers la nue

E dreit vers eals puis la rue ...

Ne cheot sur eals, ainz passet. (v. 1147-48, 1156)

Qui dit air dit climat. Après le combat entre le «marins serpenz» et l'«altre beste», l'abbé Brendan et ses compagnons traversent une période de mauvais temps, ce qui permet à Brendan de manifester ses connaissances météorologiques :

Les tempestes avivèrent ; Cunuit Brendans a l'air pluius

14 CCM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

Que H tens ert mult annùus. (v. 970-72)

Le temps qui convient le mieux aux moines est le beau temps, qui n'existe que dans des cas exceptionnels, sur l'île de Paul l'Hermite («Beal tens i ad, tuz dis estét», v. 1554) ou au paradis :

Sanz fin i luist li clers soleil,

Ne venz n'orez n'i mot un peil. (v. 1755-56)

Une des caractéristiques du paradis est l'absence de nuages :

N'i vient nule nue de l'air

Qui del soleil tolget le clair. (v. 1757-58)

Le poète souligne qu'en arrivant au paradis les moines laissent derrière eux les nuages et le brouillard :

El quart issent de cel câlin ;

Forment sunt léd li pèlerin.

De la nue eisut s'en sunt

E parais bien choisit unt. (v. 1665-68)

Nous avons déjà vu que, pour la plupart, les moines ne voient pendant leur voyage que la mer et les nuages :

Tûtes perdent les veùthes

Fors de la mer e des nues. (v. 213-14) 31

Mais qu'est-ce qui leur permet de naviguer et d'espérer arriver à terre pour jouir sur une île d'un peu de repos matériel et spirituel? Ce sont en partie leurs efforts physiques manifestés surtout dans l'acte de nager :

Qui de nager erent penét

Sanz tuz travalz la sunt menét. (v. 249-50)

En outre, ils doivent beaucoup à Dieu et à la Providence :

E bien savent li afamét

Que la les ad Deus destinét.

Trovent tel lur entrée

Cum se lur fust destinée. (v. 795-98)

Mais, du point de vue nautique, le facteur essentiel est l'air en mouvement, à savoir le vent. L'intérêt exceptionnel que porte Benedeit à l'idée de vent se voit dans le fait que le texte contient vingt-sept exemples du terme vent et six du terme orrez «vent violent»32. Lorsque le vent est bon (v. 186, 215, 622), les moines «siglent al vent» (v. 377) ou «s'en vunt al vent» (v. 620). Si le vent ne souffle pas, ils sont obligés de rester à terre. Quand le vent souffle, il n'y a aucun retenement «empêchement» («N'en unt d'orez retenement», v. 1812) et ils sont en position de repartir :

Dist as frères : « Entrez en enz !

Deus graciez : bons est li venz.» (v. 185-86)

Le orrez lur veint de l'orient

Quis en meinet vers occident. (v. 211-12)

LES QUATRE ÉLÉMENTS DANS LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN 15

Vait s'en al vent tut la barge.

Vunt s'en mult tost en mer siglant,

De tant bon vent Deu graciant. (v. 620-22)

Puis q'unt l'uré, s'en issirent. (v. 1000)

Le départ des moines vers l'Occident est facilité par la direction du vent : «Le orrez lur veint de l'orient» (v. 211). Un vent favorable les aide beaucoup à regagner la haute mer.

Siglent al vent, vunt s'en adés. (v. 377)

Trestout curent al portant vent. (v. 893)

Al vent portant s'en alerent. (v. 1163) Quand il s'agit d'aborder, le vent ne leur est pas moins utile :

Terre veient grande e halte.

Li venz lur vient sanz défaite. (v. 247-48)

Dune dist l'ostes : «Ne i targez,

Mais la sigle de vent chargez!» (v. 1653-54)

Nous savons que dans ce poème Dieu n'est jamais loin des moines, et le vent, comme bien des phénomènes physiques, s'associe directement à la divinité. Fourni par Dieu, le vent constitue leur seule source de vitesse accélérée :

Vent out par Deu e tost i fud. (v. 437)

Entrent en mer, vent unt par Deu

Qui les luinet de l'isle Albeu. (v. 783-84)

De temps en temps les voyageurs trouvent, même quand ils sont sur terre, qu'il y a trop de vent : «Li venz lur ert cuntresailiz» (v. 973). En mer, un vent très fort peut faire peur :

Crut lur li venz e mult suvent

Crement péril e grant turment. (v. 623-24)

Tout comme une mer dormanle (v. 895), un vent gurz «faible, léger» est cause de consternation :

Si cururent par quinze jurz

Desque li venz tuz lur fud gurz :

Dune s'esmaient tuit li frère

Pur le vent qui falit ère. (v. 219-22)

Lorsque le vent manque, le voyage se prolonge, et il est difficile de conserver l'eau et les comestibles :

Crut l'egre faim e Tardant seid. (v. 787-88)

Ce texte présente, nous l'avons vu, une certaine ambivalence dans la fonction des concepts et des motifs importants, et le vent ne fait pas exception à cette tendance. Il peut être ou dangereux ou favorable aux moines. D'une part, il les pousse contre leur gré vers la première île volcanique peuplée d'êtres diaboliques :

Mult s'esforcent de ailurs tendre,

Mais ça estout lur curs prendre

Quar li venz la les em meinet. (v. 1111-13)

et vers la deuxième :

Las meineit vent par destrecce. (v. 1186)

16 CCM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

Un vent qui vient non pas du ciel mais de la violence des ailes du griffon faillit faire chavirer le bateau :

Pur sul l'aïr e le sun vent

Pur poi la nef achant ne prent. (v. 1013-14)

D'autre part, le vent peut remplir une fonction positive. Lorsque les moines craignent pour leur vie, le vent finit par leur permettre de s'enfuir de la première île volcanique :

Li venz la nef ad cunduite,

Pur quei d'iloec pregnent fuite. (v. 1161-62)

«II faut toujours profiter d'un vent favorable.» Cette remarque, faite par Paul l'Hermite au moment où les moines sont sur le point de partir pour le paradis, est riche en symbolisme :

«Entre en ta nef; ne demurer!

Ne deit sun vent hom sururer. » (v. 1603-04)

L'importance spirituelle du vent n'est pas difficile à saisir. «Dans la tradition chrétienne le vent est synonyme de souffle, de l'Esprit, influx spirituel céleste33.» Les moines ont vécu, pendant sept ans, dans un univers où le vent revêt sans cesse une importance capitale. Maintenant, armés d'eau miraculeuse, ils sont en mesure de profiter d'un vent divin. Le paradis n'est pas loin. Ils ont surmonté de nombreux obstacles, parmi lesquels le feu est celui qui présente le danger le plus immédiat et le plus effrayant.

La première allusion au feu se rencontre au moment où les moines s'arrêtent pour célébrer Pâques. Après une nuit de prière fervente, ils se servent de busche (v. 449) pour allumer un feu destiné au sacrifice d'une brebis. Ressentant soudainement un mouvement de la terre, ils regagnent le bateau en toute hâte. En quittant cette terre qui n'en est pas une, ils voient, à une distance de dix lieues (une cinquantaine de km), le feu qu'ils avaient allumé sur le dos de la baleine :

E de dis liuues bien choisirent

Le fou sur lui qu'il i firent. (v. 465-66)

Dans cet épisode le feu s'associe à la nourriture, à Pâques (v. 400), à la notion de célébration (feste, v. 397, 426, 470), au service de Dieu (v. 443) et à la peur (v. 468). Le feu, qui semble réveiller l'animal endormi, est une force qui, à ce moment-là, détruit le bien-être des moines et semble menacer leur vie. Pour les moines l'association entre le feu et la mer aurait créé un effet spectaculaire et troublant. Pour le public de Benedeit l'association entre le feu et Pâques, le temps de la renaissance de l'année religieuse, aurait revêtu une importance spirituelle considérable.

La deuxième occurrence du motif du feu se rencontre lorsque les moines se trouvent sur l'île d'Ailbe. Les moines qui vivent sur cette île ont l'avantage dune source permanente de lumière. Leurs lampes s'allument automatiquement et, malgré la combustion de la flamme, le feu ne consume ni cire ni huile :

En noz lampes fou recevum, Ne pur l'arsun que cist fous fait

LES QUATRE ÉLÉMENTS DANS LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN 17

Cire ne oile le plus n'en vait. (v. 756-58)

Dans ce passage le feu agit d'une manière entièrement positive. Comme bien d'autres motifs dans ce poème, la lumière dont jouissent les moines d'Ailbe a sa source en Dieu. À la fois matériel et spirituel, le feu crée ici un lien entre Dieu et ses serviteurs. C'est un des moyens dont dispose Dieu pour contribuer au bien-être de ses fidèles.

Mais nul n'ignore que le feu peut être aussi dangereux. Dans le récit de l'arrivée du «marins serpenz» Benedeit souligne avec insistance que cet animal s'associe au feu :

Li fus de lui si enbraise

Cume bûche de fornaise :

La flamme est grant, escalfed fort,

Pur quei icil crement la mort. (v. 907-10) 35

Remarquons dans ce passage la richesse du vocabulaire relatif au feu : fus (v. 907), bûche (v. 908), fornaise (v. 908), flamme (v. 909), escalfed (v. 909). Cette fois le feu s'associe au diable, car l'animal représente une force diabolique qui finit par être détruite par le pouvoir de Dieu. Sans l'intervention de Dieu, le «marins serpenz» aurait menacé la mission des moines. Ici le feu est un instrument de terreur et de destruction propre au diable. Le feu offre aux moines un aperçu de l'enfer, une rencontre avec une force contre laquelle ils n'ont aucun pouvoir. Ce feu infernal ne peut être combattu que par le feu divin. Lorsque l'«altre beste» arrive, nous voyons qu'elle aussi a des narines d'où sort du feu :

Des narines li fous lur sait,

Desque as nues qui volet hait. (v. 935-36)

Au feu de l'une des bêtes correspond le feu de l'autre. Le pouvoir destructeur du diable se voit vaincu par le pouvoir salutaire de Dieu.

Dans le deuxième combat animalier, celui entre le griffon et le dragon, le feu joue aussi un rôle d'une importance capitale. Le combat s'effectue entre un «grips flammanz» (v. 1007) et un «dra- guns flammanz» (v. 1016). Le griffon descend de l'air dans l'intention d'attaquer le bateau. Ses goës («gueule, mâchoire»), dit Benedeit, sont «flammantes».

Pur eals prendre les ungles tent,

E flammantes ad les goës. (v. 1008-09)

Pendant le combat, le feu que vomit la gueule de ces bêtes illumine le ciel comme un éclair («Li fus des dous fait grant esclair», v. 1020) 36. Pour les deux animaux le feu sert d'arme d'attaque :

Colps e flammes e morz e buz

Se entredunent veiant eals tuz. (v. 1021-22)

Dans ces deux épisodes, dont l'importance est soulignée par leur emplacement au beau milieu du texte (v. 893-1030), le feu est un facteur dominant. Les deux épisodes constituent pour les moines des épreuves importantes. Pour accéder au paradis, ils doivent remporter une victoire sur la double menace du feu qui vient de la mer et du feu qui vient de l'air.

Les deux combats animaliers sont séparés par un épisode qui illustre le côté positif du feu. Ayant retrouvé sur le rivage une partie du «pessuns de mer», les moines ramassent du bois pour faire cuire la viande («E de busche se guarnirent», v. 999). Le feu joue ici son rôle de source de chaleur nécessaire à la transformation de la chair en viande comestible. Mais à cette étape du voyage les

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moines n'ont certes pas surmonté l'obstacle que leur présente le feu hostile. Après avoir quitté le «grant piler», ils s'approchent d'une île recouverte de brume et de brouillard. Benedeit qualifie cette île de «terre truble» (v. 1103). Elle exhale une fumée puante : «De flaistre fum ert fumante» (v. 1105). Géographiquement parlant, nous avons affaire ici à un volcan en éruption. Thématique- ment, il s'agit d'un autre épisode diabolique et d'une autre épreuve. L'abbé Brendan explique à ses compagnons qu'ils sont en train d'être poussés vers l'enfer («A enfern estes cachez», v. 1116). Il sait qu'ils s'approchent du puits de l'enfer («d'enfern li puz», v. 1120), et dans son portrait vivant du volcan l'auteur insiste sur l'importance du feu qui sert à rendre même plus terrifiant ce nouvel obstacle :

Des parfunz vais e des fosses

Lammes ardanz volent grosses.

De fous soufflanz li venz enruit ;

Nuls tuneirs si hait ne muit.

Estenceles od les lammes,

Roches ardanz e les flammes

Par cel air tant hait volent

Le cler del jurn que lur tolent. (v. 1123-30)

Notons encore une fois le vocabulaire du feu : ardanz (v. 1124, 1128), estenceles (v. 1127), flammes (v. 1129), fous (v. 1125)37.

L'arrivée des moines est constatée par un féd «démon», qui sort «tout brûlant» de l'enfer («D'enfern eisit tuz eschalfez», v. 1134). Le poète présente ce démon comme ayant des yeux «flammanz» qui brûlent comme le feu («As uilz flammanz cum fus chi art», v. 1138). Il a aussi une bouche d'où jaillit le feu («Jetant flammes de sa gorge», v. 1141), et, grâce à ce motif, cet épisode s'associe aux combats animaliers où le feu buccal est très important. Lorsqu'il quitte sa forge, le démon tient une lamme qui est aussi rouge que les flammes («Tute ruge cume flamme», v. 1144). Il lance cette lame brûlante vers les moines, mais heureusement elle ne réussit pas à les atteindre. Elle tombe dans la mer où elle continue à brûler comme de la bruyère dans une clairière :

U cheit en mer, iloec art

Cum brûere en un asart,

E mult lune tens art la lame

En la mer a grant flamme. (v. 1157-60)

On pense ici au feu allumé sur le dos du poisson qui, lui aussi, continue à brûler longtemps après le départ des moines. En ce qui concerne les lames qui brûlent sur la surface de l'eau, le facteur décisif est sans doute la présence du soufre, ce qui n'est aucunement surprenant s'il s'agit d'un volcan en éruption (voir v. 1209, «Peiz e sufre desque as nues»). À l'instar des combats animaliers, le feu sert d'arme de guerre et d'un symbole concrétisé de la puissance destructrice du diable. Échappés aux griffes du diable, les moines s'approchent d'une montagne recouverte de nuages. C'est ici qu'ils perdent le deuxième retardataire. Au moment où ils quittent cette île, ce nuage s'avère être la fumée d'un grand feu, et lorsque cette fumée disparaît, les moines ont une vision momentanée de l'enfer qui dégorge du feu et des flammes :

Del fum li munz est descuverz,

Enfern veient tut aûverz.

Enfers jetet fus e flammes,

Perches ardanz e les lammes. (v. 1205-08)

Encore une fois on note le vocabulaire relatif au feu : fum (v. 1205), fus (v. 1207), flammes (v. 1207), ardanz (v. 1208). Des points de vue structural et thématique, il n'est pas dénué d'intérêt

LES QUATRE ÉLÉMENTS DANS LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN 19

de remarquer que le premier combat animalier et la première île volcanique, épisodes dans lesquels le diable s'associe au feu pour mieux menacer les moines, sont renforcés d'épisodes parallèles, imposant aux moines une «peine duble», analogue à celle que proposent les diables quand il s'agit d'infliger à Judas un châtiment supplémentaire :

A grant peine, a voiz truble

Dïent que avrat peine duble. (v. 1481-82)

Une fois que les moines ont quitté la deuxième île volcanique, ils jouissent d'une vie plus paisible. Le feu ne leur pose plus aucun problème. La prochaine occurrence du feu n'est, cependant, pas dépourvue d'intérêt. La souffrance qui se rattache au feu a comme victime désormais non pas les moines mais Judas, ce qui souligne qu'à cette étape du voyage les moines ont laissé derrière eux leurs soucis principaux. Judas commence par dire à Brendan que dans le monde qu'il habite il y a deux enfers séparés par la mer, mer si chaude qu'elle est presque en feu :

Les dous enfers mer les départ,

Mais merveille est que tut ne art. (v. 1341-42)

Le feu constitue, dit Judas, une partie intégrante de sa souffrance. Le mercredi il est rôti entre deux feux : «Entre dous fus Héd al post» (v. 1374). Il est lié à un poteau qui est «aussi rouge que s'il avait été pendant dix ans dans un feu qui était constamment avivé au soufflet» :

Tant est ruges cume si dis anz

En fus goùst as fols sufflanz. (v. 1377-78)

On pense ici aux «fous sufflanz» du deuxième épisode volcanique (v. 1125). Les fous sont évidemment une arme puissante quand on veut se servir du feu comme instrument de punition.

Judas déclare que le mercredi il est jeté dans de la poix dont il est enduit pour mieux brûler :

E pur la peiz li fus s'i prent

Pur enforcer le men turment ;

E dune sui en peiz riiez,

Pur plus ardeir sui enlùez. (v. 1379-82)

Ici le feu est encore une fois une forme de torture, un instrument de châtiment. Mais le jeudi, malgré la sévérité de la souffrance du mercredi, Judas se refroidit à tel point qu'il a bien envie de se retrouver dans le feu qui brûle si fort («fu... qui tant fort art», v. 1394). Le vendredi il est écorché, puis roulé, au moyen d'un pieu «ardant» (v. 1404), dans un mélange de suie et de sel.

Il existe un lien évident entre le feu, les flammes et la fumée. En outre, le feu s'apparente à d'autres conditions atmosphériques telles que les ténèbres, la noirceur et les nuages. Tous ces facteurs sont susceptibles de porter atteinte aux progrès des moines. Voici la description de l'approche de l'île volcanique :

De neir câlin e de nuble :

De flaistre fum ert fumante ...

De grant nerçun ert enclose. (v. 1103-05, 1107)

Cum plus près sunt, plus veient mal,

Plus tenebrus trovent le val. (v. 1121-22)

Ayant quitté la première île diabolique, les moines s'approchent le lendemain matin d'une autre île semblable. Elle est recouverte de fumée et ils trouvent que la terre est noire :

Un munt cuvert de nublece. (v. 1184-85)

E la terre est tute neire. (v. 1193)

20 CCM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

La noirceur, la fumée, le brouillard sont tous des obstacles à surmonter. Ils s'associent à la fois à l'enfer et au mal (v. 1122).

Mais le feu, ambivalent comme les autres éléments, peut s'apparenter aussi à des images positives : à la préparation de la nourriture, aux reflets des pierres précieuses, aux couleurs. La loutre apporte à Paul l'Hermite une quantité de marin werec («algue, varech») qui lui permet de faire cuire du poisson :

Al col pendud marin werec

Plein un sacel portout tut sec

Dun mes peisuns pouse quire. (v. 1571-73)

Lorsque les moines se trouvent au paradis, le feu et les flammes se lient à la lumière. Les murs du paradis sont parsemés de gemmes qui projettent une grande lumière éclatante. Le mur, resplendissant de toutes sortes de pierreries, flamboie :

Mais les gemmes funt granz lùurs

Dum purplantez esteit li murs.

As gutes d'or grisolites

Mult i aveit d'isselites ;

Li murs flammet, tut abrase,

De topaze, grisopase,

De jargunce, calcédoine,

D'esmaragde e sardoine ;

Jaspes od les amestistes

Forment luisent par les listes;

Li jacintes clers i est il

Od le cristal e od le beril ;

L'un a l'altre dunet clartét :

Chis asist fud mult enartét.

Luur grande s'entreportent

Des colurs chi si resortent. (v. 1679-94)

On remarque ici la fréquence des références à la lumière : lùurs (v. 1679, 1693), luisir (v. 1688), clartét (v. 1691), cler (v. 1689) 38. On a parlé du feu, surtout dans un contexte celtique, comme d'une «essence de la divinité et dispensateur de la lumière» (p. 134). «La lumière se dégage du feu», ajoutent Chevalier et Gheerbrant39. «La lumière symbolise constamment la vie, le salut, le bonheur accordés par Dieu ... la lumière est le symbole patristique du monde céleste et de l'éternité 40. »

Or, si la lumière s'associe au feu, elle s'associe également à l'air, aux conditions climatiques. Au paradis le niveau de chaleur est toujours satisfaisant («Ne chalz ne freiz, v. 1761) et on n'y trouve jamais de mauvais vents («Ne de mais venz ja ne savrat», v. 1760). Mais ce qui distingue en particulier la vie paradisiaque, c'est que le soleil brille sans interruption : «Sanz fin i luist clers soleil» (v. 1755). Au paradis il n'y a rien qui masque la lumière du soleil :

La quête du paradis est en quelque sorte la quête de la perfection lumineuse, la recherche du «cler soleil». «La lumière rayonnée par le soleil est l'intelligence cosmique et symbolise V intelligence, la connaissance recherchée par tout candidat à l'initiation41.»

LES QUATRE ÉLÉMENTS DANS LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN 21

À quelles conclusions ces remarques permettent-elles d'aboutir? Quelles fonctions faut-il attribuer aux quatre éléments dans le Voyage de saint Brendani Notons d'abord que le texte présente un voyage nautique qui est en même temps un voyage spirituel. Or, ainsi que nous nous sommes efforcé de le montrer, les quatre éléments participent aux deux niveaux à la fois. D'une part, l'abbé Brendan et ses moines partent à la recherche de l'enfer et du paradis, quittant l'Irlande où se trouve leur muster (v. 191) pour entreprendre un voyage en mer («par mer errer», v. 194) qui finit par durer sept ans. Ce voyage consiste en une exploration maritime poussée aux limites du monde connu, voire d'une pénétration dans l'au-delà. D'autre part, il s'agit d'une exploration des limites humaines, d'une quête de l'absolu, d'un examen de cette nécessité chrétienne, la foi inébranlable. Pour chacun des moines c'est une exploration personnelle, une découverte de soi effectuée par l'intermédiaire des quatre éléments, à savoir des principes fondamentaux de la vie.

Le véhicule qui permet aux moines d'atteindre ce qu'ils cherchent («Ço vetheir pur quei vunt fors», v. 218) est la mer. Jean Larmat a donc raison d'appeler ce texte «un poème de l'eau» (p. 235). Mais c'est aussi un poème de la terre, car les objets de la quête sont envisagés par Benedeit comme des îles, et les sept ans de voyage consistent en un déplacement ininterrompu de terre en terre. Bref, la terre et la mer, liées textuellement dès le vers 83 («Qu'il vit en mer e en terre»), s'unissent pour apporter aux moines des possibilités de salut et de succès42. La mer est la voie navigable qui mène les moines à la terre qu'ils souhaitent connaître, autrement dit, à la perfection spirituelle. Notons que le paradis se trouve être un jardin (v. 1733), symbole de la fertilité et de la tranquillité, image du centre du cosmos et de l'Éden. La terre et la mer ne sont certes pas, cependant, les seuls éléments qui revêtent dans ce texte une importance capitale. Sans air pas de mouvement. Le déplacement constant, nécessité par le voyage cyclique, dépend de la présence de vents favorables dont il faut toujours tirer parti. Ce que souhaitent les moines, c'est l'absence de conditions atmosphériques qui soient hostiles à leur double mission nautique et spirituelle : tempêtes, nuages, brouillard, noirceur, soit enfin tout ce qui est capable de «tolir le cler» (v. 498, 1130, 1758). De ce point de vue, l'objet de leur quête est le soleil, la forme la plus pure du feu, qui répand lumière et chaleur pour éclairer l'homme et réchauffer son corps. Car, de toutes les victoires que doivent remporter les moines au cours de leur voyage, celle qui s'effectue sur le feu n'est pas la moindre. En effet, le feu, lié à la première conquête de l'homme primitif et lié dans ce texte à l'enfer et au mal, est un élément destructeur. Même quand le feu prend la forme du soleil, il est capable de détruire de par une chaleur excessive qui engendre une sécheresse peu propice à la fertilité.

Quand on examine les quatre éléments, tant dans le texte lui-même que dans le symbolisme mondial, ce qu'il y a de particulièrement frappant, c'est le rôle que joue l'ambivalence. Chacun des éléments possède un potentiel positif et négatif, purificateur et destructeur à la fois. Chacun est susceptible soit de menacer soit de réconforter les moines, en l'occurrence, dans une perspective globale, les hommes en général. En outre, les éléments sont tous- riches en symbolisme. Les termes de spiritualisation, régénération, purification, manifestation de Dieu font partie intégrante de toute analyse des multiples rôles symboliques que jouent les quatre éléments. Or le poème qu'offre Benedeit à l'une des femmes du roi Henri Ier d'Angleterre est un poème élémentaire. La mission qu'il propose à ses mécènes en tant que reines est également celle qu'il s'était proposé à

22 CGM, XXXVIII, 1995 glyn s. burgess

lui-même en tant que poète religieux, celle de réconcilier la «lei de terre» à la «lei divine» (v. 2-3), c'est-à-dire de proclamer l'interdépendance et l'indissolubilité qui existent entre les aspirations des hommes et la vie éternelle.

Glyn S. Burgess

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1. Voir à ce sujet Luc Benoist, Signes, symboles et mythes, Paris, 1975 (Que sais-je ?, 1605), surtout p. 58-69 («Les médiateurs élémentaires : feu, air, eau»).

2. Les citations renvoient à Benedeit : The Anglo-Norman Voyage of St Brendan, éd. Ian Short et Brian Merrilees, Manchester, 1979. J'ai utilisé aussi Le Voyage de saint Brandan par Benedeit, texte et trad. de Ian Short, introd. et notes de Brian Merrilees, Paris, 1984 (Bibliothèque médiévale), et E. G. R. Waters, The Anglo-Norman Voyage of SI Brendan by Benedict, Oxford, 1928. Parmi les articles consacrés à ce texte je signale en particulier : M. Burrell, «Narrative Structures in Le Voyage de St Brendan», Parergon, XVII, 1977, p. 3-9 ; — J. H. Caulkins, «Les notations numériques et temporelles dans la Navigation de saint Brendan», Le Moyen Âge, LXXX, 1974, p. 245-260 ; — R. N. Illingworth, «The Structure of the Anglo-Norman Voyage of St Brendan by Benedeit», Médium Aevum, LV, 1986, p. 217-229 ; — R. F. Jones, «The Mechanics of Meaning in the Anglo-Norman Voyage of Saint Brendan», Bomanic Beview, LXXI, 1980, p. 105-115 ; — J. Larmat, «L'eau dans Ta Navigation de Saint Brandan de Benedeit», dans L'eau au moyen âge, Aix-en- Provence, 1985 (Senefiance, 15), p. 235-246, et Id, «Le réel et l'imaginaire dans la Navigation de Saint Brandan», dans Voyage, quête, pèlerinage dans la littérature et la civilisation médiévales, Aix-en-Provence, 1976 (Senefiance, 2), p. 171-182.

3. Voir Geoffrey Ashe, Land to the West, Londres, 1962, p. 97.

4. Sur la notion du voyage cyclique voir v. 545-52, 873-80, 1616-18, et Caulkins, op. cit. n° 2, p. 255.

5. Voici la liste complète du terme terre : v. 3, 83, 161, 247, 381, 440, 455, 469, 481, 486, 495, 625, 629, 634, 774, 786, 794, 824, 963, 969, 1043, 1103, 1193, 1723, 1732. Le terme isle paraît aux vers 93, 97, 423, 425, 436, 464, 617, 784, 1165. On note aussi la fréquence du terme lieu : v. 35, 63, 86, 91, 160, 263, 269, 368, 418, 431, 505, 516, 543, 664, 666, 670, 673, 713, 714, 725, 771, 1184, 1321, 1323, 1391, 1496, 1515.

6. Brian Fullerton et Alan F. Williams, Scandinavia, Londres, 1972, p. 137.

7. John F. West, Faroe : the Emergence of a Nation, Londres/New York, 1972, p. 2.

8. Voir Geoffrey Ashe, The Quesl for America, Londres, 1971, p. 30-31, 35.

9. Voir Pierre Biays, L'Islande, Paris, 1983 (Que sais-je ?, 2083), p. 17-22, et G. Ashe, The Quesl for America, op. cil. supra, p. 38.

10. Voir Tim Severin, The Brendan Voyage, Londres, 1978, p. 164-165.

11. Jill Tattersall, «The Island and its Significance in Old French Texts of the Twelfth and Thirteenth Centuries», French Studies, XXXIV, 1980, p. 3.

12. Le terme cunrei paraît aux vers 301, 331, 365, 434, 459, 582, 764, 787, 858, 886, 888, 974, 1580, 1584, 1586, 1588. Le terme englobe tout ce qui sert à approvisionner les moines et à équiper le bateau. Pour le terme viande «vivres, provisions», voir v. 184, 239, 289, 583, 742.

13. Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles : mythes, rêves, coutumes, gestes, formes, figures, couleurs, nombres, éd. rev. et augm., Paris, 1982, p. 941.

14. Ibid., p. 519.

15. Nadia Julien, Le dictionnaire Marabout des symboles, Paris, 1989, p. 167.

16. Voir v. 83, 90, 93, 157, 168, 194, 214, 256, 257, 379, 438, 471, 480, 546, 621, 783, 785, 789, 821, 851, 883, 895, 946, 983, 1015, 1025, 1042, 1058, 1064, 1070, 1072, 1080, 1157, 1160, 1211, 1213, 1229, 1253, 1340, 1341, 1346, 1506, 1633, 1640, 1642, 1696. Pour d'autres aspects du vocabulaire de la mer et de l'eau, voir J. Larmat, «L'eau ...», op. cit. n. 2, p. 244- 245.

17. Le terme occean est traduit par Godefroy, qui ne cite pas nos exemples (les premiers connus en français d'ailleurs), comme «vaste étendue d'eau salée qui baigne toutes les parties de la terre» (t. 10, p. 222). Voir aussi Tobler-Lommatzsch, t. VI, col. 961.

18. Voir sur ce passage et sur le concept du turment dans ce poème mon article «Répétition and Ambivalence in the Anglo-Norman Voyage of St Brendan», dans Anglo-Norman Anniversary Essays, éd. Ian Short, Londres, 1993 (Occasional Publ. Ser., 2), p. 61-74.

19. J. Chevalier et A. Gheerbrant, op. cil. n. 13, p. 623.

20. Le terme unde paraît dans ce texte neuf fois : v. 178, 915, 944, 983, 1041, 1228, 1229, 1237, 1453.

21. Voir aussi v. 603, 703, 753, 804, 811, 1409, 1422, 1578, 1587.

22. Voir aussi v. 332, 805, 1174, 1602, 1762.

23. Le terme doit dériver de *siticulosus.

24. J. Chevalier et A. Gheerbant, op. cil. n. 13, p. 377, 374. Voir aussi Gérard Chandès, « Recherches sur l'imagerie des eaux dans l'œuvre de Chrétien de Troyes», Cahiers civl. médiév., XIX, 1976, p. 151-164.

25. Pour des remarques sur le rapport entre l'eau et la foi, voir Maxwell Luria, «The Storm-making Spring and the Meaning of Chrétien's Yvain», Studies in Philology, LXIV, 1967, p. 564-585, 578-579.

26. J. Larmat, «L'eau...», op. cil. n. 2, p. 239.

27. J. Chevalier et A. Gheerbrant, op. cit. n. 13, p. 114.

28. N. Julien, Le dictionnaire Marabout ..., op. cit. n. 15, p. 623.

29. Pour le verbe «ressourcer» voir J. Chevalier et A. Gheerbrant, op. cit. n. 13, p. 374.

30. Pour le terme air voir v. 255, 497, 971, 1007, 1019, 1129, 1150, 1170, 1345, 1357, 1757.

31. Pour exprimer la notion de «nuage» nous rencontrons les termes nue (v. 214, 494, 936, 1069, 1147, 1209, 1647, 1652, 1655, 1660, 1667, 1670, 1757), niule (v. 1608), nuble (v. 1104) et nublece (v. 1185). Le nuage s'apparente au «brouillard» qui est représenté dans ce texte surtout par le terme câlin, qui vient du latin caliginem (v. 1104, 1644, 1649, 1657, 1665).

32. Pour le terme vent voir v. 186, 215, 220, 222, 227, 228, 235, 248, 377, 437, 620, 622, 623, 783, 787, 893, 906, 973, 1013, 1113, 1125, 1150, 1161, 1163, 1186, 1254, 1345, 1356, 1357, 1604, 1622, 1654, 1756, 1760. Le terme orrez (orez, oré, uré) paraît aux vers 94, 211, 1000, 1254, 1756, 1812. Au vers 793 le terme orage signifie «vent fort».

33. N. Julien, Le dictionnaire Marabout ..., op. cit. n. 15, p. 426.

34. Voir aussi deuxième partie de mon étude «Répétition and Ambivalence», op. cit. n. 18. Je tiens à remercier M. Ian Short qui a bien voulu me permettre de reprendre ici des arguments rédigés en anglais.

35. Au vers 909 je suis l'édition de 1984 en lisant escalfed non escalfed.

36. Dans des contextes où il s'agit de comparaisons, Benedeit fait allusion non seulement à l'éclair mais aussi à un tourbillon (« Esturbeiluns plus tost ne vait», v. 1149) et au tonnerre («Nuls tuneirs si hait ne muit»). L'éclair et le tonnerre sont, dit Le dictionnaire Marabout des symboles, «le feu du ciel» (p. 135).

37. Le terme fous ne désigne pas le feu, mais un instrument utilisé pour attiser le feu, le soufflet.

38. Sur la fonction des pierres précieuses voir aussi v. 673-86 et 1079-1084 ; — R. N. Illingworth, «The Structure...», op. cit. n. 2, p. 220, et M. Luria, «The Storm-making Spring...», op. cit. n. 25, p. 579.

39. N. Julien, Le dictionnaire Marabout ..., op. cil. n. 15, p. 134.

40. J. Chevalier et A. Gheerbrant, op. cit. n. 18, p. 588.

41. N. Julien, op. cil. n. 15, p. 374.

42. Je n'adopte pas ici l'opinion de R. Jones qui parle d'un conflit entre l'eau et la terre, conflit qu'il considère comme formant le nœud du récit (p. 110).

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LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN

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LE VOYAGE DE SAINT BRENDAN

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Le plus ancien texte narratif connu en langue française (début du XIIe siècle), le Voyage de saint Brendan se range dans la série de pèlerinages fantastiques dans l`Autre Monde, qui a tant obsédé le Moyen Âge celtique. Brendan, moine irlandais légendaire dont le prototype historique vivait au VIe siècle, navigue parmi les îles enchantées de l`Atlantique à la recherche du Paradis terrestre. Le texte-source du poème anglo-normand de Benedeit (Benoît) est la Navigatio sancti Brendani abbatis, qui remonte au IXe siècle, sinon plus loin encore. Les éditeurs présentent ce récit extraordinaire d`exploration et d`aventures dans le cadre d`une odyssée spirituelle, en le situant dans la longue tradition des poèmes de même inspiration, qui de l`Antiquité mène à la Divine Comédie.

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Benedeit, Le voyage de saint Brendan

Benedeit , Le voyage de saint Brendan . Édition bilingue. Texte, traduction et notes par Ian Short et Brian Merrilees , Paris, Champion, 2006 («Champion Classiques. Série Moyen Age», 19), pp. 207.

Texte intégral

1 L’edizione riprende il testo delle precedenti edizioni dei due curatori (Manchester, Manchester University Press, 1979 e Paris, Union Générale d’Editions, 1984), preceduto da un’introduzione generale con bibliografia sommaria, accompagnato da traduzione in prosa a fronte e note e seguito da un glossario selettivo. Si tratta di un volume utile e abbastanza informato; l’introduzione e il commento sono però troppo limitati rispetto all’importanza di questo celebre testo.

Pour citer cet article

Référence papier.

Walter Meliga , «  Benedeit, Le voyage de saint Brendan  » ,  Studi Francesi , 158 (LIII | II) | 2009, 370.

Référence électronique

Walter Meliga , «  Benedeit, Le voyage de saint Brendan  » ,  Studi Francesi [En ligne], 158 (LIII | II) | 2009, mis en ligne le 30 novembre 2015 , consulté le 19 mars 2024 . URL  : http://journals.openedition.org/studifrancesi/7829 ; DOI  : https://doi.org/10.4000/studifrancesi.7829

Walter Meliga

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Le voyage du «Brendan»: À travers l'Atlantique dans un bateau de cuir

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Timothy Severin

Le voyage du «Brendan»: À travers l'Atlantique dans un bateau de cuir Broché – 15 mars 2013

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  • Nombre de pages de l'édition imprimée  296 pages
  • Langue Français
  • Éditeur Hoëbeke
  • Date de publication 15 mars 2013
  • Dimensions 13.9 x 2.2 x 22.5 cm
  • ISBN-10 2842304691
  • ISBN-13 978-2842304690
  • Voir tous les détails

Description du produit

Biographie de l'auteur, détails sur le produit.

  • Éditeur ‏ : ‎ Hoëbeke (15 mars 2013)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 296 pages
  • ISBN-10 ‏ : ‎ 2842304691
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2842304690
  • Poids de l'article ‏ : ‎ 391 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 13.9 x 2.2 x 22.5 cm
  • 3,140 en Récits de voyages
  • 58,651 en Loisirs créatifs, décoration et passions

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Timothy severin.

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Biden recevra les dirigeants du Japon et des Philippines en avril pour contrer la Chine

  • le 19/03/2024 à 01:02
  • Modifié le 19/03/2024 à 04:44

Lecture en 2 min.

Biden recevra les dirigeants du Japon et des Philippines en avril pour contrer la Chine

Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'une réception à la Maison Blanche, le 18 mars 2024

Brendan SMIALOWSKI / AFP

Biden recevra les dirigeants du Japon et des Philippines en avril pour contrer la Chine

Un navire de la Garde côtière chinoise (en bas) et un navire de la Garde côtière philippine lors d'une collision, dans une image aérienne prise le 5 mars 2024 et diffusée par les Phillipines

Handout / Philippine Coast Guard (PCG)/AFP

Biden recevra les dirigeants du Japon et des Philippines en avril pour contrer la Chine

Le président américain Joe Biden (centre) lors d'une conférence de presse aux côtés des dirigeants du Japon et de la Corée du Sud, le vendredi 18 août à Camp David, près de Washington

Jim WATSON / AFP/Archives

Le président américain Joe Biden s'exprime lors d'une réception à la Maison Blanche, le 18 mars 2024

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Joe Biden va accueillir les dirigeants des Philippines et du Japon pour un sommet commun le 11 avril à Washington, a annoncé lundi la Maison Blanche, une première entre les trois pays inquiets de la montée en puissance de la Chine.

Le Premier ministre japonais Fumio Kishida, le président philippin Ferdinand Marcos et le président américain vont défendre ensemble "une vision commune pour un Indo-Pacifique libre et ouvert", a déclaré dans un communiqué la porte-parole de l'exécutif américain Karine Jean-Pierre, faisant référence à la Chine.

Sa puissance croissante dans la région inquiète les Etats-Unis et nombre de leurs alliés, les poussant à renforcer leur coopération face à cet adversaire commun.

Le sommet aura lieu au lendemain d'une visite d'Etat du Premier ministre japonais dans la capitale américaine, déjà annoncée. Et Joe Biden recevra le Président Marcos pour un entretien bilatéral après le sommet tripartite.

L'annonce du sommet est intervenue alors que le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken se rendait à Manille, un voyage qui, selon le département d'Etat, réaffirme "l'engagement inébranlable" des Etats-Unis envers les Philippines.

Biden recevra les dirigeants du Japon et des Philippines en avril pour contrer la Chine

Un navire de la Garde côtière chinoise (en bas) et un navire de la Garde côtière philippine lors d'une collision, dans une image aérienne prise le 5 mars 2024 et diffusée par les Phillipines / Handout / Philippine Coast Guard (PCG)/AFP

La Chine a récemment accusé Washington d'utiliser les Philippines comme un "pion" en mer de Chine méridionale, après plusieurs incidents autour d'îlots que les deux pays asiatiques se disputent âprement.

Le 11 avril, "les dirigeants vont réaffirmer les alliances à toute épreuve entre les Etats-Unis et les Philippines, et entre les Etats-Unis et le Japon", a encore déclaré Karine Jean-Pierre dans le communiqué.

Le Japon espère que les discussions favoriseront un "ordre international libre et ouvert basé sur les règles du droit", a déclaré le porte-parole du gouvernement nippon, Yoshimasa Hayashi.

"Avec l'alliance entre le Japon et les Etats-Unis comme pivot, nous pensons que l'approfondissement de la coopération avec des pays dotés d'une même sensibilité dans de nombreux domaines comme les Philippines sera essentiel au maintien de la paix et de la prospérité dans cette région", a-t-il déclaré à la presse.

En novembre, les dirigeants philippins et japonais avaient annoncé le début de négociations en vue d'un accord de défense qui permettra le déploiement de militaires des deux pays sur leurs territoires respectifs.

Biden recevra les dirigeants du Japon et des Philippines en avril pour contrer la Chine

Le président américain Joe Biden (centre) lors d'une conférence de presse aux côtés des dirigeants du Japon et de la Corée du Sud, le vendredi 18 août à Camp David, près de Washington / Jim WATSON / AFP/Archives

Joe Biden avait assuré son homologue philippin de son soutien "indéfectible" lors d'une visite à la Maison Blanche en mai 2023, promettant de "soutenir la modernisation" de l'armée philippine.

Le président américain avait par ailleurs accueilli il y a quelques mois M. Kishida et son homologue sud-coréen dans sa résidence de Camp David pour un sommet censé envoyer, là aussi, un message ferme d'unité face à Pékin.

Lors d'un entretien entre Joe Biden et le président chinois Xi Jinping en novembre en Californie, les deux dirigeants ont renoué le dialogue, sans pour autant réellement freiner la vive compétition que se livrent les deux plus grandes économies de la planète.

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  1. « Le voyage de saint Brendan », Benedeit

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  3. THE VOYAGE OF BRENDAN. THE CRYSTAL COLUMNS.

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  1. THE BRENDAN VOYAGE CONCERT, LIVE IN DINGLE

  2. Unraveling the Mystery Did Saint Brendan's Island Exist

  3. St. Brendan's Church, Riverside, RI

  4. THE BRENDAN VOYAGE 4th, 5th and 6th movements LIVE AT CORK CITY HALL

COMMENTS

  1. Saint Brendan

    Il y a de nombreux parallèles et plusieurs références croisées entre le Voyage de Saint Brendan et le Voyage de Bran ou Le Voyage de Máel Dúin . L'un des plus vieux manuscrits rapportant cette légende, De Reis van Sinte Brandaen, est écrit en vieux-néerlandais et date du XIIe siècle.

  2. Les moines irlandais et le voyage de Saint-Brendan

    D'après un récit du 10e siècle, Navigatio Sancti Brendani Abbatis (Le voyage de Saint-Brendan), les moines naviguent pendant sept ans dans l'Atlantique Nord. Le départ de Saint-Brendan et de ses compagnons, s.d. Artiste inconnu. Tiré de St. Brendan the Voyager du révérend Denis O'Donoghue, Brown & Nolan, Dublin, 1893) frontispice.

  3. Le voyage de saint Brendan

    Le voyage de saint Brendan. Intégrale du texte anglo-normand et français du Voyage de saint Brendan, le périple fantastique d'un abbé irlandais du VIème siècle à la recherche du Paradis terrestre.

  4. Le Voyage de Saint Brendan {Navigatio sancti Brendani}

    Le Voyage de saint Brendan, moine actif au VI, prend sa source - sinon est issu - d'un amalgame entre d'une part les récits hagiographiques de sa vie et d'autre part l' echtra déjà christiano-celtique dit Voyage de Bran (1).La légende s'est vraisemblablement fixée vers le IX avec la Navigatio sancti Brendani abbatis dont on trouve par la suite de multiples versions et ...

  5. Brendan the Navigator

    Brendan of Clonfert (c. AD 484 - c. 577) is one of the early Irish monastic saints and one of the Twelve Apostles of Ireland. He is also referred to as Brendan the Navigator, Brendan the Voyager, Brendan the Anchorite, and Brendan the Bold. The Irish translation of his name is Naomh Bréanainn or Naomh Breandán.

  6. BRANDAN ou BRENDAN

    Le Voyage de saint Brandan (1106 ?) du moine anglo-normand Benedeit (Benoît) ne dépend pas du texte latin, mais remonte plus haut dans la légende et transforme le conte merveilleux en vie de saint, le périple en purification progressive du héros au cours d'un véritable pèlerinage.

  7. Le voyage du Brendan • Abbé Louis Hanappier • LPL

    Le « Brendan », bateau en cuir. Tim Severin. Le voyage du Brendan. Source : Le Saint- Vincent n° 30. Abbé Louis Hanappier. Marine. Le récit extraordinaire d'un équipage qui a traversé l'Atlantique sur un bateau de cuir...

  8. Le voyage de saint Brendan

    Creston, R.-Y., Journal de bord de Saint-Brendan à la recherche du Paradis, Paris, Éditions de Paris, 1957. Gaffarel, Paul, « Les voyages de saint Brandan et des Papœ dans l'Atlantique au moyen âge », Bulletin de la Société de géographie de Rochefort, 2, 1880-1881, p. 29- Richard, Jean, « Voyages réels et voyages imaginaires, instrauments de la connaissance géographique au Moyen ...

  9. La navigation de Saint Brendan : Edition bilingue français ...

    Honore Champion (19/10/2006) 3.39 /5 9 notes. Résumé : Le plus ancien texte narratif connu en langue française (début du XIIe siècle), le Voyage de saint Brendan se range dans la série de pèlerinages fantastiques dans l'Autre Monde, qui a tant obsédé le Moyen Âge celtique.

  10. Le voyage de Saint Brendan

    « Le voyage de Saint Brendan » (éd. bilingue) traduction, présentation et notes par Brian Merrilees et Ian Short, Paris : Honoré Champion (Moyen Âge, 19), 2006 Marie-Madeleine Gladieu, « Le voyage de Saint Brandan sur la mer d'Irlande et autres », in Eliseo Trenc (éd.), Au bout du voyage, l'île : Mythe et réalité , Reims : Presses universitaires de Reims, 2001

  11. Mythologie Celte

    Le voyage de saint Brendan illustré par un manuscrit allemand du xve siècle. Ce texte mythologique irlandais expose une attache très profonde au symbolisme et à une vision poétique du monde. Il s'agit d'un voyage vers l'Autre rive d'un personnage nommé Bran dont un chant féérique animera son désir de rejoindre une terre ...

  12. La vie de saint Brendan, les notes, Le voyage de saint Brendan

    La vie de saint Brendan, les notes, Le voyage de saint Brendan. rendan n'est pas un personnage de légende, mais sa biographie, comme ses voyages, a été enjolivée par les générations qui se sont succédé. Les premières références à Brendan datent du VIIe siècle.

  13. Avant-propos, Le voyage de saint Brendan

    Intégrale du texte anglo-normand et français du Voyage de saint Brendan, le périple fantastique d'un abbé irlandais du VIème siècle à la recherche du Paradis terrestre Odyssée merveilleuse en même temps que quête, le « Voyage de saint Brendan » est un véritable bijou de la littérature médiévale.

  14. Le Voyage de saint Brandan

    Benedeit — Le Voyage de saint Brandan. Transcription du manuscrit de la British Library, 1979 [1] 1 Donna Aaliz la reïne, Par qui valdrat lei divine, Par qui creistat lei de terre. 4 E remandrat tante guerre. Por les armes Henri lu rei. E par le cunseil qui ert en tei, Salüet tei mil e mil feiz.

  15. Les fonctions des quatre éléments dans le Voyage de saint Brendan par

    Les fonctions des quatre éléments dans le Voyage de saint Brendan par Benedeit. Résumé. Terre, air, feu, eau : nous sommes tous conscients de la présence de ces quatre éléments dans le monde où nous vivons. Pour nous ces éléments jouent dans notre vie un rôle important sans nous forcer pour autant à leur attribuer une influence primordiale.

  16. Le Voyage De Saint Brendan

    BENEDEIT. Le plus ancien texte narratif connu en langue française (début du XIIe siècle), le Voyage de saint Brendan se range dans la série de pèlerinages fantastiques dans l`Autre Monde, qui a tant obsédé le Moyen Âge celtique.

  17. Le voyage du Brendan : A travers l'Atlantique dans un bâteau de cuir

    C'est une merveilleuse aventure que celle du Brendan. le récit est riche d'information sur la vie de Saint Brendan, de ce que pouvait être les voyages et comment les moins irlandais ont pu voyager sur les océans.

  18. Benedeit, Le voyage de saint Brendan

    Benedeit, Le voyage de saint Brendan. Édition bilingue. Texte, traduction et notes par Ian Short et Brian Merrilees , Paris, Champion, 2006 («Champion Classiques. Série Moyen Age», 19), pp. 207.

  19. PDF Le voyage de saint Brendan

    Le voyage de saint Brendan

  20. PDF Voyage de saint Brendan

    La navigation de saint Brendan (1996) , Rennes : Terre de brume éd. , 1996 De reis van Sint Brandaan (1994) , Amsterdam : Uitg. Prometheus : B. Bakker , 1994 Le voyage de saint Brendan, abbé (1984) , Nantes : 3, rue Harrouys, 44000 : BAB , 1984 Le voyage de Saint Brandan (1984) , Paris : Union générale d'éditions , 1984 The Voyage of Saint ...

  21. Le voyage du «Brendan»: À travers l'Atlantique dans un bateau de cuir

    Le voyage du «Brendan»: À travers l'Atlantique dans un bateau de cuir Broché - 15 mars 2013. de Tim Severin (Auteur), Robert Latour (Traduction) 4,0 5 évaluations. Afficher tous les formats et éditions. Prouver que les grands voyages mythiques étaient véridiques est rapidement devenu une obsession pour Tim Severin.

  22. L'intégrale, page 1, Le voyage de saint Brendan

    Intégrale du texte anglo-normand et français du Voyage de saint Brendan, le périple fantastique d'un abbé irlandais du VIème siècle à la recherche du Paradis terrestre : Madame la reine Aélis, grâce à qui la religion chrétienne prévaudra et la justice en ce bas monde s'affermira, et par qui un terme sera mis à tant de guerres en vertu de la puissance militaire du roi Henri et des ...

  23. PDF La Vocation De L'Arbre D'Or

    voyage de saint Brendan à la recherche du paradis Légende latine du IXe siècle renouvelée par Paul Tuffrau AvAnt-propos De tout temps, l'union du rêve et de l'aventure a séduit les hommes. Cepen-dant, peu d'œuvres présentant ce double caractère ont connu l'étonnante for- tune de la Peregrinatio Sancti Brendani, Voyage de saint Brendan. Pendant sept cents ans, reprise sans ...

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    Joe Biden va accueillir les dirigeants des Philippines et du Japon pour un sommet commun le 11 avril à Washington, a annoncé lundi la Maison Blanche, une première entre les trois pays inquiets ...